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Grèce : du référendum au douloureux accord, récit d'une semaine sous haute tension

Un accord vient d'être trouvé entre les chefs d'Etat européens, Athènes et ses créanciers. Un troisième plan d'aide à la Grèce devrait être engagé dans les prochains jours. Retour sur sept jours d'âpres négociations.

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Angela Merkel, François Hollande (de dos) et Alexis Tsipras, le 12 juillet 2015, à Bruxelles (Belgique).  (  REUTERS)

"Le sommet de la zone euro a trouvé un accord à l'unanimité." L'annonce de Donald Tusk, président du Conseil européen, a soulagé tout le monde ce lundi 13 juillet. Et pour cause : les dirigeants de la zone euro sont parvenus à un accord dans le cadre de la crise grecque après une semaine sous haute tension, ponctuée de mésententes entre chefs d'Etat et de rebondissements plaçant la zone euro au bord de l'implosion.

Francetv info revient sur le déroulé de ces sept jours.

Dimanche 5 juillet : le "non" au référendum

Tous les regards sont tournés vers les urnes grecques. La population est appelée, dimanche 5 juillet, à voter pour ou contre la proposition d’accord entre la Grèce et ses créanciers, qui a fait l'objet d'un véritable bras de fer avec le charismatique Premier ministre grec, Alexis Tsipras. Si l'économie de son pays est exsangue, le leader de Syriza refuse de céder au programme de fer prôné par la Commission européenne, la BCE et le FMI et exhorte son peuple à voter "non".

Porté par Alexis Tsipras, le "non" l’emporte à 61,3%. Face à ce résultat, et alors que le peuple grec fête sa victoire, les dirigeants européens sont consternés. Alexis Tsipras, lui, répète que ce vote ne représente pas une rupture avec l’Europe et promet des efforts.

Première conséquence du référendum : dès le lendemain, le ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, démissionne. Celui qui agaçait l’Eurogroupe se retire avec perte et fracas en déclarant : "Je porte avec fierté le dégoût des créanciers à mon égard." Il est vite remplacé par Euclide Tsakalotos, plus diplomate. 

Berlin et Paris s’unissent alors pour entamer de nouvelles négociations. François Hollande et Angela Merkel lancent un ultimatum : l'Europe a six jours pour trouver un accord. Ils demandent à la Grèce de vraies propositions, sans quoi beaucoup envisagent déjà le "Grexit", autrement dit une sortie de la zone euro.

Mardi 7 juillet : un silence crispant du côté grec

Mardi, les chefs d'états européens se réunissent pour étudier les propositions grecques tant attendues. En vain. Elles sont, au grand dam de tous, inexistantes. A la réunion de l'Eurogroupe, le nouveau ministre grec des Finances arrive les mains vides. Même si François Hollande reste positif, un "Grexit" se rapproche. 

Le lendemain, mercredi 8 juillet, Alexis Tsipras s'exprime devant le Parlement européen. Même s'il répète sa volonté de rester dans la zone euro, le Premier ministre grec ne présente toujours aucun projet. Ce silence agace les plus inflexibles. Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, doute de la possibilité d'un accord tandis qu'Angela Merkel et les ministres allemands veulent accélérer le rythme.

De l'autre côté du Rhin, François Hollande réaffirme son soutien à la Grèce. En coulisses, des diplomates et hauts fonctionnaires du Trésor français aident les Grecs à la rédaction de nouvelles propositions. Elles sont attendues pour le lendemain. 

Vendredi 9 juillet : les propositions de Tsipras, enfin

Alexis Tsipras devant le Parlement grec (Athènes), le 10 juillet 2015. (MENELAOS MYRILLAS / SOOC)

A 11 heures tapantes, vendredi 9 juillet, Alexis Tsipras présente enfin de nouvelles mesures. Des réformes qui s'annoncent difficiles pour le peuple grec. Et qui surprennent, même : elles sont très proches des exigences des créanciers, contre lesquelles s'est battu bec et ongle Alexis Tsipras. Le Conseil des ministres grec approuve le texte. Dans la soirée, il est envoyé au président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, comme l'annonce son porte-parole : 

Les réactions sont alors mitigées. Pour le peuple grec, Alexis Tsipras a cédé aux créanciers. De leur côté, le FMI, la BCE et l'Union européenne se montrent satisfaits face aux suggestions grecques. Un accord semble alors se dessiner : une réunion de l'Eurogroupe est convoquée pour le lendemain, suivi d'un sommet des chefs d'Etat de la zone euro et d'un sommet à 28, dimanche.

Samedi 11 juillet : l'Allemagne durcit le ton 

L'optimisme est de courte durée. Samedi, l'Allemagne change brutalement de ton. L'inflexible ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, évoque des propositions "loin d'être suffisantes""Pas question d'un accord à n'importe quel prix", renchérit Angela Merkel, alors que la France et l'Italie militent pour un accord et une certaine souplesse. Wolfgang Schäuble, dit-on, plaiderait même pour un "Grexit" temporaire, une hypothèse évoquée dans un document de travail qui a fuité.

Les discussions de l'Eurogroupe s'éternisent et se prolongent samedi soir jusqu'à tard dans la nuit, puis dimanche matin.

Le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble discute avec son homologue belge Johan Van Overtveldt lors d'une réunion de l'Eurogroupe, le 12 juillet 2015 (Bruxelles). (THIERRY CHARLIER / AFP)

Dimanche 12 juillet : l'accord impossible

Au petit matin du dimanche 12 juillet, la presse grecque reflète l'angoisse qui étreint le pays. Le quotidien To Vima titre : "Un accord dans un champ de mines". Et le journal de souligner que "l'avenir du pays se décide maintenant au sommet des chefs d'Etat". Sauf que celui-ci est annulé dans la matinée, alors que les négociations sont dans l'impasse.

Dans la journée, les signes d'espoir sont faibles. Alors que les ministres des Finances de la zone euro mettent leurs propositions sur la table, les dirigeants grecs peinent à digérer ce que beaucoup assimilent à un processus d'humiliation organisé par les "faucons" d'Europe du Nord.

La perspective d'un accord semble encore s'éloigner, l'hypothèse d'un nouveau sommet la semaine suivante est évoquée.

Lundi 13 juillet : un accord, du sang et des larmes ?

La nuit a-t-elle porté conseil ? Lundi 13 juillet, à l'aube, François Hollande, Angela Merkel, Alexis Tsipras et Donald Tusk proposent un compromis aux dirigeants européens. Et ce alors qu'un peu plus tôt, vers 6 heures, la Chancelière allemande et le Premier ministre grec étaient prêts à claquer la porte, rapporte le Financial Times (en anglais). L'accord est finalement annoncé par le Premier ministre belge, Charles Michel, à 8h30 puis rapidement confirmé par Donald Tusk. 

Pendant les 17 heures de négociations, Athènes a perdu beaucoup de terrain. D'ici au 15 juillet, le gouvernement grec devra adopter une série de réformes majeures portant sur son marché du travail, son système de retraites ou encore sa TVA. Une liste qualifiée de "catalogue des horreurs" par l'hebdomadaire allemand Der Spiegel (en allemand). En contrepartie, le pays bénéficiera alors de 82 à 86 milliards d'euros de prêt et pourra rester dans la zone euro. Mais à quel prix ?

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