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"Ils vont défigurer le Kent" : conséquence du Brexit, le chantier d'une zone douanière pour poids lourds inquiète à Ashford

Un accord sur le Brexit n’a toujours pas été trouvé. Personne ne sait encore dans quel cadre le Royaume-Uni va quitter l’Europe. Côté britannique, on s’organise pour la date fatidique du 1er janvier 2021 avec des doutes et parfois, des craintes. Comme à Ashford dans le sud de l'Angleterre.

Article rédigé par franceinfo, Richard Place
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Une vue aérienne de l'immense chantier de zone douanière pour poids lourds près de l'autoroute M20, à Ashford (Kent - Angleterre). (BEN STANSALL / AFP)

Ashford est une ville du Kent, dans le sud de l'Angleterre, en pleine expansion. Elle compte aujourd'hui 130 000 habitants, soit 30% de plus qu'il y a 20 ans. La ville est traversée par une ligne de train à haute vitesse, et par l’autoroute M20. Plus de 7 000 poids lourds empruntent cet axe chaque jour. Désormais, au bord de cette autoroute, se dresse un chantier immense de 11 hectares. Celui d'une zone de douanes destinée aux chauffeurs routiers, après le 1er janvier 2021, rendue nécessaire par la perspective de la fin de la période de transition du Brexit. L'objectif est de désengorger les ports de Douvres et de Folkestone, situés à une trentaine de minutes de là.

Derrière les barrières qui entourent le terrain boueux occupé par les engins de construction, Mandy Rossi fait grise mine. La présidente du parti des Verts dans le Kent est complètement dépitée : "Si ça continue et qu’ils mettent potentiellement jusqu’à 2 500 poids lourds à cet endroit, ils vont défigurer le Kent. C’était le jardin de l’Angleterre, plein de beaux villages, de petits pubs, de tranquilles églises. Petit à petit, ils l'ont transformé en… ça !"

Si vous étiez venu ici six mois plus tôt, c’était joli

Mandy Rossi, écologiste

à franceinfo

Dans deux mois et demi, tout doit donc être terminé et opérationnel, sous peine de pagaille sur la route. On ne peut pas vraiment compter sur le député pour rassurer la population. Damian Green est conservateur, il fait donc partie de la majorité, dans le camp de Boris Johnson. Mais la perspective du Brexit le 1er janvier l’inquiète : "Je pense qu’il serait beaucoup mieux de quitter l’Europe avec un accord. Particulièrement pour nous dans le Kent. Nous ne voulons pas voir les autoroutes complètement bloquées et des camions qui empruntent les routes secondaires. C’est déjà arrivé dans le passé et ça provoque le chaos dans toute la région. Je suis très anxieux. Il faut éviter ça."

Près de 60% des habitants du Kent avaient voté pour le Brexit

L’une des routes secondaires mène à l’hôpital. C'est le seul accès possible et s’il est bloqué, les ambulances comme tous les autres véhicules n’avancent plus. Les habitants du coin ont déjà connu l’autoroute embouteillée et leur trajet quotidien, censé durer une quinzaine de minutes, qui prend finalement plus d’une heure. Francis, comme près de 60% des habitants, avait voté pour le Brexit il y a quatre ans. "J’ai l’impression que chaque mètre carré de végétation est récupéré pour construire", déplore-t-il aujourd'hui. Et il regrette son choix : "Je ne vois aucun bénéfice pour nous. Le gouvernement dit qu’il sait ce qu’il fait, j’ai de gros doutes. Au moment du vote pour le Brexit, ils ne nous ont pas expliqué tout ça", dit-il, amer.

Si je l’avais su, j’aurais probablement voté contre le Brexit

Francis

à franceinfo

Christine, elle, fait partie d’une association de défense de l’environnement, elle discute avec l’administration pour défendre les mètres carrés de verdure et de beaux paysages. Elle veut bien concéder cette grande zone de douanes si dans le même temps les promesses du gouvernement sont tenues de ne pas toucher les champs et les forêts des alentours : "Il ne faut pas dire non à tout. Protéger l’environnement, ça coûte de l’argent, alors il faut trouver des payeurs. Nous devons faire les choses ensemble", insiste-t-elle.

Au 1er janvier, si les nouvelles formalités douanières prennent trop de temps ou si les routiers ne sont pas bien aiguillés, l’autoroute M20 qui relie Londres aux ports de la Manche en traversant Ashford va se transformer en immense parking, avec un embouteillage de 7 000 poids lourds, selon le scénario du pire évoqué dans un rapport d’experts. Mais cette nouvelle zone de douanes sera-t-elle opérationnelle dans deux mois et demi ? Le gouvernement britannique lui-même n’en est pas certain. Il a réquisitionné un autre terrain quelques centaines de mètres plus loin, au cas où.

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