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Manifestations en Iran : malgré la répression sanglante, "un retour en arrière semble difficile", estime une chercheuse

"La cause des femmes est devenue une préoccupation prioritaire dans le pays, également pour bon nombre d'hommes", assure Dorna Javan, spécialiste des mobilisations sociales, ethniques et écologistes en Iran. 

Article rédigé par franceinfo, Lola Scandella
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Des personnes dispersées par la police iranienne lors d'une manifestation pour Mahsa Amini, à Téhéran, le 19 septembre 2022. (STRINGER / ANADOLU AGENCY / AFP)

Quarante jours de protestation, souvent réprimée dans la violence. La révolte ne faiblit pas en Iran depuis la mort de Mahsa Amini, décédée le 16 septembre trois jours après son arrestation à Téhéran par la police des mœurs pour quelques mèches de cheveux dépassant de son voile. En guise de réponse, le régime multiplie les arrestations (un millier depuis le début des manifestations selon un bilan officiel) et les coupures d'internet.

Cette répression est sanglante. L'ONG Iran Human Rights, basée en Norvège, a estimé, mardi 25 octobre, que 141 personnes, dont des enfants, sont mortes depuis le déclenchement de la contestation. 

>> EN IMAGES. En Iran et dans le monde, un mois de contestation après la mort de Mahsa Amini.

Malgré cette violence, une cérémonie d'hommage marquant la fin du deuil traditionnel de 40 jours, écho à la durée du mouvement, a rassemblé mercredi des centaines de personnes à Saghez, dans la province iranienne du Kurdistan d'où était originaire Mahsa Amini. Le mot d'ordre reste le même depuis les premières manifestations : "Femme, vie, liberté". Selon Hengaw, un groupe de défense des droits des Kurdes d'Iran basé en Norvège, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur la foule. 

Destabilisé, le régime des mollahs va-t-il accentuer la répression ? Comment le mouvement de contestation peut-il se poursuivre ? Franceinfo a interrogé Dorna Javan, doctorante en science politique à Science Po Lyon et spécialiste des mobilisations en Iran. 

Franceinfo : Malgré la sévère répression qui a lieu depuis le début de la contestation, le mouvement ne faiblit pas. Comment l'analysez-vous ?

Dorna Javan : Il est évidemment impossible de prédire le futur, mais il est fort probable que le mouvement continue. Le régime fait face à une nouvelle génération d'activistes, qui se démarque de celles qui la précèdent ou des mouvements de contestation de 2009. Les Iraniennes et les Iraniens s'élèvent à la fois contre un régime autoritaire et contre un système patriarcal. On le voit avec le nombre de femmes qui enlèvent leurs voiles dans l'espace public et qui se rendent compte qu'elles sont capables d'opérer un vrai changement. Un retour en arrière semble difficile.

La cause des femmes est devenue une préoccupation prioritaire dans le pays, également pour bon nombre d'hommes. Mais elle a aussi pu faire ressurgir autour d'elle d'autres revendications ethniques (des différentes minorités présentes en Iran), économiques, politiques, et même environnementales. La participation à la contestation, par la grève ou les manifestations, du corps enseignant, des ouvriers ou des travailleurs des grands bazars peuvent enfin constituer un facteur important pour faire durer le mouvement. 

Aujourd'hui fragilisées, les autorités risquent-elles d'accentuer la répression ?

La répression est très forte et se poursuit. Le gouvernement s'appuie sur plusieurs corps armés : la police, les gardiens de la révolution et les bassidjis [une force paramilitaire iranienne]. Selon des chercheurs, le régime pourrait s'appuyer sur des forces armées alliées à l'étranger, comme le Hezbollah au Liban, ou la milice Hachd al-Chaabi en Irak, pour accentuer la répression. A priori, ce n'est pas le cas pour le moment.

Il faut par ailleurs prendre en compte la fatigue de l'armée. Sa tâche répressive est rendue plus difficile par le nombre de villes mobilisées et de participants aux manifestations. Si la contestation se calme dans la rue, pour se focaliser dans les universités ou les écoles, le régime pourra en profiter pour monter encore d'un cran dans la répression, en intensifiant le pistage et les arrestations, par exemple en identifiant les gens sur des vidéos qui tournent sur les réseaux sociaux ou les personnes actives sur ces canaux. 

Peut-on d'ores et déjà identifier les conséquences de ce mouvement sur la société iranienne ?

L'impact sur la société est assez visible. Il y a plusieurs années, une femme marchant sans voile dans les rues pouvait se faire attaquer, même par des civils. Aujourd'hui, une partie de la société non seulement s'habitue à voir des femmes sans voile dans l'espace public, mais l'encourage également. Dans des vidéos qui tournent sur les réseaux sociaux, on peut voir des hommes applaudir lorsque passent des femmes sans voile, en jean et en t-shirt, les encourager. C'est devenu un symbole de protestation. Ces femmes, avec leur répertoire d'action dans ce mouvement (faire tourner leur voile en l'air par exemple), ont déjà changé quelque chose dans cette société très patriarcale. 

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