L'article à lire pour tout savoir sur la présidence française de l'Union européenne
Treize ans après sa dernière présidence, la France a de nouveau pris la tête du Conseil de l'Union européenne pour six mois. Emmanuel Macron a la responsabilité de faire converger les Vingt-Sept sur plusieurs dossiers-clés.
"Relance, puissance, appartenance" : telle est la devise que s'est donnée la France pour sa présidence du Conseil de l'Union européenne (PFUE). Depuis samedi 1er janvier 2022, Paris a pris la tête de cette présidence tournante pour six mois. Une gouvernance qui a la lourde tâche de devoir trouver des compromis entre les 27 Etats membres sur plusieurs dossiers.
Afin de présenter les priorités de cette présidence, Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse début décembre. Le président de la République y a notamment défendu une réforme de l'espace Schengen, un renforcement de la défense européenne, ainsi que la tenue d'un sommet entre l'Union européenne et l'Afrique.
Treize ans après la dernière présidence française de l'Union européenne, Paris va présider les réunions du Conseil de l'UE. Hasard du calendrier, cette mission va se dérouler en même temps que des échéances électorales nationales majeures en France : l'élection présidentielle, en avril, puis les élections législatives, en juin. Que peut faire la France en six mois et quels sont les enjeux ? Le contexte politique français peut-il avoir un impact ? Eléments de réponse.
Le Conseil de l'Union européenne, qu'est-ce que c'est ?
Le Conseil de l'UE, aussi appelé Conseil des ministres de l'UE, est une institution européenne de premier plan. Il se compose de dix formations thématiques, qui rassemblent les ministres des 27 Etats membres pilotant ces dossiers. Parmi les plus connus : le conseil agriculture et pêche, le conseil affaires étrangères ou encore le conseil affaires économiques et financières.
Partageant avec le Parlement européen le processus de "codécision", le Conseil de l'UE a pour mission de négocier puis d'adopter les propositions législatives de la Commission européenne, ainsi que le budget de l'UE. Il coordonne les politiques des 27, notamment en matière économique et budgétaire, et conçoit puis applique la politique étrangère et de sécurité de l'UE.
Le Conseil de l'UE se distingue du Conseil européen, qui réunit les dirigeants des Vingt-Sept pour aboutir à des impulsions politiques et définir les priorités de l'Union européenne. Attention également à ne pas confondre avec le Conseil de l'Europe, qui n'est pas une institution de l'UE, mais une organisation internationale regroupant 47 Etats.
Présider l'UE, à quoi ça sert ?
A la tête de l'UE, la France doit présider les réunions des formations thématiques du Conseil, ainsi que les travaux de ses instances préparatoires. Elle est également, du 1er janvier au 30 juin 2022, la représentante du Conseil de l'UE auprès des autres institutions communautaires. Il s'agit pendant ces six mois de "faciliter l'élaboration de compromis, pour qu'un certain nombre de textes arrivent à maturité, soient adoptés", souligne Cécile Robert, enseignante à Sciences Po Lyon et spécialiste des institutions et politiques européennes.
"C'est un rôle de mise au service de l'UE. Agir de telle sorte qu'un certain nombre de ses projets avancent et aboutissent."
Cécile Robert, spécialiste des institutions et politiques européennesà franceinfo
Les sujets traités lors de la présidence sont issus du programme de travail de la Commission européenne. Pour préparer la PFUE, la France a également consulté la République tchèque et la Suède, les deux pays qui lui succéderont à la tête du Conseil de l'UE, pour élaborer de grands objectifs communs. Chaque pays met ensuite en avant ses propres priorités pour six mois. En revanche, dans ce cadre, la France ne pourra pas "inventer un nouveau sujet", précise Christine Verger, vice-présidente de l'Institut Jacques Delors.
Comment se prépare cette présidence ?
L'organisation de la PFUE a été lancée bien avant le 1er janvier 2022, car elle nécessite "un temps de préparation" conséquent, pointe Thierry Chopin, professeur de sciences politiques et président du comité indépendant de réflexion et de proposition pour la PFUE. Un passage de relais s'opère avec les présidences précédentes, puis "il y a un travail conjoint entre l'Elysée, Matignon et le Quai d'Orsay pour définir des priorités".
Vient ensuite "un travail technique de préparation des dossiers", mené en particulier par le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) et la Représentation permanente de la France auprès de l'UE (RPUE), deux instances qui seront très impliquées dans les négociations lors de la présidence.
"Les diplomates vont devoir avoir en tête la position nationale sur chaque sujet, mais également les positions de chaque Etat pour réfléchir à des textes de compromis."
Cécile Robert, spécialiste des institutions et politiques européennesà franceinfo
De nombreux événements – près de 400, selon le site Toute l'Europe – doivent également être organisés en France au cours de cette présidence. Sommets, conférences, événements publics... "L'idée, c'est de donner à voir l'Europe dans l'espace national, et de donner à voir le pays à l'échelle européenne", souligne la politologue.
Que va-t-il se passer pendant la présidence française ?
Les 6 et 7 janvier 2022, Emmanuel Macron recevra l'ensemble des commissaires européens avant de s'exprimer devant le Parlement européen le 19 ou le 20 janvier pour dévoiler sa feuille de route pour la PFUE. Des sommets thématiques seront organisés par les ministres français dans différentes villes, souvent sur leur terre d'origine. Selon le site spécialisé Contexte (article abonnés), un sommet sur l'environnement pourrait avoir lieu à Amiens, un autre sur la santé à Grenoble, sur la Justice à Lille et sur l'espace Schengen à Marseille, autour du 21 janvier.
Le 10 mars à Strasbourg, les conclusions de la conférence sur l'avenir de l'Europe lancée en mai 2021 seront dévoilées. Cette consultation publique, dont l'idée avait été formulée par Emmanuel Macron en mars 2019, vise à permettre aux citoyens d'exprimer ce qu'ils attendent de l'UE.
D'après une source gouvernementale citée par Contexte (article abonnés), un sommet sur la souveraineté numérique aura lieu en février. Le même mois, devraient se tenir un sommet UE-Afrique et un sommet sur l'Indo-Pacifique, relève Le Parisien (article abonnés). Un sommet sur la défense européenne sera également organisé. Aucune date précise n'a pour le moment été donnée, mais la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a avancé plusieurs objectifs, comme l'investissement dans "des plateformes européennes communes, des avions de combat aux drones et au cyber".
Quels projets la France va-t-elle porter ?
Dès le mois de novembre 2020, le Quai d'Orsay a esquissé plusieurs priorités pour la PFUE, notamment sur le travail législatif européen "en matière de régulation du numérique, d'ambition climatique et sociale". La France travaillera ainsi sur le Pacte vert pour l'Europe, visant à réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990. Paris aura également à cœur de faire avancer la directive relative aux salaires minimaux dans l'UE, ou encore les projets Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA), deux volets d'un cadre européen de régulation des grandes plateformes du numérique.
Comme le souligne le site Toute l'Europe, la France suivra également la mise en œuvre du plan de relance européen et tentera, entre bien d'autres sujets, de progresser sur le chantier de l'autonomie européenne en matière de défense.
Aura-t-elle une véritable influence pendant ces six mois ?
A première vue, le poids politique de la PFUE est limité puisqu'il s'agit de ne présider qu'une seule des institutions de l'UE. Toutefois, "c'est évident que lorsqu'il s'agit d'un pays fondateur, c'est l'occasion de donner une impulsion que d'autres pays ne pourraient pas avoir", estime Sébastien Maillard, directeur de l'Institut Jacques Delors (un think thank sur l'Europe) sur le site Euractiv.
Ainsi, l'Allemagne qui assurait la présidence au second semestre de 2020, en pleine pandémie de Covid-19, s'est beaucoup investie pour le plan de relance de 750 milliards d'euros. "Alors que l'Allemagne s'y refusait depuis des années, la chancelière Angela Merkel et son ministre des Finances, Olaf Scholz, ont réussi en très peu de temps à convaincre leurs partis et groupes parlementaires d'accepter l'idée d'un endettement commun", souligne une note de la Fondation Jean Jaurès.
La PFUE est également l'opportunité pour la France d'influencer l'ordre du jour ou la mise au vote de résolutions, rappelle le site Toute l'Europe. Cela a été le cas lors de la présidence portugaise au premier semestre 2021 : Lisbonne "a défendu un agenda ambitieux sur l'Europe sociale. C'était vraiment un objectif stratégique affiché", illustre Thierry Chopin, président du comité de réflexion sur les enjeux de la PFUE.
D'ailleurs, comment se sont déroulées les précédentes présidences françaises ?
La France a pris pour la première fois la présidence du Conseil de l'UE en 1959 et l'a exercée douze fois depuis. L'édition de 1995 était "relativement calme", selon Yves Bertoncini, président du Mouvement européen (association de débats sur l'UE), sur le site Toute l'Europe. Elle a été marquée par la confirmation du projet de monnaie unique ou l'adoption du fonds européen de développement. Mais aucune réunion n'a eu lieu lors des sept dernières semaines en raison de la présidentielle en France. "D'un grand pays, on attendait des résultats plus ambitieux", jugeait un membre de la Commission, cité par Les Echos.
La PFUE de 2000 a été marquée par "des querelles de copropriétaires", reprend Yves Bertoncini. "Il y avait des dissensions franco-allemandes entre Jacques Chirac et Gerhard Schröder", notamment sur "l'adhésion des pays d'Europe centrale et des conséquences à en tirer". Les discussions aboutirent toutefois au traité de Nice, en 2001, qui permit de modifier les institutions pour les adapter au passage de 15 Etats membres à 27.
La PFUE de 2008 a, elle, été chaotique. Peu de temps avant l'entrée en fonction de la nouvelle présidence, les Irlandais ont rejeté le traité de Lisbonne. Début août, les troupes russes ont pénétré en Ossétie du Sud, province séparatiste de Géorgie. "Une grande partie de la PFUE a été dédiée aux relations avec la Russie. Ce qui n'était pas sur l'agenda communautaire est devenu le dossier majeur", explique Christine Verger. Et pour boucler cette année en fanfare, l'UE a été touchée par la crise financière et bancaire liée à la faillite de la banque américaine Lehmann Brothers.
L'élection présidentielle au milieu de cette présidence de l'UE, n'est-ce pas gênant ?
L'élection présidentielle française se tiendra les 10 et 24 avril 2022. Pour Christine Verger, le contexte de la campagne et de la période de réserve électorale impliquera que la PFUE, "sur le plan politique et médiatique, va être plus ou moins ralentie à partir du 15 mars". "Sur le plan technique et législatif, il faudra bien continuer à assurer les dossiers", explique la vice-présidente de l'institut Jacques Delors.
Que se passera-t-il à l'issue de l'élection présidentielle, si Emmanuel Macron n'est pas réélu ? Pour Cécile Robert, "il peut y avoir des transitions au plus haut niveau des institutions" de négociations, "car ce sont des postes en partie politiques". Néanmoins, la majorité des personnes travaillant au sein du SGAE, par exemple, "n'ont pas de raison de bouger", car ce sont "des spécialistes des questions européennes". "Il n'y a pas lieu d'imaginer un grand changement dans ces positions."
J'ai eu la flemme de tout lire, pouvez-vous me faire un résumé ?
La France a pris la tête de la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne (PFUE) depuis le 1er janvier 2022, pour une période de six mois. Le Conseil de l'Union européenne réunit les ministres des Etats membres par secteur et représente, avec le Parlement européen, l'institution législative de l'UE. Durant cette période, Paris est chargé de trouver des compromis entre les 27 sur des dossiers précis comme la régulation des plateformes numériques. La France peut aussi avoir à gérer des événements imprévus, comme cela a été le cas lors de la PFUE de 2008 avec la guerre en Géorgie.
Par ailleurs, l'élection présidentielle et les législatives françaises auront lieu durant cette présidence. Pour Christine Verger, vice-présidente de l'Institut Jacques Delors, des négociations fructueuses lors de cette PFUE pourraient être "un atout" pour Emmanuel Macron en cas de candidature à sa réélection.
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