Le palmarès du Prix Bayeux-Calvados : une géopolitique de la violence
Le jury du Prix Bayeux-Calvados, présidé par le journaliste américain Jon Randal, a cependant mis en lumière une zone dont on ne parle que très rarement: Bahreïn, où l'opposition chiite est toujours en lutte contre la politique de ce petit royaume du Golfe, avec l'attribution du prix de la Photo au journaliste de l'AFP en poste dans ce pays, Mohamed al-Shaikh.
A part ce prix, le palmarès a reflété ce que la presse française, notamment, met le plus largement en avant. C'est ainsi que, par exemple, comme l'a souligné le président de RSF, la violence contre les journalistes – thème qui est largement revenu à Bayeux – au Mexique n'est que très rarement abordée.
Montrer ou ne pas montrer les décapitations ?
Après l'émotion apportée par les parents de Fowley, le journaliste américain exécuté par l'EI, qui ont témoigné avec une grande dignité, le moment le plus fort de la soirée a été le récit du journaliste turc, Emin Ozmen, lauréat du prix public de la photo, pour son récit de décapitations de prisonniers en Syrie par des groupes radicaux.
Ces groupes n'avaient pas encore fait la Une de l'actualité en prenant Mossoul et en devenant l'Etat islamique. Le photographe a notamment posé le problème de savoir s'il fallait ou non montrer les décapitations. Lors de la cérémonie, d'ailleurs, il a été décidé que les photos de ces assassinats au sabre de soldats syriens capturés ne seraient pas montrées.
Pour l'auteur de ces images, le fait de montrer aurait permis de mieux comprendre la réalité de ce mouvement. «Je voulais que tout le monde voit la cruauté de l'armée islamique". Il a d'ailleurs quitté le journal turc qui l'avait envoyé en reportage parcequ'il n'avait pas voulu les diffuser.
Dans son récit, des larmes dans la voix, il a expliqué être arrivé par hasard sur les lieux des exécutions, en août 2013. Après discussion, les djihadistes l'ont autorisé à photographier. Emin Ozmen effectuait alors son huitième voyage en Syrie. Ces exécutions «m'ont donné mal au cœur, elles m'ont dégoûté", raconte-t-il. Il a regagné la Turquie le lendemain et n'est pas retourné depuis.
Le Palmarès
Trophées attribués par le jury international
Trophée photo - Prix Nikon. Mohamed Al-Shaikh (AFP) : La majorité chiite poursuit ses manifestations contre le pouvoir, Bahrein.
Trophée presse écrite - Prix du Conseil général du Calvados. Anthony Loyd (The Times) : I thought of Hakim as a friend. Then he shot me, Syrie.
Trophée radio - Prix du Comité du Débarquement. Olivier Poujade (France Inter) : L'opération Sangaris dans le piège de Bangui, Centrafrique.
Trophée télévision - Prix de la Région Basse-Normandie. Lyse Doucet (BBC News) : Yarmouk, Syrie.
Trophée télévision grand format - Prix Scam. Marcel Mettelsiefen (Arte reportage). Syrie : la vie, obstinément.
Prix jeune reporter (photo) - Parrainé par Capa Presse TV. Alexey Furman (EPA) : La crise urkainienne.
Trophée web journalisme - Prix Nikon. Gerald Holubowicz, Olga Kravets, Maria Morina, Oksana Yushko, Anna Shpakova (Mediapart - Polka magazine chewbahat storytelling lab) : Grozny : nine cities, Tchetchenie.
Prix spéciaux
Prix Ouest-France - Jean Marin (presse écrite). Claire Meynial (Le Point) : Dans le village martyr de Boko Haram, Nigeria.
Prix Fondation Varenne des lycéens de Basse-Normandie (télévision). Ian Pannell (BBC News) : Attaque chimique sur une école, Syrie.
Prix du public (photo) - parrainé par l'Agence Française de Développement. Emin Ozmen (Sipa Press) : Syrie : La barbarie au quotidien.
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