Gênes : deux ans après l'effondrement meurtrier, le nouveau pont a été inauguré
Le pont San Giorgio a été survolé lundi par une patrouille de l'armée et le nom des 43 victimes a été lu en l'absence des familles, qui dénonçaient une cérémonie déplacée.
Presque deux ans jour pour jour après l'effondrement du pont de Gênes qui a fait 43 morts en août 2018, l'Italie a inauguré un nouveau viaduc, lundi 3 août. Le pont San Giorgio a notamment été survolé par des avions à réaction de la patrouille acrobatique de l'armée de l'air, qui ont lâché des fumigènes aux couleurs du drapeau italien. Le président du Conseil, Giuseppe Conte, a coupé le ruban en fin d'après-midi, tandis que les sirènes du port de la ville hurlaient à tout vent et qu'un arc-en-ciel faisait son apparition dans le ciel.
Les familles absentes des cérémonies
Puis Giuseppe Conte a annoncé que "43 étoiles brilleront bien haut chaque soir", alors que s'allumaient des lumières placées en haut de piliers pour rendre hommage aux victimes dont les noms ont été lus à voix haute. Les familles, elles, avaient refusé de participer aux cérémonies et se retrouveront dans dix jours pour marquer le deuxième anniversaire de la tragédie. "Nous ne voulons pas que la tragédie se termine en carnaval", avait résumé Egle Possetti, représentant du Comité des parents des victimes, qui a perdu dans cette tragédie sa sœur, son beau-frère et deux neveux.
On aurait pu faire une grande fête de ce genre si le pont avait été détruit car il était vieux, qu'on en avait construit un nouveau et que personne n'était mort.
Egle Possetti, représentant du Comité des parents des victimes
Le président de la République, Sergio Mattarella, a été le premier à traverser officiellement en voiture le nouveau pont, dessiné par Renzo Piano, né à Gênes, et qui a notamment dessiné le Centre Pompidou et le nouveau palais de justice de Paris. "Nous sommes tiraillés entre la douleur et la fierté", a commenté sobrement l'architecte. Le pont devrait être ouvert à la circulation mardi ou mercredi après avoir été débarrassé de l'estrade et des accessoires dressés pour l'inauguration officielle.
Une bataille judiciaire toujours en cours
Depuis deux ans, l'Italie, réputée pour sa lenteur dans l'exécution des travaux publics, a mis les bouchées doubles et achevé le pont en avril, au point que l'on parle aujourd'hui dans la péninsule du "modèle de Gênes". Le dernier tronçon du pont, long d'environ un kilomètre, a été posé fin avril. Depuis, les travaux de finition et les tests de sécurité se sont succédé pour permettre son inauguration. Il y a une dizaine de jours, 56 camions pesant chacun 44 tonnes, soit quelque 2 500 tonnes au total, ont ainsi testé la solidité de la structure.
L'édifice a été construit par un groupement de plusieurs sociétés italiennes à partir du projet de Renzo Piano. Blanc et profilé, il a un peu la forme de la carène d'un bateau, hommage à l'histoire maritime de la ville. "C'est un pont (...) qui fait son travail en silence en unissant les deux versants d'une vallée, a récemment déclaré l'architecte. C'est aussi un pont urbain car la vallée est en ville mais il est également fils d'une tragédie".
Une âpre bataille judiciaire s'est ouverte après l'écroulement du pont. L'enquête préliminaire devrait être achevée en octobre et le procès doit commencer au début de l'année prochaine. Au banc des accusés figure notamment la société Autostrade per l'Italia (Aspi), gestionnaire de ce viaduc routier et dont le principal actionnaire est la famille Benetton à travers Atlantia. A l'issue d'un bras de fer avec le gouvernement à Rome, la famille Benetton a finalement accepté il y a deux semaines de sortir des autoroutes italiennes avec une nationalisation partielle d'Aspi.
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