La population de Crimée divisée sur le rattachement à la Russie
C'est l'un de ces moments de l'Histoire que l'on imaginerait peint en grand format par David. D'une seule voix vibrante, le Parlement de Crimée a demandé à l'unanimité à Vladimir Poutine son rattachement à la Russie. Mais dans les rues de Simféropol, ce moment d'exaltation politique façon "Serment du jeu paume" laisse certains habitants froids, comme Anna : "je ne suis pas surprise par ce vote. Le Parlement de Crimée est pro-russe. Ses décisions sont influencées par Moscou ", sourit cette jeune femme blonde, qui revient de l'école où elle a été chercher son fils.
Tatares anti-russes
La population de Crimée a beau être en majorité russophone, elle n'est pas pour autant aussi enthousiaste que son parlement à la perspective d'un retour dans le giron russe. La minorité tatare - qui représenterait environ 12% de la population - ne le cache pas.
Ces turcophones musulmans ont été déportés par Staline après la Seconde guerre mondiale, officiellement pour cause de collaboration avec les nazis. Leur retour progressif dans les années 80 a été complexe et ils sont toujours en butte à des discriminations. Mais ils ont toujours soutenu Kiev et se sont constamment opposés aux tentations séparatistes d'une partie de la population.
41% pour le rattachement
Au sein de la majorité russophone, les liens culturels avec la Russie sont certes très forts. Mais ils ne se traduisent pas forcément par une aspiration à redevenir russes, comme l'ont montré des enquêtes d'opinion régulièrement menées. Deux chercheurs américains, Grigore Pope-Eleches et Graeme Robertson ont ainsi montré qu'en Crimée, la plupart des personnes interrogées considèrent que leur patrie n'est ni l'Ukraine, ni la Russie... mais la Crimée. Une autre étude, menée par la fondation Illo Kucheriv et l'Institut international de sociologie de Kiev révèle que début février, seuls 41% des habitants de Crimée considère que la Russie et leur péninsule doivent former un seul Etat.
L'Ukraine est ma patrie
Une diversité d'opinion qui s'entend dans les rues de Simféropol : "On ne change pas de nationalité en un claquement de doigts", s'insurge Irfan, un ingénieur. "Ce n'est pas parce que nous parlons russe que nous sommes proches des Russes que nous sommes russes. L'Ukraine est ma patrie ", tranche-t-il. Alec, lui, est étudiant et pas spécialement intéressé par la politique : "J'ai envie de finir mes études en paix. De toutes façons je me sens ni russe, ni ukrainien, mais criméen ", confie ce jeune homme qui, le 16 mars, lors du referendum, prochain, votera pour l'autonomie et non pour le rattachement à la Russie.
Car ce que veulent de nombreux habitants de Crimée, c'est d'abord le retour, le plus vite possible, à la situation la plus normale possible.
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