Comment la crainte d'une "attaque importante" de l'Iran contre Israël s'est intensifiée depuis une frappe contre le consulat iranien à Damas
Israël est sur le qui-vive. Le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, a évoqué, jeudi 11 avril, le risque d'une "attaque directe de l'Iran" contre l'Etat hébreu, qui "imposerait une réponse israélienne appropriée", a-t-il fait savoir à son homologue américain, Lloyd Austin, selon un communiqué israélien. Cette menace iranienne, confirmée par Joe Biden mercredi, plane depuis dix jours et une frappe meurtrière contre un bâtiment diplomatique iranien en Syrie, que Téhéran attribue à l'armée israélienne. Vendredi, la Maison Blanche a de nouveau insisté, assurant que les menaces de l'Iran contre Israël étaient "réelles" et "crédibles".
Depuis les attaques du 7 octobre perpétrées par le Hamas, l'armée israélienne mène une opération militaire dans la bande de Gaza, avec l'objectif déclaré de détruire le mouvement palestinien soutenu par l'Iran. D'autres groupes proches de Téhéran ont déjà ciblé Israël depuis, dont les rebelles houthis du Yémen et le Hezbollah libanais.
"En raison des récents développements", Washington a précipité une visite en Israël, prévue de longue date, de son général en charge du Moyen-Orient. De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a recommandé "aux Français de s'abstenir impérativement de se rendre dans les jours qui viennent en Iran, au Liban, en Israël et dans les territoires palestiniens". Franceinfo vous raconte comment la tension est montée au fil des jours, et fait craindre une escalade entre l'Iran et Israël, son ennemi juré dans la région.
1 L'Iran accuse Israël de l'attaque de son consulat en Syrie, et menace
Le 2 avril, au lendemain d'un raid aérien contre le consulat et la résidence de l'ambassadeur iranien à Damas, Téhéran accuse Israël d'avoir mené la frappe, qui a coûté la vie à 16 personnes, dont sept membres des Gardiens de la révolution islamique. "Ce crime lâche ne restera pas sans réponse", prévient le président iranien, Ebrahim Raïssi. "Le régime pervers sioniste sera puni par nos braves hommes", embraye le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei.
"Nous lui ferons regretter ce crime et les autres."
Ali Khamenei, guide suprême de l'Irandans un communiqué
Par le passé, de nombreux responsables militaires iraniens ont été visés par des attaques imputées à Israël en Syrie, notamment en décembre et en janvier. Mais c'est la première fois qu'un bâtiment diplomatique de l'Iran, dont le régime soutient le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais, est ainsi ciblé en Syrie. Israël sera "giflé" pour cette action, réaffirme l'ayatollah, le 3 avril.
2 Israël renforce ses mesures de défense
Le 4 avril, après une "évaluation de la situation", l'armée israélienne décide "d'augmenter les effectifs et de faire appel à des réservistes pour le réseau de défense aérienne". Les permissions des soldats sont suspendues et un brouillage GPS est mis en place dans certains endroits pour défendre le pays contre les armes guidées, comme les missiles ou les drones. "Nous avons renforcé la vigilance des unités de combat, là où c'était nécessaire", ajoute Tsahal, disant disposer d'avions "prêts à attaquer selon différents scénarios".
Malgré ces préparatifs, l'armée israélienne, qui commente rarement ses frappes en Syrie, n'a pas confirmé sa responsabilité dans l'attaque de Damas. Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, se montre plus explicite. "Israël agit contre l'Iran et ses agents de façon défensive et offensive", revendique-t-il. "Nous saurons comment nous défendre, et nous agirons en vertu du principe simple selon lequel quiconque nous fait du mal ou prévoit de nous nuire, nous lui nuisons aussi."
3 Le Hezbollah juge "inéluctable" la riposte de l'Iran
"Soyez sûrs et certains que la réponse iranienne à la frappe sur le consulat à Damas est inéluctable", déclare le chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, le 5 avril, dans un discours télévisé. "Où, comment, quand et quelle sera l'ampleur de la riposte, nous ne sommes pas tenus de demander", ajoute le leader du mouvement allié de l'Iran et du Hamas, estimant que la décision appartient à Téhéran. "Que personne ne soit pressé", lance-t-il, qualifiant l'attaque de Damas de "tournant" dans la guerre déclenchée par les attaques du Hamas en Israël le 7 octobre, depuis lesquelles son mouvement échange quotidiennement des tirs avec l'armée israélienne à la frontière libanaise.
4 L'Iran prévient qu'"aucune ambassade israélienne n'est plus en sécurité"
Le 6 avril, Téhéran réaffirme son engagement de riposter. "L'opération sera menée au bon moment, avec la précision et la planification nécessaires, et avec un maximum de dégâts pour l'ennemi afin qu'il regrette son action", assure le chef d'état-major des forces armées iraniennes, le général Mohammad Bagheri. "Nous déterminons le moment de l'opération, le type de l'opération et le plan de l'opération". Le lendemain, un conseiller militaire personnel du guide suprême iranien déclare qu'"aucune ambassade israélienne n'est plus en sécurité".
5 La communauté internationale appelle à la "retenue"
Mercredi, face à la menace d'une "attaque importante" de l'Iran contre Israël, le président des Etats-Unis, Joe Biden, réaffirme son engagement "inébranlable" pour la sécurité de l'Etat hébreu. Le lendemain, la Maison Blanche déclare avoir "mis l'Iran en garde", après que Téhéran a notamment pointé une "responsabilité" indirecte de Washington dans l'attaque à Damas. En parallèle, la diplomatie américaine se tourne vers la Chine, la Turquie et l'Arabie saoudite pour qu'elles "incitent l'Iran à ne pas entreprendre une escalade".
De son côté, la Russie appelle l'Iran et Israël à la "retenue" pour éviter toute "déstabilisation" supplémentaire de la région. "Tous les acteurs de la région sont désormais appelés à agir de manière responsable et à faire preuve de retenue", abonde l'Allemagne.
6 Plusieurs pays prennent des précautions pour leurs ressortissants
Jeudi, l'ambassade américaine en Israël décide de limiter les mouvements de son personnel dans le pays. "Par mesure de précaution, les employés de l'administration américaine et les membres de leur famille ne sont pas autorisés à voyager en dehors des zones de Tel Aviv, Jérusalem et Beer-Sheva jusqu'à nouvel ordre", rapporte-t-elle dans une "alerte de sécurité" sur son site, tout en précisant que les déplacements de transit entre ces trois lieux restent possibles à ce stade.
La veille, l'inquiétude de Berlin s'était concrétisée par la suspension de vols de la compagnie aérienne Lufthansa à destination et en provenance de Téhéran, prolongée depuis jusqu'à samedi. Vendredi, c'est la France, par l'intermédiaire de son ministère des Affaires étrangères, qui "recommande aux Français de s'abstenir impérativement de se rendre dans les jours qui viennent en Iran, au Liban, en Israël et dans les territoires palestiniens".
Selon des sources "proches" du renseignement américain, citées par l'agence Bloomberg mercredi, l'Iran et ses alliés pourraient chercher à s'en prendre à des installations militaires et gouvernementales israéliennes "dans les prochains jours". Une alerte difficilement vérifiable. Mais, à travers ces fuites d'informations dans la presse, "les Etats-Unis veulent envoyer un message clair qu'ils restent toujours un soutien important pour Israël" et "dire aux Israéliens qu'ils ont intérêt à écouter les conseils américains dans la gestion de la guerre à Gaza", analyse Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, sur France Culture.
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