Trois choses à savoir sur Giuseppe Conte, le novice désigné pour diriger le gouvernement italien
C'est sans aucune expérience politique que cet avocat de 54 ans a obtenu les faveurs du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue pour devenir le nouveau président du Conseil, équivalent du Premier ministre.
Vous ne le connaissez pas ? Les Italiens non plus. Giuseppe Conte, juriste spécialiste de droit civil et administratif, a finalement prêté serment pour diriger le gouvernement italien, vendredi 1er juin. Une semaine plus tôt, le président italien Sergio Mattarella avait mis son veto à un premier cabinet mené par ce novice en politique, proposé par le Mouvement 5 étoiles et la Ligue.
Après son investiture, vendredi, Giuseppe Conte devra négocier avec les dirigeants européens un programme qui "tourne résolument le dos à l'austérité et aux diktats de Bruxelles", conformément à la volonté de Matteo Salvini, secrétaire fédéral de la Ligue et Luigi Di Maio, leader du M5S.
1Son intérêt pour la politique est très récent
Durant leurs longues négociations, Luigi Di Maio et Matteo Salvini avaient promis de choisir un nom "politique" plutôt qu'un expert. C'est pourtant la seconde option qui a été retenue : Giuseppe Conte n'a guère de passé politique. Avant les élections du 4 mars, toutefois, le M5S avait évoqué son nom comme possible ministre de l'Administration publique d'un futur gouvernement. Luigi Di Maio avait alors tressé les louanges du juriste, qu'il considère comme l'homme idoine pour "dé-bureaucratiser" l'Italie.
D'après le Guardian (article en anglais), il est le "cerveau" qui a inspiré la proposition du M5S d'abolir 400 lois jugées "inutiles" permettant ainsi "d'alléger la bureaucratie et libérer l'économie". Mais c'est l'une des rares informations qui a filtré concernant ses idées politiques, l'intéressé n'ayant accordé que de rares interviews.
Par le passé, j'ai voté à gauche. Aujourd'hui je pense que les schémas idéologiques des années 1900 ne sont plus pertinents. Je crois qu'il est plus important d'évaluer le travail d'une force politique sur son positionnement par rapport aux droits et aux libertés fondamentales.
Giuseppe Contecité par l'agence Ansa
Après avoir poussé sa candidature comme Premier ministre, le chef de file du M5S, Luigi Di Maio, tente de légitimer cette nomination : "A ceux qui disent qu'il n'a pas été élu, je réponds que Giuseppe Conte était dans mon équipe, 11 millions d'Italiens ont voté pour lui".
Guiseppe Conte semble avoir un caractère bien trempé. "Ecrivez-moi comme si chaque message vous coûtait 10 euros, cela vous aidera a résumer votre pensée", répond-il parfois à ses interlocuteurs, à en croire le quotidien économique Il Sole 24 Ore (article en italien).
2Il affiche un CV impressionnant (mais un peu gonflé ?)
Après des études à La Sapienza de Rome, Giuseppe Conte dit avoir poursuivi son parcours dans plusieurs établissements, de La Sorbonne, à Paris, à Cambridge (Royaume-Uni) en passant par Yale, aux Etats-Unis. A en croire son CV de douze pages, il aurait également fait un passage à la New York University. Vraiment ? Un journaliste du New York Times a contacté l'établissement, lequel lui a confirmé ne jamais avoir enregistré d'étudiant à ce nom. Cet article a suscité une première polémique en Italie, que le M5S a tenté d'éteindre aussitôt, dans un communiqué. "Giuseppe Conte n'a jamais cité de cours ou de master dans son CV, mais il a écrit qu'il avait perfectionné et mis à jour ses études."
Giuseppe Conte l'auteur de La formazione del contratto (éd. Giuffrè), un commentaire du Code civil dont le titre (La formation du contrat) paraît aujourd'hui prophétique. Il a enseigné dans des facultés en Sardaigne, à Rome et à Malte. Il est actuellement professeur de droit privé à l'université libre internationale d’études sociales (LUISS) de Rome, où est installé son cabinet, ainsi qu'à l'université de Florence. Il est également spécialiste de la gestion des grandes entreprises en crise, précise La Repubblica (article en italien), ce qui pourrait être un atout pour gérer le dossier de la compagnie aérienne Alitalia et celui de l'entreprise sidérurgique Ilva, dont les déboires font les gros titres des médias italiens.
Enfin, rappelle La Stampa (article en italien) Giuseppe Conte a donné des gages sur le thème de la moralisation de la vie publique, chère à Luigi Di Maio. Il a en effet guidé la commission à l'origine de la destitution du conseiller d'Etat Francesco Bellomo pour un comportement "inapproprié" avec des élèves magistrates.
3Les grands médias italiens doutent de sa crédibilité
Son brillant parcours ne suffit pas à atténuer la réticence de certains médias, comme le quotidien de centre gauche La Repubblica, qui parle de lui comme d'"un homme sans pouvoir" dans son éditorial du lundi 28 mai. Le quotidien Corriere della Sera ajoute qu'il est important que Giuseppe Conte ne soit pas "une marionnette". Ce novice en politique aura beaucoup à faire face aux personnalités très fortes de ses deux futurs ministres, Matteo Salvini et Luigi Di Maio (nommés à l'Intérieur et au Développement économique).
En attendant, ce dernier reste convaincu d'avoir trouvé l'homme de la situation, "synthèse entre la Ligue et le M5S". Il y a encore quelques jours, sur son compte WhatsApp, Giuseppe Conte affichait le visage de John Kennedy et cette citation : "Every accomplishment starts with the decision to try" ("Chaque réussite commence avec la décision d'essayer").
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