Quatre questions pour comprendre la possible alliance entre Alstom et Siemens
Les groupes ferroviaires français et allemand devraient annoncer leur fusion, mardi 26 septembre, et donner naissance à un géant européen du rail.
L’Allemand Siemens compte bien monter à bord du Français Alstom, mais en prenant directement les commandes. Les deux groupes pourraient officialiser le rapprochement de leurs activités ferroviaires, mardi 26 septembre, après un premier rapprochement avorté en 2015.
Siemens, ce sont les navettes aéroportuaires d’Orly et de Roissy, le métro de Lille ou l’automatisation de la ligne 1 du métro parisien. Alstom, c’est la plupart des réseaux de tramway en France, le TGV italien et français ou encore les métros de Riyad (Arabie saoudite) et Dubaï (Emirats arabes unis).
Dans quelles conditions et dans quel but ce rapprochement pourrait-il avoir lieu ? Quelles garanties les deux entreprises donnent-elles à leurs salariés ? Va-t-on vers un Airbus du rail ? Franceinfo se penche sur le dossier.
1Quels sont les termes du rapprochement ?
Mardi, Alstom réunit son conseil d’administration, où siègent deux représentants de l'Etat, qui détient 20% des droits de vote, tandis qu'une réunion du conseil de surveillance se tient chez Siemens. A leur issue, le rapprochement pourrait être officialisé. Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung évoque une décision incertaine en raison de la "grande complexité d'une telle transaction", qu'il évalue à 15 milliards d'euros.
Le conglomérat allemand pourrait monter au capital d'Alstom à hauteur de 45 à 50%, en échange de l'apport de ses activités ferroviaires. L'Etat français pourrait, lui, sortir du capital. Actuellement détenteur de 20% d'Alstom, via des actions prêtées par le groupe Bouygues, il a aussi deux administrateurs au conseil d'administration. L'Etat a jusqu'au 17 octobre pour exercer son option d'achat et débourser un milliard d'euros pour acquérir ces 20%. S'il se retire, Bouygues reviendra à la situation initiale, avec 28,3% au capital d'Alstom.
2Pourquoi ils veulent s'unir ?
Les deux entreprises veulent peser sur le marché mondial. En fusionnant, elles deviendraient le numéro 2 mondial pour le matériel ferroviaire roulant, et le numéro 1 pour la signalisation, selon Bercy.
Dans le secteur ferroviaire, la tendance est à la consolidation. Le marché est dominé par un groupe chinois, CRRC, lui-même issu d'une fusion de deux entités en 2014. Siemens répète depuis des mois qu'il faut grossir face à la concurrence. Cet accord s'inscrirait donc dans la stratégie de son PDG Joe Kaeser, qui consiste à faire du groupe une holding contrôlant des entités autonomes.
Ce rapprochement aurait aussi une portée politique. Emmanuel Macron doit présenter mardi après-midi à la Sorbonne ses propositions pour l’avenir de l’Union européenne. Un accord entre les deux fleurons industriels enverrait un signal positif à Berlin.
3Quelles conséquences pour les salariés ?
Pour rassurer les salariés français, le gouvernement exigerait d’Alstom et Siemens une clause de maintien des effectifs pendant quatre ans. Mais côté syndicats, l'opération inquiète. "On ne peut pas se permettre de vider les sites français pour remplir les sites allemands, et inversement. Il faut absolument qu’il y ait un accord équilibré", prévient Claude Mandart, de la CFE-CGC Alstom, à France 2. Le représentant, qui craint "de la casse à moyen terme", évoque "un choix de sophiste : on ne peut pas rester en l'état et on sait que ça ne se fera pas sans casse". Du côté de la CGT, Daniel Dreger aussi est inquiet : "Dans une fusion, il y a toujours un gagnant et un perdant".
Il faut dire que Siemens est plus rentable qu'Alstom. Avec 27 000 salariés, Siemens Mobility réalise 609 millions d'euros de bénéfice opérationnel pour 7,8 milliards de chiffre d'affaires. Alstom, avec 32 000 employés, engrange 358 millions de bénéfice opérationnel pour 7,3 milliards de chiffre d'affaires. Tout porte à croire que Siemens aurait donc davantage de poids dans le nouveau groupe.
Une opportunité saisie par Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce une capitulation de l'industrie française. Lors de son discours, samedi 23 septembre, place de la République à Paris, le leader de La France insoumise a critiqué la décision : "Après la vente de STX, Alstom et Alcatel-Lucent, les voilà décidés à vendre le TGV à Siemens."
4S'agit-il de créer "un Airbus du rail" ?
L'accord s'apparenterait plus à une absorption d'Alstom par Siemens, analyse l'économiste Elie Cohen. "La plupart du temps, quand on parle d’un Airbus de quelque chose, c’est pour dissimuler une cession pure et simple. Si Siemens a la majorité du capital, Siemens gouvernera."
Le journal L’Opinion rappelle que lorsque EADS, devenu Airbus Group, s’est formé, "il y avait une rigoureuse parité entre les deux principaux actionnaires, français et allemand". "Et lorsque les actionnaires historiques, Lagardère et Daimler, se sont retirés, les gouvernements français et allemand ont eu à cœur de maintenir cet équilibre en détenant chacun 11% du capital." Ce qui n'est pas exactement le cas ici.
Des garanties ont pourtant été négociées par la France. Le siège du groupe pourrait se situer dans l'Hexagone et le futur PDG être français. Siemens devrait décrocher le poste de président non-exécutif, avance Le Figaro. L'entreprise allemande "aura certes six représentants sur 11 membres du conseil d'administration", "mais il lui faudra deux voix de plus pour faire adopter à une majorité des deux tiers certaines décisions stratégiques".
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