Italie : Silvio Berlusconi est déchu de son siège de sénateur
L'ancien président du Conseil tombe sous le coup de la nouvelle loi Severino, qui stipule que tout parlementaire condamné à plus de deux ans de prison doit être privé de mandat et est inéligible pendant 6 ans.
Les affaires ont fini par rattraper le Cavaliere. Les sénateurs italiens ont voté la déchéance de Silvio Berlusconi de son siège de sénateur, mercredi 27 novembre. En vertu de la toute nouvelle loi Severino, votée en 2012, tout parlementaire condamné à plus de deux ans de prison doit être privé de mandat et est inéligible pendant 6 ans. Or, l'ancien président du Conseil italien, incontournable sur la scène politique depuis vingt ans, s'est vu infliger en août une peine de quatre ans de prison (dont trois amnistiés) pour fraude fiscale, dans l'affaire Mediaset.
De fait, ce vote revient à l'exclure du Sénat, une chambre qu'il avait retrouvée en février. Si l'issue du scrutin ne faisait guère de doutes, la gauche et le Mouvement Cinq Etoiles de l'ex-comique Beppe Grillo se disant unis, l'avenir du Cavaliere, 77 ans, demeure incertain. Comme toujours. Francetv info s'est interrogé sur les conséquences de cette exclusion.
Pour la stabilité politique du pays
Mis provisoirement hors jeu de la vie politique en 2011 par le président Giorgio Napolitano, les marchés et les instances de Bruxelles, Silvio Berlusconi était revenu sur le devant de la scène à la faveur de la crise qui a suivi les élections législatives de février.
A l'issu du scrutin, aucune majorité parlementaire claire ne se dégage. Au cours de cette crise, qui dure deux mois, le Cavaliere, élu au Sénat, joue un rôle-clef en coulisses dans la constitution du nouveau gouvernement de coalition gauche-droite : il place notamment le chef de son parti, le Peuple de la liberté (PDL), Angelino Alfano, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur du nouveau gouvernement d'Enrico Letta.
L'éviction de Silvio Berlusconi du Sénat ne devrait pas pour autant déstabiliser l'exécutif. Le gouvernement peut compter sur la fidélité de ses ministres de droite et sur 50 parlementaires anciens partisans du Cavaliere regroupés sous l'appellation Nouveau Centre droit. Si les soutiens de Berlusconi ont officialisé leur passage à l'opposition, mardi soir, en votant contre la loi budgétaire, "ce n'est pas la fin de l'exécutif de 'large entente', a commenté Enrico Letta mercredi. Car le gouvernement reste soutenu par des partis politiques qui ont constitué, comme en Allemagne, une grande coalition."
Pour sa formation politique
Selon le Corriere della Sera, Silvio Berlusconi opte pour la stratégie du "après moi le déluge". Le quotidien reproche à ses partisans d'adopter, en passant dans l'opposition, "une position antisystème" proche de celle du mouvement contestataire Cinq Etoiles.
Depuis sa condamnation en août, ses soutiens ont tout mis en œuvre pour repousser l'échéance du vote sur l'exclusion de leur champion, allant jusqu'à menacer collectivement de démissionner, au prétexte d'une loi sur la TVA qu'ils voulaient dénoncer.
Mais début octobre, c'est la scission. Lorsque son ex-dauphin, Angelino Alfano, refuse de faire tomber le gouvernement, le "caïman" subit un camouflet au moment où il apparaît le plus affaibli. Mais il se relève encore. Le même mois, il reforme autour de lui son parti, Forza Italia, et martèle qu'il restera à sa tête.
Pour le Cavaliere lui-même
Silvio Berlusconi est-il prêt à s'éclipser ? Difficile à croire. A tel point que La Repubblica a titré, mercredi, sur "le pari de Silvio : je retournerai au palais Chigi [siège de la présidence du Conseil des ministres]". "Berlusconi est encore et restera très puissant, même si son pouvoir est sur le déclin. Il a encore d'énormes ressources, possède toujours ses médias (trois chaînes de télévision, des journaux), a obtenu 10 millions de voix il y a six mois", relève le politologue James Waltson, professeur à l'université américaine de Rome.
Habitué des retours triomphants en dépit d'éprouvantes traversées du désert (débâcles politiques, comparutions dans 41 procès...), Silvio Berlusconi devient un justiciable comme les autres. Le voici susceptible d'être arrêté dans le cadre d'autres dossiers, comme l'affaire Ruby.
Bien que condamné dans l'affaire Mediaset, il ne devrait pas aller en prison pour autant. En Italie, lorsque le condamné est âgé de plus de 75 ans, les peines inférieures à deux ans de prison ne sont généralement pas exécutées.
Mi-octobre, Silvio Berlusconi a ainsi demandé à effectuer sa peine en travaux d'intérêt général (TIG), plutôt qu'assigné en résidence. A moins qu'un nouveau rebondissement ne survienne : ses avocats ont laissé entendre qu'ils feraient appel du jugement dans l'affaire Mediaset. Le Cavaliere lui-même a annoncé son intention de demander la révision de ce procès et a déposé des recours devant la Cour européenne des droits de l'homme. Silvio Berlusconi n'abandonne donc pas le combat politique. Pas plus que le combat judiciaire.
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