Iran : le dilemme du guide suprême Ali Khamenei dans le dossier nucléaire
A défaut de dégager la dernière ligne droite avant l’accord entre l’Iran et les cinq pays permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne, les dernières et «intenses» tractations de Genève ont révélé la persistance d’une divergence de taille.
Six heures de discussions et blocages persistants
Les six heures de discussions entre John Kerry et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif dans un grand hôtel Genevois se sont achevées par un accident de vélo et une fracture de la hanche pour le secrétaire d’Etat américain et un constat de blocage pour les négociateurs iraniens. «Ils n’ont pas réussi à aplanir les divergences pour permettre de faire avancer les négociations nucléaires» a déclaré Abbas Araghchi.
Ce dernier, vice-ministre iranien des affaires étrangères avait miné les discussions en amont en réaffirmant que Téhéran refusait toujours «les inspections de ses sites militaires» réclamées par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’interrogatoire de ses scientifiques dans le cadre d’un règlement du dossier.
Le guide suprême sous pression
Une position en conformité avec la ligne fixée par le guide suprême Ali Khamenei qui se trouve plus que jamais partagé entre deux impératifs. Celui de soutenir les négociateurs «qui font des efforts et versent leur sueur pour obtenir ce qui est l’intérêt du pays et du régime», comprendre la levée des sanctions internationales qui asphyxient l’économie. Et celui de rester fidèle aux engagements de la République Islamique auprès des parlementaires ultraconservateurs, majoritaires à l’Assemblée, qui protestaient déjà contre l’accord cadre du 2 avril et s’opposent à trop de concessions à l’Occident.
Le calice de la mort
Pour Afchin Alavi, porte-parole du Conseil National de la Résistance Iranienne, «le régime veut faire le minimum de concessions pour casser les sanctions et cherche en même temps comment faire passer un accord où on lui demande de stopper le programme nucléaire. C’est lui proposer de boire le calice de la mort comme à Khomeiny» en référence à l’expression du père de la République Islamique pour qualifier le cessez le feu qui lui avait été imposé en 1988 pour mettre fin à la guerre avec l’Irak.
Selon le responsable de la communication des Moudjahidines du peuple «l’Iran est venu aux négociations à genoux économiquement et s’il y a accord nucléaire le guide sera affaibli. Voilà pourquoi il cherche à prolonger et retarder l’échéance ».
Une expansion par milices locales interposées
Outre une situation économique déplorable, en raison notamment de la baisse du prix du pétrole, le guide suprême craint désormais les répercussions de l’engagement régional iranien même par forces locales interposées. Sur la base du principe fondateur d’ «exportation de la révolution», l’Iran soutient le régime de Bachar Al Assad en Syrie avec les forces du Hezbollah, son fer de lance au Liban. Il tente également de garder la haute main sur le pouvoir à Bagdad en mobilisant les milices chiites irakiennes Badr, Assaeb Al Haq ou Kataeb Hezbollah, encadrées et pilotées par les Gardiens de la révolution. Enfin il tente de pousser son avantage dans la péninsule arabique avec les Houthis et les forces d’Ansaroullah au Yemen.
L’exportation de la révolution coûteuse en armes et en hommes
Des opérations coûteuses en financement et en hommes. «Les pertes enregistrées par le Hezbollah libanais, mais aussi dans les rangs des Gardiens de la révolution et le blocage de la situation au Yemen par la contre-offensive saoudienne soulèvent des inquiétudes», selon Afchin Alavi, «et tout affaiblissement à l’extérieur se transforme en mécontentement à l’intérieur. Les gardiens de la révolution commencent même à craindre un soulèvement plus virulent qu’en 2009» lors de la réélection contestée du président Ahmadinejad.
Pour le moment, à l’image de ce dilemme, le ministre de l’intérieur a interdit les manifestations contre ou pour les négociations nucléaires, l’objectif prioritaire étant de les faire traîner. A ce rythme, elles pourraient même se prolonger jusqu’à la fin du mandat de Barack Obama et procurer à la République Islamique, malgré une détente apparente, une victoire contre le grand Satan américain.
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