Référendum en Grèce : les jeunes Syriza dans la dernière ligne droite de leur campagne pour le "non"
A quelques heures du référendum, les jeunes militants du parti de la gauche radicale Syriza s'organisent pour convaincre les derniers indécis.
"Je souhaite une décote de 30 % de la dette grecque, et une période de grâce de 20 ans pour assurer sa viabilité..." Il règne un calme monacal, inhabituel, dans le petit bureau de la jeunesse du parti Syriza à Athènes, ce vendredi 3 juillet, en milieu d'après-midi. Le Premier ministre Alexis Tsipras a à peine pris la parole que les militants se ruent ensemble derrière le même ordinateur pour écouter celui qu'ils admirent tous, "le vrai leader" de la Grèce.
Interdiction de faire du bruit pendant le discours, mais au dernier mot, tous se mettent à applaudir et à siffler bruyamment en signe de soutien. "C'est le seul homme politique en qui l'on garde confiance", assure Marina, étudiante en archéologie. "Certains disent qu'il a déçu depuis janvier, mais c'est l'homme de la situation, et un ancien jeune Syriza en plus, précise-t-elle riant, il fait tout pour que le pays puisse choisir sa propre voie et non les diktats de l'Europe."
Une semaine de campagne pour 500 euros
Réunis dans leur quartier général d'Exarchia, un arrondissement historiquement connu pour être le berceau de l'anarchisme grec, les jeunes militants du parti au pouvoir n'ont pas une minute pour souffler. Entre les deux étages du vaste squat amélioré qu'ils occupent, tous s'affairent à régler les derniers préparatifs avant le référendum de dimanche.
Entre les tracts étalés à même le parquet, les pots de peinture renversés, les "caffes freddos" (cafés frappés) et les nombreux mégots de cigarettes, Petros, 25 ans, cherche à tout prix à trouver des ballons avant la manifestation du soir pour le non. "On voudrait les lâcher après le discours du Premier ministre à 21h" explique-t-il brièvement, déjà affairé à répondre à un appel sur son portable. "On essaye de rallier les militants des autres bureaux de la région", poursuit-il. "Ca n'arrête pas de sonner !"
La nouvelle de la tenue d'un référendum, annoncée par surprise dans la nuit du 26 au 27 juin, a été accueillie de manière très enthousiaste chez les militants : "Ce n'est vraiment pas dans la culture grecque, mais c'est la meilleure manière de reprendre en mains notre destin", confie Petros.
Chaque militant a mis quelques euros de sa poche pour pouvoir acheter à la va-vite de la peinture, des billets de train, des drapeaux et pour réimprimer les tracts du parti. Au total, la campagne a coûté environ 500 euros aux militants avec un objectif prioritaire : organiser des rencontres avec les citoyens indécis dans les banlieues et les campagnes de la région. Pour cela, ils sont allés dans la rue installer des stands d'information. Mais sans afficher de manière ostentatoire qu'ils appartenaient à Syriza, pour ne pas se voir refuser la discussion d'emblée. "On a ciblé les gens dont l'opinion pouvait basculer, ou ceux qui ont trop peur de voter 'non' à cause de la propagande des partisans du 'oui'."
Contrer la propagande pour le "oui"
Dans la bouche de ces jeunes militants, le mot "propagande" revient en effet très souvent. "De manière indirecte ou non, les médias font la propagande pour le 'oui'", assure Petros. Le jeune homme, étudiant en ingénierie électrique poursuit : "Lundi, une chaîne privée a écrit sur son compte Twitter, 'Si vous voulez pouvoir être soigné lundi, votez 'oui' dimanche'. C'est complètement mensonger !"
D'ailleurs, lorsque les journalistes viennent à leur rencontre, les militants sont toujours méfiants : "Ici les médias privés racontent ce que leurs actionnaires veulent", déplore Elena, 27 ans, une brune aux yeux noirs, avocate, membre de Syriza depuis cinq ans, "c'est pour ça que nous sommes allés rencontrer les gens, pour leur dire que la réalité est moins dure que ce qu'ils voient dans les médias. Non ce n'est pas parce qu'ils votent 'non', que leurs patrons vont les renvoyer."
"Non à la peur, non à l'austérité"
En face de la grande salle de réunion déserte, Kostas, 26 ans, responsable de l'antenne d'Athènes, vérifie les derniers préparatifs de la soirée. Barbe de trois jours, cigarette à la main et bracelet coloré au poignet, il vient d'apprendre que les jeunes de Syriza auraient du soutien ce vendredi soir. "On attend toute la gauche radicale européenne, se réjouit-il, il y aura des gens de Podemos venus d'Espagne, du mouvement Cinq Etoiles italien, du Front de gauche... Bon, je ne sais pas si Jean-Luc Mélenchon sera là, mais sait-on jamais", s'esclaffe-t-il.
Sur les murs du bureau de cet étudiant en philologie et en littérature, de nombreuses affiches révolutionnaires côtoient les slogans du parti : "Non à la peur, non à l'austérité."
A l'évocation du sondage publié quelques heures plus tôt par l'institut Alco qui prévoit une légère avance du 'oui' (44,8% contre 43,4%), Kostas se rassure : "Les jeunes vont voter 'non'. 60 % de la jeunesse grecque est au chômage et n'a pas d'argent. Elle n'a plus peur de l'Europe et n'a rien à perdre, c'est grâce à elle que nous allons gagner." Sinon Kostas avoue que le "désastre" se répandra bien au-delà de la Grèce : "Toutes les gauches en Europe vont être affaiblies. L'Europe imposera son mode de gouvernance à tout le monde sans prendre en compte le peuple... Une vraie catastrophe globale en somme."
Les jeunes militants de Syriza, dont certains rentreront à la campagne pour voter dans leur village d'origine, se donnent rendez-vous dimanche soir. Kostas, qui enchaîne les coups de fil de dernière minute pour convaincre des amis de le rejoindre à la dernière manifestation avant le vote, est persuadé : "Le 'non' va l'emporter. Le peuple grec va voter pour son indépendance, pour sa liberté."
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