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Le président iranien, Hassan Rohani, le «cheikh diplomate»

En quelques semaines, Hassan Rohani, le président iranien élu en juin 2013, peut se targuer d’avoir réussi à bouleverser les relations de son pays avec ses pires détracteurs, comme Washington ou Paris. Pour preuve, son accueil à l'ONU et sa rencontre avec François Hollande.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Sourire du nouveau président iranien, Hassan Rohani, en juin 2013 à Téhéran. (BEHROUZ MEHRI / AFP)

Avant son départ pour les Etats-Unis et l’Assemblée générale de l’ONU, le président iranien Rohani a affiché le langage nouveau de l’Iran. «Malheureusement, ces dernières années, le visage de l'Iran, un grande nation civilisée, a été présenté d'une tout autre manière», assène-t-il le 23 septembre. «Moi et mes collègues, nous voulons saisir l'occasion (de cette réunion aux Nations Unies) pour montrer le vrai visage de l'Iran, un pays cultivé et épris de paix.» On est loin des rodomontades de son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad qui se plaisait dans la provocation. 

«Victoire de la l'intelligence et de la modération»
Le costume civil de Mahmoud Ahmadinejad a été remplacé par la tenue religieuse, moins rugueuse. Le nouveau président iranien, qui arbore une rondeur bonhomme et un sourire avenant derrière sa barbe blanche et son turban de religieux, avait d'ailleurs salué son élection en parlant de «victoire de la modération sur l’extrémisme» et de triomphe «de l’intelligence, de la modération, du progrès». De quoi redonner de l’espoir à une ouverture de l’Iran, en partie étranglée par les sanctions internationales
 
Hassan Rohani, qui a rencontré Fançois Hollande à New York, est né le 12 novembre 1948 à Sorkheh, ville du nord de l’Iran. Il est père quatre enfants. Hassan, de son vrai nom Feridon (il changera plus tard son nom en Rohani, qui veut dire «membre du clergé», rapporte Le Monde), a fait des études religieuses dans la ville sainte de Qom, mais pas seulement. Il a aussi obtenu une maîtrise de droit à Téhéran et en Angleterre. Avant la révolution, il avait fréquenté Khomeiny, alors en France, avec lequel il est toujours resté proche.

Au lendemain de la révolution, il est élu député au parlement. Il le restera pendant 20 ans, devenant même vice-président de l’Assemblée (le Majis) entre 1992 et 2000. Pendant la guerre contre l’Irak, il occupe plusieurs fonctions importantes (Conseil suprême de défense, commandant des forces aériennes).

Avant d’être élu président, il a été le négociateur du dossier nucléaire iranien, entre 2003 et 2005, gagnant le surnom de «cheikh diplomate».
 
Rohani, le «cheikh diplomate» à Paris avec Dominique de Villepin alors ministre des Affaires étrangères, en 2004. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)


Réformateur
Hassan Rohani avait exprimé son soutien aux manifestants lors du soulèvement postélectoral de 2009 et critiqué la répression menée par le régime à la suite de la réélection contestée du conservateur Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de l'Iran. Lorsqu’il annonce sa candidature à la présidentielle de 2013, il est alors perçu comme un réformateur, partisan d’un rapprochement avec les pays occidentaux. Il reçoit d’ailleurs le soutien des «modérés» comme Rafsandjani (qui n’a pas eu le droit de se présenter) et Khatami.

Il sera élu dès le premier tour avec 50,68% des voix, bénéficiant de la division du camp conservateur et surtout de la mobilisation de l'électorat modéré.

Immédiatement, il pratique l’ouverture. Après son investiture, M.Rohani promet d'œuvrer pour «relancer l'entente constructive avec le monde, faire de nouveaux pas pour la grandeur de l'Iran, assurer les intérêts nationaux et lever les sanctions injustes» imposées au pays par les Etats-Unis et les pays européens en raison de son programme nucléaire. «Le pays a besoin d'une détermination nationale pour s'éloigner de l'extrémisme et (mettre en œuvre) des politiques modérées», ajoute-t-il.

Des signes d’ouverture
Très vite, la nouvelle équipe change de ton et tient à montrer ses différences avec le pouvoir sortant. Dans sa première déclaration, après avoir été chargé par le président des négociations nucléaires avec les grandes puissances, le chef de la Diplomatie  Mohammad Javad Zarif assure que l'Iran veut «lever les inquiétudes» internationales sur son programme nucléaire. «Lever les inquiétudes internationales est dans notre intérêt, car les armes atomiques ne font pas partie de la politique de la République islamique», affirme-t-il.

Au-delà de la question nucléaire, M.Zarif multiplie également les initiatives pour corriger l'image de l'Iran donnée par Mahmoud Ahmadinejad, qui avait remis en cause l'Holocauste. «Nous condamnons le massacre des juifs par les nazis et nous condamnons le  massacre des Palestiniens par les sionistes», affirme alors M.Zarif sur sa page Facebook. Ce dernier souhaite aussi la bonne année aux juifs, écrivant sur son compte twitter «Happy Rosh Hashanah». Apprécié aux Etats-Unis, le geste entraîne une nouvelle précision du diplomate : «L'Iran n'a jamais nié l'Holocauste. L'homme qui était perçu comme niant cela est maintenant parti. Bonne année.»

A la télévision américaine, le 24 septembre, le président Rohani a clairement affirmé qu'il reconnaissait l'existence de l'Holocauste, qu'il a qualifié de «grand crime» des nazis contre les Juifs. «Je ne suis pas un historien et quand il s'agit d'estimer l'ampleur de l'Holocauste, il revient aux historiens de le faire», a-t-il dit sur CNN lorsqu'on lui a demandé s'il pensait, comme son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad, que l'Holocauste était un mythe.

Rencontre entre Hassan Rohani et François Hollande. Premier signe de rapprochement entre l'Iran et un pays qui ne ménageait pas ses critiques contre Téhéran. (MARTIN BUREAU / AFP)


Des principes fermes
Au-delà de ces signes d’ouverture, le nouveau président n’a cependant pas renié les grands principes diplomatiques de son pays, sur le nucléaire notamment. Il a répété devant l’ONU que l’Iran ne souhaitait que du nucléaire civil : «Les armes nucléaires et les autres armes de destruction massive n'ont pas leur place dans la doctrine de sécurité et de défense de l'Iran et elles sont en contradiction avec nos fondamentaux religieux et éthiques.» Et sur Israël, il a tenu des propos classiques sur l’occupation de la Palestine affirmant : «Les droits élémentaires des Palestiniens sont bafoués de manière tragique et ils sont privés du droit de revenir et d'accéder à leurs maisons, à leur lieu de naissance et dans leur patrie.»

Le voyage à New York n’a pas permis de voir une poignée de main entre Rohani et Obama, deux pays qui s'ignorent depuis plus de 30 ans. «J'ai écouté avec attention les déclarations faites par le président Obama aujourd'hui à l'Assemblée générale des Nations Unies», a affirmé le 7e président iranien depuis la révolution. «Au regard de la volonté politique des dirigeants des Etats-Unis et dans l'espoir qu'ils s'abstiennent de suivre les opinions et les intérêts à courte vue des groupes bellicistes, nous pouvons arriver à un cadre pour aplanir nos divergences», a-t-il poursuivi. La porte est entrouverte.

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