"Dans un recoin de ce monde" : une plongée dans le Japon de la Seconde Guerre mondiale
Le dessin animé japonais "Dans un recoin de ce monde" sort en salles mercredi. Cette chronique sensible de la vie d'une jeune fille plonge le spectateur dans le Japon de la Seconde Guerre mondiale. Un vrai bijou.
Le film d'animation japonais Dans un recoin de ce monde sort mercredi en salles. Le dessin animé de Sunao Katabuchi, adaptation d'un manga célèbre, raconte l'histoire d'une jeune fille japonaise, Suzu, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Le film permet de se plonger dans le contexte d'un événement historique majeur : le bombardement d'Hiroshima. Il a obtenu le prix du jury au Festival du film d'animation d'Annecy.
Suzu habite Kore, une petite ville située à 20 kilomètres d'Hiroshima. C'est une cité portuaire mais aussi militaire, régulièrement bombardée par les avions américains. L’héroine, drôle et libre, est un peu dans la lune et s'évade en dessinant. On la voit grandir et on la suit à travers cette période difficile, au milieu d’une reconstitution historique poignante, dans un style d’animation doux et foisonnant d’idées. Ce film est une chronique sensible.
Hiroshima, un événement qui fascine
Avec Dans un recoin de ce monde, Sunao Katabuchi montre une fois de plus que les dessinateurs japonais sont toujours aussi fascinés par le bombardement d'Hiroshima. Ce bombardement nucléaire a amené le Japon, qui s'était rangé du coté des nazis, à la capitulation. Depuis, il n'arrête pas d'être exploré dans les mangas et les dessins animés. Ainsi, Hayao Miyazaki a consacré son dernier film, Le Vent se lève, à cette guerre. Le manga best seller, Gen d'Hiroshima, racontait la vie d’une famille touchée par la bombe à Hiroshima. Enfin, il y a vingt ans, un autre film avait fait date : Le Tombeau des lucioles. Le dessin animé suivait le destin tragique de deux jeunes frères survivants du bombardement.
Dans un recoin de ce monde impressionne par le soin apporté par le réalisateur à représenter fidèlement la réalité. "Ce film s'attache à restranscrire ce qu'a vécu une jeune fille qui n'a pas encore 20 ans et qui traverse la guerre", explique Sunao Katabuchi. "On n'a plus accès à cette réalité aujourd'hui, elle est loin de nous." Ce qui justifie, selon lui, la nécessité de mener d'intenses recherches pour retranscrire au mieux la réalité historique.
Je considère de ce fait que le film est en quelque sorte une machine à remonter dans le temps
Sunao Katabuchià franceinfo
Le réalisateur a ainsi écumé les bibliothèques et les témoignages de l’époque durant six ans. Il a reconstitué fidèlement en dessins la ville d'Hiroshima avant le bombardement, retrouvé comment les familles se nourrissaient durant la guerre, comment elles faisaient grossir leur riz pour le rendre plus bourratif. Il a même appris comment faire des plats à partir de mauvaises herbes et a testé ces recettes avant de les dessiner.
La précision de Sunao Katabuchi va jusqu’à reproduire fidèlement comment les habitants de cette ville ont vécu le bombardement d'Hiroshima. À l’écran, l’image blanchit pendant deux secondes. "Par le biais d'écrits que j'ai retrouvé de l'époque, on sait que, même à 20 kilomètres du point d'impact de la bombe, dans la ville de Kore, on a pu voir le flash de la bombe." D'après les témoignages, le flash lumineux dure deux secondes. "Cette chaleur dégagée par la bombe, qui a complètement brûlé tout ce qu'il y avait en dessous, à 20 kilomètres de là, c'était juste une petite sensation de chaleur", poursuit Sunao Katabuchi. Entre l'éclair lumineux et le bruit de l'impact de la bombe, 50 secondes s'écoulent.
Raconter le destin de gens ordinaires
Sunao Katabuchi fait partie de cette nouvelle génération de dessinateurs japonais passés au fameux studio Ghibli de Hayao Miyazaki. Il fut l’un de ses assistants réalisateurs. Il a le sens du rythme et du cinéma. Si Dans un recoin de ce monde est un dessin animé, c’est d’abord un grand film rythmé, aux cadrages étudiés, ancré dans la réalité. L'intention de son réalisateur : raconter le destin d'une femme. "C'est l'histoire de personnes qui ont connu la guerre et qui continuent de vivre après, qui continuent à regarder droit devant eux", analyse Sunao Katabuchi. "Je ne cherche pas à dire 'Regardez ces gens comme ils sont forts !' Ce sont des gens ordinaires qui se sont contentés de continuer à vivre. Si on est là, c'est grâce à eux."
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