Italie : le Mouvement 5 étoiles a sans doute bénéficié "d'un certain vote utile" d'électeurs de gauche
Le journaliste Jérémy Dousson a expliqué, lundi sur franceinfo, que les électeurs italiens sont inquiets du fonctionnement "sur le modèle de la démocratie plébiscitaire" prôné par le Mouvement 5 étoiles, même si celui-ci est arrivé en tête lors des élections législatives.
Pas de majorité en Italie, mais un déplacement de l'échiquier politique après les élections législatives de dimanche 4 mars. Les électeurs italiens ont placé en tête la coalition de droite et d'extrême droite. Cependant, à regarder le nombre de voix, c'est le Mouvement 5 étoiles qui arrive en tête et fait une percée spectaculaire. Un mouvement qui a sans doute bénéficié "d'un certain vote utile" d'électeurs de gauche qui s'est porté sur leur "deuxième meilleur choix, le Mouvement 5 étoiles" face à "un traditionnel ticket Berlusconi/Salvini au pouvoir", a analysé, lundi sur franceinfo, Jérémy Dousson, journaliste, directeur général adjoint d’Alternatives économiques et auteur de Un populisme à l’italienne ? Comprendre le Mouvement 5 étoiles.
franceinfo : Êtes-vous surpris par ces résultats ?
Jérémy Dousson : C'est vrai que le Mouvement 5 étoiles est au-delà de ce que l'on pouvait attendre en regardant les sondages. On se rend compte que le Parti démocrate fait pire que les sondages. Il y a peut-être un certain vote utile qui s'est traduit, où certains électeurs de gauche se sont dit, [pour éviter] un traditionnel ticket Berlusconi [Forza Italia]/Salvini [Ligue du Nord] au pouvoir, on préfère notre deuxième meilleur choix, le Mouvement 5 étoiles. Au final, l'Italie se retrouve dans une situation dont elle a l'habitude avec un Parlement sans majorité. Si on regarde l'histoire politique italienne, c'est souvent qu'après des élections, on s'attend à de longues tractations avant de dégager une majorité parlementaire qui dans tous les cas risque d'être instable.
Dans votre livre, vous estimez que le populisme du Mouvement 5 étoiles est moins dangereux que celui de la coalition droite-extrême droite ? Y a-t-il un bon et un mauvais populisme ?
En tout cas, il y a des populismes de gauche et de droite. Selon les sensibilités, ils ne sont pas considérés de la même manière. Les chercheurs en science politique aujourd'hui disent qu'on n'a pas affaire, avec le Mouvement 5 étoiles, à un populisme de droite, sachant que cette place sur l'échiquier politique est déjà prise en politique par la Ligue du Nord de Matteo Salvini. Après ce qui peut inquiéter, et peut-être ce qui inquiète beaucoup d'électeurs en Italie, en ce qui concerne le Mouvement 5 étoiles, est que ce parti fonctionne sur le modèle de la démocratie plébiscitaire. Donc, vous plébiscitez un Bonaparte qui est à la tête du parti et ensuite c'est Bonaparte qui décide, un peu comme on a en France avec La France insoumise ou La République en marche qui fonctionnent sur ce modèle-là. Et là, vous êtes sur des partis avec peu de contre-pouvoirs.
Le Mouvement 5 étoiles de Luigi Di Maio ce n'est pas forcément le même que celui de Beppe Grillo ?
Exactement, il y a toujours eu deux courants au sein du Mouvement 5 étoiles. Un courant plus protestataire, incarné historiquement par Beppe Grillo, et puis un courant plus institutionnel qui vient en cravate dans les médias qui est celui de Luigi Di Maio. Aujourd'hui la stratégie de mettre en avant ce courant institutionnel a payé électoralement. Mais le Mouvement 5 étoiles ne peut durer que s'il continue à allier ces deux courants, protestataire et de gouvernement. Un peu comme le faisait en France le Parti socialiste quand il arrivait à allier une gauche radicale et une gauche de gouvernement. Mais il faut préciser que même si le Mouvement 5 étoiles arrive en tête [en nombre de voix et hors coalition] en Italie, il faut voir qu'après des élections personne ne perd vraiment et personne ne gagne vraiment. Même quand vous gagnez, vous n'avez pas de majorité. Vous devez donc faire avec les battus du jour et même Renzi et Berlusconi qui, certes ont des partis de gouvernement en recul, auront leur mot à dire dans les tractations à venir.
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