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Migrants débarqués en Italie : "On n'a rien mangé ces trois derniers jours"

L'Ezadeen est entré vendredi soir dans le port de Corigliano Calabro, dans le sud de l’Italie. Ce cargo transportant quelque 360 migrants a été escorté par la marine italienne. A son bord, de nombreuses familles syriennes fuyant la guerre.
Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Les migrants, arrivés en Italie vendredi soir, sont pour la plupart d'origine syrienne © REUTERS/Antonino Condorelli)

Un cargo à la dérive ces derniers jours a été escorté par la marine italienne vers le port de Corigliano où il est arrivé vendredi soir. A son bord, plusieurs centaines de migrants qui sont pour la plupart d'origine syrienne. Estimé dans un premier temps à 450, le nombre de passagers a été rectifié samedi matin et porté à 360 personnes dont 74 mineurs. Tous les passagers sont en "bonne santé" selon la marine militaire italienne, mais éprouvés par un voyage chaotique d'une dizaine de jours.

Des familles disent fuir la Syrie

Sur le pont du vieux cargo à la peinture verte et blanche défraîchie, des hommes emmitouflés dans des couvertures. Ils ont le regard rivé sur le quai. Au moment de quitter le bateau, des groupes se forment et l’on se rend compte qu’il y avait à bord de nombreuses familles avec une soixantaine d’enfants. La fatigue se lit sur les visages pourtant parfois souriants. Interrogés sur leur point de départ, les migrants citent pour la plupart des villes syriennes : "Homs ", "Alep ", "Kobané ".

Témoignages de migrants recueillis par Jérôme Jadot sur le port italien de Corigliano, dans le sud de l'Italie

Un jeune homme équipé de béquilles se déplace avec difficultés. Il explique avoir été blessé et vouloir fuir "à la fois le régime syrien et Daech ". Selon les témoignages recueillis sur le port italien de Corigliano, le périple de ces migrants a débuté en Turquie il y a dix jours. L’odyssée a bien failli virer au drame puisque le bateau s’est retrouvé à la dérive dans une mer agitée. Un passager évoque ce voyage aussi dangereux qu’éprouvant.

"C’était dur, on n’a rien mangé pendant les trois derniers jours."

Les vivres ne visiblement font pas partie du prix de la traversée. Pourtant chaque voyageur a payé entre 3.000 et 5.000 dollars aux passeurs. 

Un jeune migrant dit être Syrien et lâche quelques mots par dessus les épaules d'un carabinier. Les journalistes ne peuvent pas l'approcher.

"Je suis étudiant à l'université, mais je fuis la guerre et mon pays pour pouvoir poursuivre mes études d'agronomie. Notre voyage a été terrible. Nous avons eu peur de la mauvaise mer et nous avons passé dix jours en Méditerranée."

Les passeurs recherchés

Où sont à présent les organisateurs du voyage ? Selon certains témoignages, ils ont quitté et abandonné le  navire en mer. D’après d’autres passagers, l’équipage ou une partie a pu se cacher parmi les migrants. Pour des vérifications, cinq hommes ont d’ailleurs été emmenés au poste de police vendredi soir pour être interrogés.

Le "trafic" des passeurs a changé d'échelle. Ce ne sont plus de petits bateaux de pêche ou des embarcations gonflables qui sont utilisés, mais des cargos. Celui qui est arrivé au port de Corigliano mesure 73 mètres. Le même scénario a été vu ces derniers jours en Italie, avec un autre navire, le Blue Sky M. L'utilisation de ces navires transportant plusieurs centaines de migrants ne rassure pas Francesco Verroti, le chef de  la garde-côte de Corigliano Calabro.

"C'est une nouvelle façon de faire du trafic. On peut s'attendre à ce que d'autres bateaux du même type arrivent, mais nous n'avons pas de certitude. Il se pourrait que ce soit une nouvelle stratégie, mais cela reste à confirmer."

Une stratégie qui consisterait aussi à assumer la perte de ces vieux cargos en les laissant à la dérive, ce qui n'a pas l'air d'entamer la rentabilité de ces opérations.

Un autre voyage attend les autres passagers. Il s’agit à présent de rejoindre en bus les centres d’accueil, parfois lointains. Un trajet de près de onze heures pour les foyers les plus éloignés de Corigliano, comme celui de Turin.

 

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