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Pourquoi les faucons de la zone euro sont-ils si durs avec la Grèce ?

Parmi les 18 partenaires d'Athènes, certains se montrent intransigeants dans les négociations sur la crise de la dette grecque. Voici pourquoi.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La chancelière allemande, Angela Merkel, discute avec le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, sous les yeux de François Hollande (de dos), le 12 juillet 2015 à Bruxelles (Belgique). (JOHN MACDOUGALL / AFP)

Autour de la table des négociations, on les appelle les faucons. Ils sont Allemands, Slovaques, Slovènes ou Finlandais. Ce sont eux qui, au sein de la zone euro, sont les plus durs vis-à-vis de la Grèce

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Alors que les 19 dirigeants de la zone euro ont rejoint leurs ministres des Finances, dimanche 12 juillet, à Bruxelles (Belgique) pour tenter de s'accorder sur un socle minimal entérinant les propositions de réformes d'Athènes en échange d'un troisième plan de secours international, ces faucons campent fermement sur leurs positions. Quitte à conduire les pourparlers dans une impasse et à provoquer une sortie de la Grèce de la monnaie unique. Francetv info expose les raisons de leur intransigeance.

Parce qu'ils n'ont plus confiance

Nombre des grands argentiers présents à Bruxelles invoquent un manque de confiance envers Athènes, empêchant de renouer le fil du dialogue. Ils doutent de la volonté du gouvernement de gauche radicale d'Alexis Tsipras de mettre en œuvre des réformes substantielles. 

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a ainsi exigé une amélioration des propositions de réformes d'Athènes qui passerait par exemple par le transfert à l'étranger du siège du fonds chargé de gérer les revenus des privatisations pour s'assurer que ceux-ci servent exclusivement au remboursement de la dette.

La stratégie de négociation du gouvernement de gauche radicale d'Alexis Tsipras depuis six mois a écorné la crédibilité d'Athènes aux yeux de ses partenaires européens, en particulier lorsqu'il a annoncé la tenue d'un référendum alors que les pourparlers étaient déjà tendus.

"Comment croire un gouvernement qui, pas plus tard que la semaine dernière, avait refusé ces mêmes mesures ? Le doute s'est installé", explique le journaliste de France 3 David Boéri depuis la capitale belge. "La Grèce va devoir donner des gages, des garanties et sans doute des efforts supplémentaires avec un calendrier très précis de ces réformes, en espérant que cela suffise à rétablir la confiance au sein de la zone euro", conclut-il.

Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, le 12 juillet 2015 à Bruxelles (Belgique). (THIERRY CHARLIER / AFP)
 

Parce que, pour eux, la dette est un sujet tabou

L'aménagement de la dette grecque constitue le principal argument d'Alexis Tsipras pour faire accepter par ses compatriotes les nouvelles mesures d'austérité. Mais elle suscite de fortes réticences en Europe, notamment en Allemagne.

Les partenaires européens de la Grèce refusent de discuter d'un "pardon de la dette" d'Athènes, a expliqué samedi le Premier ministre portugais, Pedro Passos Coelho. Mais ils sont ouverts à son rééchelonnement. Pour le  ministre allemand des Finances, un rééchelonnement de la dette est une possibilité "si on ne peut pas procéder à une décote". Il sera cependant difficile de trouver un accord sur ce point, souligne-t-il.

Wolfgang Schäuble a exposé une position paradoxale révélatrice. Pour la première fois, il a reconnu jeudi que l'effacement d'une partie de la dette de la Grèce pourrait être nécessaire pour la rendre supportable. Il a toutefois immédiatement exclu cette éventualité, déclarant que les règles européennes l'empêchaient. Une impasse bien commode. 

"Aujourd'hui, annuler la dette grecque, c'est faire un cadeau à la Grèce, mais au détriment des créanciers. Or, on doit considérer les intérêts de tout le monde"fait valoir l'économiste de l'OFCE Xavier Timbaud.

Parce qu'ils ont fait des efforts, eux aussi

Les pays baltes, les plus pauvres de la zone euro, en Europe de l'Est, sont partisans d'une ligne dure face à la Grèce, parce qu'ils ont subi eux-mêmes des réformes douloureuses. L'Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont lourdement souffert de la crise économique en 2008-2009, subissant une récession profonde, avant de se redresser au prix des mesures d'austérité draconiennes et de réformes douloureuses.

Tout comme la Slovaquie, ils ont donc dès le début de la crise exhorté la Grèce à se soumettre aux mesures d'austérité et aux réformes prévues par le programme de sauvetage proposé par ses créanciers. Au lendemain du non grec aux mesures d'austérité proposées par l'UE et le FMI, le ministre slovaque des Finances Peter Kazimir fut même le premier parmi les membres de l'Eurogroupe à noter que ce vote faisait surgir le spectre d'un Grexit.
 
Ces trois anciennes républiques de l'Union soviétique ont aussi longtemps clamé qu'elles étaient trop pauvres pour payer les erreurs d'une Grèce plus riche. Selon le président estonien Toomas Hendrick Ilves, il faut songer "à tous les créditeurs, non seulement aux banques". Des "pays plus pauvres que la Grèce risquent de perdre jusqu'à 4,2% de leur PIB", a-t-il twitté lundi.

Parce que c'est leur politique nationale qui compte

Si la chancelière allemande, Angela Merkel, affiche une telle fermeté, ce n'est pas tant par conviction personnelle que par calcul politique. "Elle n'a aucune marge de manœuvre"analyse Michel Meyer, ancien correspondant d'Antenne 2 à Bonn et spécialiste de l'Allemagne. "Elle sait que les deux tiers de son opinion publique sont contre toute idée d'accord. Sur le plan parlementaire, elle a vécu, il y a un peu plus d'une semaine, un conflit violent avec son ministre des Finances, Wolfgang Schaüble. C'est un démocrate-chrétien qui a le vent en poupe. Lui aussi refuse toute concession en faveur des Grecs. Pour Angela Merkel, qui espérait obtenir un compromis, ce fut peine perdue."

La chancelière allemande, Angela Merkel, le 12 juillet 2015 à Bruxelles (Belgique). (THIERRY CHARLIER / AFP)
 

Le gouvernement finlandais lui aussi défend ses propres intérêts en jouant l'intransigeance. Le ministre des Finances finlandais Alexander Stubb a ainsi été sommé samedi par le Parlement de son pays de négocier une sortie de la Grèce de la zone euro, a affirmé samedi soir la télévision publique Yle. Des députés et des représentants du ministère des Finances finlandais s'étaient réunis dans l'après-midi à Helsinki pour définir le mandat du gouvernement dans les négociations en cours à Bruxelles.

Selon des sources proches de ces négociations citées par Yle, le parti eurosceptique des Vrais Finlandais a alors exigé que la Finlande s'oppose à un nouveau plan d'aide de la zone euro à la Grèce, et qu'Helsinki soutienne l'idée d'un Grexit. Ce parti, arrivé deuxième aux élections législatives en avril, aurait menacé de faire éclater la toute jeune coalition gouvernementale finlandaise, d'après Yle.

Face à tant d'hostilité, le Premier ministre grec cherche de nouveaux soutiens. Alexis Tsipras a eu une nouvelle conversation téléphonique avec le secrétaire américain au Trésor Jack Lew dimanche. Il lui a dit qu'un accord devait "respecter les Grecs".

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