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La saga du Rafale, fleuron de Dassault Aviation

Le 18 décembre 2013, le Brésil a annoncé avoir choisi le Gripen de Saab. Une nouvelle déconvenue pour le Rafale français, fleuron de Dassault Aviation, qui n'a pas encore trouvé preneur hors de France. L'Inde pourrait toutefois renverser la vapeur: des négociations sont en cours depuis janvier 2012 en vue d'un contrat de 126 avions. Retour sur la saga de cet avion de chasse sophistiqué.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le Rafale prêt à survoler Paris, à l'occasion du défilé du 14 Juillet 2012.  (AFP/BORIS HORVAT)
Article initialement publié le 24 janvier 2013

Depuis son lancement, le Rafale n‘a jamais été vendu à un Etat étranger en dépit d’âpres négociations. Lancé industriellement en 1988, le premier avion de combat français «multirôle» est doté d’éléments qui lui permettent d’effectuer des figures rares en vol. Ce dont la plupart des concurrents sont incapables.

En France, cet appareil a pour but de remplacer sept types d’aéronefs en service dans l’armée de l’air et la marine; il peut également effectuer des frappes nucléaires. Le coût global de sa conception et de sa fabrication pour les 286 exemplaires commandés par l’armée française est évalué à 40,69 milliards.
 

Les performances techniques de l’avion, qui s’est illustré dans les opérations contre les forces de l’ancien régime du colonel Kadhafi, sont estimées par les spécialistes supérieures à celle de ses concurrents européens : l’Eurofighter Typhoon (fabriqué par EADS, le britannique Bae Systems et l’italien Finmeccanica) et le chasseur Grippen suédois. Le F22 américain étant, lui, considéré comme supérieur à l'avion français.
 
Durant de nombreuses années, les négociations menées avec de nombreux pays n’ont jamais abouti. L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, qui s’est fortement investi pour le vendre au cours de son mandat, a essuyé nombre de déceptions.
 
L'annonce, le 31 janvier 2012, de négociations exclusives avec le gouvernement indien pour l’achat de 126 Rafale, offre pour la première fois une bouffée d’oxygène au groupe Dassault et à l’industrie française de la Défense. D'autant plus qu'à l’occasion de la visite à Paris du ministre indien des Affaires étrangères à la mi-janvier 2013, les sources proches des discussions ont indiqué que New Delhi pourrait acquérir 63 appareils supplémentaires. Un dénouement qui devrait marquer un tournant dans cette longue saga.

L'affaire pourrait aboutir en 2014.
 
New Delhi crée la surprise en optant pour le Rafale
En 2012, l'annonce des Indiens est restée en travers de la gorge de David Cameron, le Premier ministre britannique. En réaction, le Royaume-Uni a menacé de ne plus verser à son ancienne colonie les 1,2 milliard d’euros d’aide annuelle.

Autre réaction, celle d'Andrew Gallaguer, le directeur général de Bae systeme India, selon qui le «Typhoon est le meilleur avion multirôle mondial de sa géneration… il entame un cycle de modernisation de 40 années». Ce n'est toutefois pas l'avis du Sunday Telegraph. Le journal estime que les capacités de reconnaissance du Rafale et un meilleur radar ont fait la différence lors des opérations en Libye.
 
L’aspect financier de l’opération n’a pas été absent de la décision indienne. Selon le Times of India, le Rafale a gagné l’appel d’offres en raison de son coût favorable pour la totalité de la flotte sur une base de quarante ans d’activité.  
 
Une chose est certaine, après la série d’échecs (durant 24 ans), Dassault Aviation a changé de politique commerciale, retrouvant son autonomie pour éviter le manque de coordination des services de l’Etat. Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des Economistes, estime que vendre le Rafale «était une question de vie ou de mort pour l’avion tricolore» qui était au bord de l’arrêt de la production. Dassault n’avait d’autre choix que de baisser ses prix et de céder son savoir faire ». En ce qui concerne par exemple le contrat avec la Suisse, Dassault a écrit aux parlementaires suisses pour leur proposer l'acquisition de 18 Rafale au prix de 122 millions pièces au lieu de 150 à 175 millions, indique Slate. Une baisse significative! 


Cette priorité donnée au commercial, Dassault l’a mise en oeuvre en choisissant comme nouveau PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, le directeur des affaires internationales, soit le vendeur en chef du Rafale.
 
Le contrat avec l'Inde comporte également  des compensations technologiques à hauteur de la moitié du contrat (6 milliards) au bénéfice de l'industrie indienne. Autre facteur intervenant dans le choix, la politique. Un Etat confronté à des menaces de guerre
ne mettra par le coût comme critère prioritaire d'achat mais la liberté de pouvoir acheter un matériel choisi en toutes circonstances. Désignant le Pakistan ou la Chine comme des ennemis potentiels, New Delhi a voulu garder sa liberté vis-à-vis du fournisseur américain.
 
Transfert de technologie, voilà un mot qui peut effrayer. Pourtant, les spécialistes estiment qu’il n’y a rien d’alarmant : «Le Rafale est un avion relativement ancien, ce qui signifie que sa technologie sera bientôt dépassée», juge Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS. Face au processus d'obsolence, la Direction générale de l'armement a passé un contrat avec Thalès en décembre 2012 pour développer la nouvelle génération du système de désignation de cibles, de l'avion indique Les Echos
 
Effet boule de neige
Pour parachever le succès indien, il ne resterait à finaliser que des détails. Ce qui est en bonne voie. Le ministre indien des Affaires étrangères, M.Khursid, a déclaré : «Les bons vins français mettent du temps à parvenir à maturité, il en est de même pour les bons contrats.»
 
L’embellie venant du sous-continent indien va permettre une inflexion dans les marchés à l’export. En définitif, par effet boule de neige, plusieurs pays vont réexaminer leurs positions vis-à-vis de l'avion. Ils pourraient finalement jeter leur dévolu sur le Rafale. Le président François Hollande, en visite mi-janvier 2012, à Abou Dhabi, dans les Emirats Arabes unies, a vanté ses qualités.
 
Parmi les pays en pole position pour signer avec Dassault Aviation, outre les Emirats Arabes Unies, se trouvent le Canada, qui envisageait l’acquisition de 65 chasseurs furtifs Loocked Martin et qui s’est inquiété fin 2012 du dérapage des coûts des avions américains. Quant à la Malaisie, elle doit remplacer 18 MIG-29 à horizon 2015.

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