Reportage "C'est notre devoir islamique et politique d'aller voter" : en Iran, les élections ne mobilisent que les conservateurs

Les conservateurs détiennent aujourd'hui tous les pouvoirs en Iran et les modérés n'ont aucune chance de remporter les élections, ce vendredi.
Article rédigé par franceinfo
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Un Iranien vote dans un bureau de vote du centre-ville de Téhéran, en Iran, le 1er mars 2024, lors des élections parlementaires et de l’Assemblée des experts. (MORTEZA NIKOUBAZL / NURPHOTO)

Un seul enjeu : la participation. En Iran, les bureaux de vote ont ouvert vendredi 1er mars pour les législatives. Les électeurs votent pour renouveler le Parlement et l'Assemblée des experts, chargée notamment de désigner le Guide suprême. Et le pouvoir va rester entre les mains des conservateurs : les réformateurs et les modérés n'ont aucune chance d'obtenir la majorité au Parlement.

A la sortie de son bureau de vote dans le nord de Téhéran, Ali Motahari, député sortant et tête de liste des candidats réformateurs admettent que son camp est affaibli : "Certains réformateurs se plaignent parce qu'ils ont été disqualifiés et n'ont pas pu se présenter, dit-il. Dès le début ils n'ont pas pu faire campagne et n'ont pas été actifs".

"Défendre l'Iran contre ses ennemis"

Un an et demi après les manifestations du mouvement Femmes, vie, liberté, la jeunesse protestataire de Téhéran boude les urnes. Ce sont les électeurs conservateurs qui se déplacent. Ali, 19 ans, est venu prier à la grande mosquée Mosalla de Téhéran avant de voter : "Cette élection est un test important pour le peuple iranien. C'est notre devoir islamique et politique d'aller voter".

Une abstention élevée amoindrirait la légitimité du pouvoir. Mohammad Hosseini, vice-président iranien en charge des affaires parlementaires, se veut confiant. "Malgré toute la propagande sur l'abstention, aujourd'hui, vous allez voir : dans tout le pays, les gens vont se déplacer pour voter et défendre leur pays". C'est la ligne officielle, celle du guide suprême Ali Khamenei : voter, c'est défendre l'Iran contre ses ennemis.

Un discours qui ne mobilise plus une large partie des Iraniens. Le pays s'enfonce dans une grave crise économique, déclenchée par la sortie des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien en 2018 et le retour des sanctions occidentales. Les chiffres officiels évoquent 42% d'inflation sur un an, tandis que la monnaie iranienne, le rial, a perdu environ 45% de sa valeur sur la même période. A la sortie d'un bureau de change de la capitale, Iman vend des devises étrangères en pleine rue. Dollars, euros, en cash. Il spécule, bien que ce soit illégal. "On achète un peu sous le taux du marché puis on les revend. Le taux des bureaux de change est moins bon que le nôtre et souvent, ils refusent de changer certaines devises étrangères."

"Les sanctions, c'est moi qui en souffre, pas les enfants des dirigeants"

D'épaisses liasses de billets de 500 000 rials passent de main en main. Mobina est venue acheter des euros au marché noir. Elle a 18 ans. Elle veut partir vivre en Allemagne et pour obtenir son visa, elle doit prouver qu'elle possède 12 000 euros. Cela fait un an et demi qu'elle économise. "Quand j'ai commencé mes démarches pour émigrer, le taux de change était de 300 000 rials pour un euro et en ce moment, il est de 638 000 rials. Les classes populaires sont touchées plus que les autres par les sanctions. C'est moi qui en souffre, pas les enfants des dirigeants iraniens qui n'ont aucun problème."

Avec l'effondrement de la monnaie nationale, les prix se sont envolés. Derrière le comptoir de son magasin, Omid, grossiste en produits alimentaires, se désespère. "Les clients sont mécontents, tout le monde est insatisfait. Il faut que le taux de change baisse. C'est la seule solution. Si le taux du dollar baisse, les prix suivront." Pour ce commerçant, les élections n'y changeront rien. Il estime que la situation économique du pays ne peut qu'empirer. 

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