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Le 1er janvier 2020 marque-t-il vraiment le début de la décennie ?

Le 31 décembre 2019 n'a pas marqué la fin de la décennie 2010, pas plus que le 1er janvier 2020 ne correspondait au début de la décennie 2020. Conformément au mode de calcul du calendrier, il faudra attendre le 31 décembre 2020 et le 1er janvier 2021.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Une femme pose devant une inscription célébrant le passage à la nouvelle année, le 1er janvier 2020 à Séoul (Corée du Sud). (JUNG YEON-JE / AFP)

Quand commence une décennie et quand s'achève-t-elle ? Sur Twitter, le débat a fait rage à l'approche du Nouvel An. De nombreux internautes ont en effet partagé des photos d'eux au début et à la fin de la décennie pour montrer, à travers ce #10YearChallenges, combien ils avaient changé (sur un ton plus ou moins humoristique). De même, divers palmarès (footballistique, cinéphilique...) du meilleur de la décennie ont fleuri sur de multiples sites internet (y compris sur franceinfo).

Tout ceci a semé la confusion dans les esprits. Alors, le 31 décembre 2019 marquait-il vraiment la fin de la décennie 2010 et le 1er janvier 2020 correspondait-il au début de la décennie 2020, comme beaucoup l'ont pensé et écrit ?

La définition donnée par le dictionnaire Larousse est claire : une décennie est "une période de dix ans". Mais d'un point de vue calendaire, cela ne signifie pas que le 1er janvier 2020 marque le début de la décennie 2020. Pour comprendre, il faut remonter le temps, raconte CNN (en anglais).

Un mode de datation hérité du christianisme

Au VIe siècle, l'Eglise décide de réformer le calendrier julien, hérité de Jules César, afin que le point de départ de l'ère chrétienne soit la naissance de son fondateur, Jésus-Christ, et non la date de la fondation de Rome. En 525, un religieux érudit, Denys le Petit, est missionné par le pape Jean Ier. Le moine calcule la date de naissance de Jésus-Christ, le 25 décembre, et détermine l'Anno Domini. Un jour aujourd'hui considéré comme inexact, au vu des connaissances historiques.

Deux siècles plus tard, en 731, un moine anglo-saxon, Bède le Vénérable, introduit une nouvelle règle de datation qui définit deux ères : avant et après Jésus-Christ. L'Anno Domini, l'année de naissance de Jésus-Christ, est l'an 1 de l'ère chrétienne. Quant à l'année qui la précède, elle n'est pas l'an 0, mais l'an 1 avant Jésus-Christ. 

Puisque l'an 0 n'est pas le point de départ, la première année de l'ère s'achève donc en toute logique à la fin de cet an 1. Suivant cette même logique, la première décennie se conclut à la fin de l'an 10, la décennie suivante débutant logiquement le premier jour de l'an 11. Et ainsi de suite pour les siècles et les millénaires. Ce calendrier – baptisé grégorien depuis la réforme survenue en 1582 sous le règne du pape Grégoire XIII – est toujours en vigueur dans de nombreux pays, notamment occidentaux, et sert encore de référence dans le système de datation international.

Le zéro n'existait pas encore en Occident

Si la première année de l'ère chrétienne a été désignée comme l'an 1 et non l'an 0, c'est tout simplement parce que la notion même de zéro n'existait pas encore dans la chrétienté. Son introduction en Occident n'a eu lieu qu'aux alentours du VIIIe siècle, soit plus de 300 ans après le calcul de l'Anno Domini, lorsque les mathématiques arabes ont été traduites.

Il a d'ailleurs fallu attendre 1202 et la publication du Liber Abaci du mathématicien italien Leonardo Fibonacci pour que l'usage de ce zéro mathématique se répande, notamment dans les livres de comptes des marchands italiens et des banquiers allemands, relate l'université de Yale (en anglais).

Les confusions nées des changements de décennies, voire de siècles ou de millénaires, ne datent pas d'hier non plus. En 1980, Le Monde, répondant aux remarques de ses lecteurs, pointait déjà l'erreur du président Valéry Giscard d'Estaing, qui déclarait : "Nous savons tous que la première année de la décennie, l'année 1980, sera difficile..."

Son lointain successeur, Emmanuel Macron, est lui aussi tombé dans le panneau, en déclarant lors de ses vœux du Nouvel An aux Français que "2020 [devait] ouvrir la décennie de l'unité retrouvée de la nation"

De même, en 1999, l'Observatoire naval des Etats-Unis, agence gardienne du temps outre-Atlantique, tranchait (en anglais) le débat sur la date d'entrée dans le nouveau millénaire : à savoir, le 1er janvier 2001 (et non 2000).

"Partir du zéro pour compter est devenu intuitif"

"On a tous fêté la fin du millénaire en 1999, alors qu’on n'est entré dans le nouveau qu'en 2001, rappelle l'historien Jean-François Caron, interrogé par Radio Canada. D'après moi, on s'est toujours [em]mêlés. C'est sans doute dû au fait qu'un changement de dizaine envoie un signal fort, et que partir du zéro pour compter est devenu intuitif. Sauf que l'an zéro, ça n'existe pas au calendrier. Tout démarre à l'an 1, et c'est sans doute ce qui contribue à brouiller les cartes."

Si la chronologie est implacable, son application dans la vie de tous les jours peut faire tiquer. "Une fois passé mon cinquantième anniversaire, j'ai dit à mes proches que je me trouvais dans la dernière année de ma quarantaine", glisse ainsi Geoff Chester, de l'Observatoire naval des Etats-Unis, dans un article de NPR (en anglais). De même, "si vous parlez de quelque chose qui s'est déroulé en 1990 comme d'un événement des années 80, c'est tout de même très perturbant", pointe Andrew Novick, du National Institute of Standards and Technology, une agence du département du Commerce des Etats-Unis.

Mais d'un point de vue strictement calendaire, une décennie s'achève bien avec une année finissant en 0 et débute par une année terminant en 1. Rendez-vous donc le 31 décembre 2020 pour faire ses adieux à la décennie 2010 et le 1er janvier 2021 pour dire bonjour à la décennie 2020.

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