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La crise entre Ryad et Téhéran met la communauté internationale en alerte

L’ONU s’inquiète, Washington, Paris, Berlin et Rome appellent à la «désescalade» et Moscou propose sa médiation. La crise ouverte entre Téhéran et Ryad par une exécution de masse en Arabie Saoudite, dont un haut dignitaire chiite, est devenue le casse-tête numéro un de la communauté internationale. En l’absence de toute garantie sur l’avenir, les grandes puissances cherchent à prévenir le pire.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Manifestation d'Iraniennes place de l'Imam Hossein à Téhéran, le 4 janvier 2016, pour dénoncer l'exécution de l'opposant chiite, cheikh Nimr Baqer al-Nimr par les autorités saoudiennes. (AFP PHOTO / ATTA KENARE)

En procédant à l’exécution collective de 43 djihadistes d’al-Qaïda et de 4 opposants chiites, dont l’emblématique cheikh Nimr al-Nimr, l’Arabie Saoudite ne pouvait ignorer la vague de colère que cela soulèverait dans la communauté musulmane chiite dans le monde.

Le guide suprême en appelle à une «vengeance divine» 
Le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a d’ailleurs aussitôt réagi plaçant très haut la barre de la riposte. Il a promis que le sang du martyr al-Nimr, versé injustement, serait vengé par «la main divine», donnant le ton au concert de condamnations qui a suivi.
 
De Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite et l’influent chef Moqtada al-Sadr en Irak à Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah libanais, ils ont tous dénoncé une attaque de la famille régnante saoudienne contre les chiites.
 
Une escalade qui s’est accompagnée de nombreuses manifestations contre les représentations diplomatiques du royaume et la famille Saoud, en Iran, en Irak, en Syrie, au Liban et à Bahrein.

Les deux camps musulmans ennemis comptent leurs troupes 
Face à cette mobilisation, Ryad, qui bénéficie du soutien des pays sunnites de la région, a fait monter la tension d’un cran. Le chef de la diplomatie saoudienne a annoncé la rupture des relations diplomatiques avec la République islamique d’Iran.
 
Une mesure imitée par Bahrein et le Soudan, tandis que les Emirats Arabes Unis ont réduit leur représentation à Téhéran et que le Koweit a rappelé son ambassadeur. Un peu comme si les deux camps musulmans ennemis comptaient leurs troupes, soulevant les inquiétudes des chancelleries occidentales et de la Russie.
 
Allié traditionnel de l’Arabie Saoudite, Washington, qui s’est rapproché de Téhéran à la faveur de l’accord sur le nucléaire, se retrouve face à un double dilemme. Le département d’Etat a appelé «les dirigeants de la région à prendre des mesures positives pour calmer les tensions».

Couper la tête du serpent 
Ryad, qui demandait depuis longtemps aux Etats-Unis de «couper la tête du serpent» iranien, a pris ses décisions sans l’appui de Washington, qui a condamné les exécutions. Le nouveau roi Salman et ses deux princes héritiers, Mohamed Ben Salman et Mohamed Ben Nayef, sont sur une ligne dure. Ils se montrent déterminés à contenir l’influence iranienne en Irak, en Syrie, au Liban et au Yemen.
 
De son côté Téhéran continue à tenir la dragée haute à l’administration Obama pour obtenir la levée des sanctions. En dépit de l’accord sur le nucléaire, le guide suprême iranien continue de s’opposer à toute ouverture avec les Américains.
 
Au lendemain de la crise ouverte avec Ryad, l'ayatollah Ali Khamenei a même accusé Washington de «lorgner d’un œil vorace vers les élections législatives» iraniennes du 26 février prochain, et de vouloir influencer les électeurs pour «les éloigner des objectifs révolutionnaires».
 
Profitant du pas suspendu des Etats-unis dans la région, la Russie s’est engouffrée dans la brèche en proposant sa médiation. Moscou «profondément préoccupé» a appelé l’Arabie Saoudite et l’Iran «à faire preuve de retenue et prendre le chemin du dialogue», et se dit «prêt à soutenir de tels efforts».

Escalade verbale et sur le terrain 
Si l’escalade reste pour le moment verbale entre les deux pôles chiite et sunnite de l’Islam, les craintes sont grandes de voir la situation militaire empirer dans certains pays de la région.
 
Au Yémen, où un cessez-le-feu laborieusement négocié entre rebelles houthis, soutenus par Téhéran, et loyalistes, soutenus par Ryad, a volé en éclats.
 
En Syrie, où le pouvoir de Bachar al-Assad, contesté par le royaume saoudien et appuyé par Moscou et Téhéran, poursuit sa répression.
 
En Irak enfin, où les récents progrès contre le groupe Etat Islamique ne feront que renforcer la tutelle de la République islamique d'Iran sur la population chiite.

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