Roumanie : une élection présidentielle minée par la corruption
Le Premier ministre social-démocrate Viktor Ponta devrait selon tous les sondages s'imposer au deuxième tour le 16 novembre face au leader libéral de centre droit de l’Alliance chrétienne libérale, issu de la minorité allemande de Roumanie, Klaus Iohannis. Un Victor Ponta sûr de sa victoire. Si sûr de lui qu'il regardera, comme il l'a annoncé, les résultats devant sa télévision, «avec un paquet de popcorn».
On le voit, ce premier tour n’a pas brillé par la hauteur du débat, mais plutôt par son côté «folklorique», comme l’a laissé entendre un diplomate occidental relayé par Libération. Lequel indiquait à la veille du scrutin : «Les Roumains ne connaissent pratiquement rien des programmes des 14 candidats qui se présentent au premier tour. Les candidats eux-mêmes ne se sont pas beaucoup donné la peine d’en parler, tellement ils étaient occupés à répondre aux questions collatérales ou à se lancer des invectives.»
Des affaires de corruption ont parasité la campagne et visé des hommes politiques de gauche comme de droite. Et il n’y a pas eu un jour sans que le parquet anticorruption n’annonce une nouvelle mise en cause d’un haut responsable roumain – baron local, président de conseil général ou maire.
Si aucune enquête n'a été ouverte contre Ponta, jeune Premier ministre (42 ans : le plus jeune chef de gouvernement de l'Union européenne) à la progression fulgurante, cela n’a pas été le cas pour certains membres de son parti (ex-communistes).
Et ce n’est pas le Parlement roumain qui restaurera de sitôt l’image des politiques. En décembre 2013, il avait en effet adopté en catimini des amendements au Code pénal accordant une super immunité aux parlementaires, aux élus et au président en cas d’accusations de corruption. Amendements rendus inconstitutionnels un mois plus tard.
Luca Niculescu, correspondant de Libération à Bucarest, rappelle deux scandales : «Neuf anciens ministres (ont été) accusés d’avoir touché d’énormes pots-de-vin, à partir du début des années 2000, dans une série de contrats visant l’informatisation des écoles du pays avec des licences du géant américain Microsoft». Et d’ajouter dans le cadre d’une autre affaire liée à des contrats avec EADS : «Voici dix ans, le gouvernement socialiste dirigé par Adrian Nastase avait signé un contrat avec la filiale allemande du groupe européen pour sécuriser les frontières roumaines, en vue de l’adhésion du pays à l’UE. Montant : plus de 730 millions d’euros. Selon le parquet, 15% de cette somme serait partie en pots-de-vin pour des hommes politiques ou des compagnies roumaines.»
Entré en politique en 2001, sous l'égide du même Adrian Nastase (Premier ministre de 2000 à 2004 emprisonné en 2012 pour corruption), Victor Ponta a gravi rapidement les échelons du Parti social-démocrate. Aujourd’hui, aux portes du Palais présidentiel, il accuse son rival d'avoir paralysé l'exécutif ces deux dernières années. Et n’hésite pas à comparer les dix ans de mandat de Traian Basescu «au régime nazi».
Contre-attaque du président sortant qui a mis le feu aux poudres : il a accusé son Premier ministre d'avoir été un «agent infiltré» à la fin des années 90, comme l’indique VOXeurope. Il a même accusé les services secrets français d’avoir été impliqués dans les élections roumaines…
Alors que de nombreuses voix s’élèvent contre la corruption (Courrier International du 2 novembre), Victor Ponta, par ailleurs ancien procureur, dit respecter l'indépendance de la justice. Mais ses nombreuses critiques à l’encontre du parquet anticorruption, qu'il accuse d’être partisan, font douter de sa réelle volonté à mettre fin à un fléau qui gangrène la Roumanie.
25 ans après la chute du régime Ceausescu, le deuxième pays d’Europe le plus pauvre après la Bulgarie doit faire plus d’efforts pour renforcer sa lutte contre la corruption. Bruxelles y veille et Ponta n’aura d’autre choix s’il est élu que de montrer sa bonne volonté en la matière.
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