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Daech fait renaître le zoroastrisme de ses cendres au Kurdistan irakien

Effet secondaire de la poussée djihadiste en Irak, le zoroastrisme, religion originaire du Kurdistan, connaît un renouveau. Le plus ancien monothéisme planétaire enregistre un afflux de nouveaux fidèles en réaction aux atrocités de l’organisation de l’Etat Islamique. Un phénomène inverse du temps où les zoroastriens se convertissaient à l’islam pour fuir les contraintes de leur propre religion.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
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Les zoroastriens iraniens autour du feu pour célébrer le festival annuel de Sadeh, le 30 janvier 2015. (Atta Kenare/AFP)

Née il y a environ 4.000 ans au Kurdistan irakien, la toute petite et première religion monothéiste du monde compte toujours aujourd’hui quelque 200.000 adeptes, répartis essentiellement entre l’Inde, l’Iran et le Kurdistan. Du nom de son fondateur Zoroastre, connu également sous celui de Zarathoustra, cette croyance en un seul dieu, Ahuramazda, et à l’importance du soleil et du feu, c'est-à-dire de la lumière, était dominante dans le monde perse jusqu’au VIIe siècle.

Une cérémonie antique
Mise en veilleuse par l’expansion musulmane, la doctrine de Zoroastre «fondée sur la bonne pensée, la bonne parole et la bonne action», avait fini par sombrer dans les oubliettes de la théologie, mais pas ses derniers adeptes. Pour la première fois depuis plus de mille ans, les habitants de la région de Souleimaniyeh, deuxième ville du Kurdistan semi-autonome irakien, ont procédé le 1er mai 2015 à une cérémonie antique illustrant l’idée d’un renouveau. «Une restauration de la vraie culture et la vraie religion du peuple Kurde», selon Luqman al-Haj Karim, un haut représentant de la communauté à la tête de l'organisation zoroastrienne Zand.

Les Kurdes d'Irak ne savent plus à quel islam se vouer 
Dans la foulée, le porte-parole du ministère du Kurdistan irakien des Affaires religieuses a révélé sur son compte Facebook que de nouveaux adeptes du zoroastrisme étaient apparus au Kurdistan, qu’ils avaient demandé la réouverture et la construction de lieux de culte, une reconnaissance officielle et un représentant au ministère. Pour Mariwan Naqshbandi, ce regain d’intérêt manifesté pour le zoroastrisme est le symptôme des désaccords au sein de l’islam et «les habitants du Kurdistan ne savent plus à quelle doctrine ou quelle fatwa se vouer dans le mouvement islamique». Par la même occasion, il a confirmé que le ministère était prêt à les aider à atteindre leurs objectifs, car le droit à la liberté de religion et de culte est inscrit dans la loi kurde.

Le feu sacré entretenu depuis 1500 ans 
Une tendance qui pourrait trouver un écho en Iran où 30.000 personnes continuent de pratiquer cette religion préislamique. Même s’ils font l’objet de multiples discriminations, notamment dans certains emplois, ils continuent d’alimenter depuis 1500 ans le feu sacré dans un grand temple au cœur de la ville de Yazd.

Les défunts livrés aux becs des vautours 
Aujourd’hui, les tours dites de silence, qui servaient aux prêtres à livrer les corps des défunts aux becs des vautours pour éviter une décomposition «diabolique», tombent en ruines. Les zoroastriens bénéficient de leurs propres cimetières, mais, contrairement aux pratiques musulmanes, ils y enterrent leurs morts dans des cercueils étanches pour éviter tout contact avec le sol.

Cette résurrection d’une religion qui couve toujours sous l’islam dans cette région vient toutefois rappeler l’époque d’un phénomène inverse. Celle où nombre de zoroastriens se convertissaient à la religion de Mahomet pour échapper aux contraintes de la leur, comme le mariage obligatoire au sein de leur propre communauté.

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