Le président américain a relativisé samedi ses propos de la veille sur la construction d'une mosquée près de Ground Zero
Lors d'un déplacement en Floride, il a déclaré samedi ne soutenir que le droit des musulmans de construire un centre religieux.
"Les musulmans doivent bénéficier du droit de pratiquer leur religion comme n'importe quel autre ressortissant du pays", avait-il dit vendredi lors d'une réception à la Maison blanche.
"Cela inclut le droit de construire un lieu de culte et un centre communautaire sur une propriété privée dans le sud de Manhattan, dans le respect de la législation", avait ajouté Barack Obama en présence de diplomates de pays islamiques et de représentants de la communauté musulmane américaine.
"Nous sommes aux Etats-Unis, et notre engagement en faveur de la liberté de religion doit être inaltérable. Le principe, selon lequel les gens de toutes les croyances sont les bienvenus dans ce pays et ne seront pas traités différemment par leur gouvernement, est essentiel à ce que nous sommes", avait poursuivi le président de confession chrétienne, né d'une mère américaine et d'un père kényan musulman, en citant le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis qui garantit la liberté de culte.
Barack Obama intervenait pour la première fois dans ce dossier, à l'occasion d'un repas de rupture du jeûne de ramadan à la Maison Blanche.
Les protestations des familles de victimes des attentats
Samedi, des familles de victimes des attentats se disaient "abasourdies" par ces propos, par ailleurs très risqués politiquement pour Barack Obama dans le contexte très sensible du 9e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain.
En défendant ce projet controversé, "le président a choisi de déclarer nos souvenirs du 11-Septembre obsolètes et le caractère sacré de Ground Zero dépassé", a dénoncé l'une des organisations regroupant des familles de victimes des attaques contre les gratte-ciel du World Trade Center, qui avaient fait quelque 3000 morts.
"Nous sommes abasourdis que le président soit prêt à faire fi de ce dont les Américains devraient être fiers: notre générosité envers autrui le 11 septembre, un jour où la dignité humaine a triomphé de la perversité", a indiqué "l'organisation des Familles de victimes du 11-Septembre pour des Etats-Unis forts et sûrs", dans un communiqué.
"Aucune personne ayant vécu ce moment et ressenti la douleur des pertes qu'a subies notre pays ce jour-là ne peut croire que faire subir à nos familles un nouvel arrachement peut être un acte de paix", poursuit le communiqué.
Obama s'explique
Ses propos ayant été critiqués, le locataire de la Maison blanche s'est employé samedi à les clarifier. "Je ne m'exprimais pas, et je ne m'exprimerai pas, sur le bien-fondé de prendre la décision d'installer une mosquée là-bas" sur ce site, a expliqué le président aux journalistes l'accompagnant en Floride. "Je m'exprimais très spécifiquement sur le droit que les gens ont, et qui date de la fondation" du pays, a-t-il ajouté, en allusion à la Constitution des Etats-Unis qui défend la liberté de culte. "C'est ce que notre pays signifie", a insisté le président.
Il a rappelé que "dans ce pays, nous traitons tout le monde sur le même pied d'égalité, et conformément à la loi, sans tenir compte de la race ou de la religion".
Une polémique qui enfle depuis le mois de mai
Le président intervient dans une controverse de grande ampleur qui remonte à plusieurs semaines. Cette polémique est née après que le conseil municipal de New York a approuvé en mai la construction d'un établissement religieux musulman près du lieu symbolique des attentats du 11 septembre 2001. C'est là que s'élevaient les fameuses Twin Towers (tours jumelles) du World Trade Center, détruites lors de l'attentat.
Le projet de centre musulman, soutenu par le maire républicain de New York Michael Bloomberg, suscite une vive opposition des élus conservateurs mais aussi de nombreux habitants de la ville. L'édifice aurait treize étages et comprendrait des salles de réunion, un espace de prière, un auditorium et une piscine. Il se situerait à deux pâtés de maisons du lieu où se dressaient naguère les "tours jumelles".
Selon un sondage réalisé pour CNN, l'opposition au projet transcende les clivages politiques partisans dans l'opinion publique américaine. Près de 70 % des personnes interrogées y sont opposées, dont 54 % des démocrates et 82 % de républicans et 70 % des indépendants.
Le leader républicain à la chambre des représentants, John Boehner, a qualifié de gênant le "soutien" d'Obama à la construction du centre musulman. "Le fait qu'une personne puisse exercer un droit ne signifie pas que cela soit une bonne chose", a-t-il déclaré dans un communiqué. "Ce n'est pas un problème de droit, qu'il s'agisse de liberté religieuse ou de plan d'occupation des sols. C'est une question de respect d'un moment tragique de notre histoire", a-t-il ajouté.
De son côté, l'association conservatrice American Values estime que le président des Etats-Unis a perdu le contact avec ses concitoyens. "Cette dernière décision est la preuve évidente que le président ne comprend pas les valeurs et les sentiments du peuple américain, en particulier à un moment où nous sommes toujours en guerre contre les djihadistes", a-t-elle jugé.
"Climat d'islamophobie exacerbé", selon des associations de musulmans
Les opposants au projet estiment que construire une mosquée si près de Ground Zero est une insulte à la mémoire des victimes. De leur côté, les partisans du projet de New York soutiennent que la "Maison Cordoba" aidera à surmonter les stéréotypes dont continue de souffrir la communauté musulmane de la ville depuis les attaques.
Les déclarations du président des Etats-Unis interviennent alors que des associations de musulmans américains se disent inquiètes d'un "climat d'islamophobie exacerbé" dans le pays à l'approche du 11 septembre. L'anniversaire des attaques coïncide cette année avec la fin du ramadan, calculé sur le calendrier lunaire.
Barack Obama reconnaît d'ailleurs la sensibilité de la question. "La douleur et la souffrance de ceux qui ont perdu leurs proches est inimaginable. Donc je comprends l'émotion que provoque ce dossier. Ground Zero est sans nul doute une terre sacrée", a-t-il dit. Mais "la cause d'Al Qaïda n'est pas l'islam, c'est une déformation caricaturale de l'islam", avait-il expliqué vendredi à la Maison blanche.
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