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Pourquoi l'Ukraine dit non à l'Europe

L'Ukraine devait signer ce vendredi un accord historique scellant son rapprochement avec l'Union européenne. Mais elle refuse pour l'instant de le faire, demandant une aide économique de l'UE avant. Face à l'intense pression de la Russie, l'Ukraine va sans doute mettre fin à six ans de négociation, mettant l'UE dans une situation diplomatiquement compliquée. 
Article rédigé par Lucas Roxo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Reuters)

Ce vendredi, l'Ukraine devait signer un accord historique scellant son rapprochement avec l'Union européenne. Dans les cartons depuis six ans - même si les négociations ont officiellement démarrées en 2009 -, cet accord va, selon toute vraisemblance, être rejeté par le président ukrainien Viktor Ianoukovitch. Et marquer un éloignement entre cette ancienne république de l'URSS et l'Ouest de l'Europe, éloignement qui pourrait durer plusieurs années. 

Le dîner organisé ce jeudi soir entre les chefs d'Etat et de gouvernement des 28 Etats de l'UE et les six anciens membres de l'URSS regroupés au sein du Partenariat oriental, n'a pas infléchi les positions. 

L'intense pression de Moscou

Car l'Ukraine ne se contente pas de "refuser" l'accord de l'Union européenne. Devant les Européens, le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, explique que son pays rencontre de graves problèmes économiques de son pays, et qu'il souhaite que ceux-ci soient résolus "ensemble par l'UE et par la Russie ". Ce que l'Union européenne refuse. 

Mais le président ukrainien reste inflexible sur cette proposition de dialogue tripartite que l'UE. "C'est comme si on invitait la Chine aux négociations avec les Etats-Unis ", ironise un diplomate européen.

Après l'annonce des autorités ukrainiennes de l'abandon de la préparation de l'accord d'association, les Européens ont rapidement accusé Moscou d'avoir fait pression. La Russie, destination du quart des exportations ukrainiennes, presse Kiev d'adhérer à l'Union douanière créée par Moscou avec d'autres ex-républiques soviétiques.

"Nous désapprouvons avec force la position et les actions de la Russie à cet égard ", a simplement affirmé Herman Von Rompuy, le président du Conseil européen. 

Un manque d'attrait de l'UE ? 

Le coup est dur pour les instances européennes, qui voient l'Ukraine préférer une alliance régionale à un accord européen. Au bout de six années d'une discussion qui devait illustrer la nouvelle politique envers l'Est de Bruxelles, c'est une défaite diplomatique. 

L'UE pourra toujours se consoler par la signature de la Moldavie et de la Géorgie, qui devraient tout de même parapher l'accord rejeté par l'Ukraine. Mais elle pâtit de sa crise économique ainsi que des relations historiques qui unissent l'Ukraine à la Russie. 

D'autant que le pays gouverné par Viktor Ianoukovitch fait face lui-même à une situation économique très difficile. Le PIB a chuté de 1,5% cette année, et il va devoir rembourser 6 milliards d'euros au FMI (Fonds Monétaire international) d'ici la fin de l'année. Plus important : la mise aux standards européens devrait coûter plus de 100 milliards de dollars à l'Ukraine, selon son Premier ministre. Et l'accord européen ne prévoyait aucune aide. 

"Nous avons besoin de mesures résolues de nos collègues européens concernant le développement et la réalisation d'un programme d'aide financière et économique ", a dit le Président ukrainien à Vilnius.

Les pro-européens manifestent

Depuis plusieurs jours, de nombreux manifestants descendent dans les rues de Kiev pour protester contre la décision du gouvernement. L'opposition pro-européenne, essentiellement composée de jeunes et d'étudiants, campe depuis dimanche dernier sur la place de l'Indépendance, au coeur de la capitale. 

"L'Ukraine fait déjà partie de l'Europe. (...) Les gens veulent manifester pour dire qu'on est déjà là, ce n'est pas la peine de faire semblant que l'Ukraine est plus proche de la Russie que de l'Europe ", expliquait une manifestante. 

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L'ancien Premier ministre pro-européenne Ioulia Timochenko, dont la libération a toujours été une condition essentielle posée par l'UE, a appelé les dirigeants européens à "libérer l'Ukraine " en signant l'accord "sans condition ". "Faites encore un pas important vers la réunion complète de l'Europe ", a-t-elle dit en dénonçant "des empires agressifs ".

Et maintenant ? 

L'UE a affirmé que l'accord resterait sur la table dans les prochains mois, et qu'il pourrait notamment être signé lors du sommet UE-Ukraine en février 2014. Rien de plus normal : Bruxelles a déjà engagé des milliards d'euros en faveur de la modernisation politique et économique de ce pays de 46 millions d'habitants.

Mais beaucoup de responsables pensent que si Kiev campe sur son refus vendredi, l'élan sera brisé pour de longs mois, voire des années. Non seulement pour l'Ukraine mais pour l'ensemble du Partenariat oriental, cette stratégie lancée en 2009 pour stabiliser et arrimer à l'Europe les ex-républiques soviétiques.

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