Présidentielle en Roumanie : prorusse, eurosceptique, "vengeur envoyé par Dieu"... Cinq choses à savoir sur Calin Georgescu, le candidat arrivé en tête du premier tour

Article rédigé par Chloé Ferreux
France Télévisions
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Photo prise le 13 novembre 2024, à Bucarest, du candidat d'extrême droite prorusse à l'élection présidentielle en Roumanie. (OCTAV GANEA / DIGI24 / INQUAM PHOTOS)
Le candidat indépendant a créé la surprise en prenant la tête des suffrages à l'issue du premier tour organisé dimanche. Le Premier ministre europhile, Marcel Ciolacu, pourtant favori des sondages, ne sera même pas en lice au second.

Peu connu du grand public, ignoré des sondages, le candidat prorusse Calin Georgescu a créé la surprise, lundi 25 novembre, en arrivant en tête, avec 22,94% des voix, lors du premier tour de l'élection présidentielle en Roumanie. "Ce soir, le peuple roumain a crié pour la paix. Et il a crié très fort", a réagi le candidat, connu pour ses positions critiques vis-à-vis de l'Otan. Cette percée a eu l'effet d'un séisme en Roumanie, pays jusqu'ici épargné par les vagues nationalistes. Calin Georgescu, qui a mené sa campagne sur le réseau social TikTok, a notamment enchaîné les promesses sur la fin de l'aide en Ukraine, alors que les deux pays partagent une frontière de près de 650 kilomètres

Le Premier ministre roumain, Marcel Ciolacu, éliminé de la présidentielle, a annoncé qu'il ne "contesterait pas" les résultats, "même si la différence est faible", et annoncé sa démission de la tête du parti social-démocrate. Favori des sondages, il est arrivé dimanche troisième du premier tour avec 19,15% des voix, derrière la centriste Elena Lasconi (19,17%) que le candidat ultranationaliste affrontera le 8 décembre, date du second tour. Celui-ci pourrait bénéficier de nouveaux soutiens de l'extrême droite, représentés par George Simion et son parti Alliance pour l'unification des Roumains (AUR), écarté de la course après avoir récolté 14% des suffrages. Bien que la fonction présidentielle roumaine soit principalement protocolaire, si Calin Georgescu est élu il possèdera un pouvoir décisionnel sur les candidats des partis au poste de Premier ministre et ceux du gouvernement aux postes judiciaires. Rhétorique populiste, euroscepticisme... franceinfo vous présente cinq choses à savoir sur Calin Georgescu. 

1 Un candidat prorusse 

S'il a toujours refusé d'affirmer explicitement son soutien à la Russie, Calin Georgescu se décrit comme un "proche de la culture russe". Le candidat indépendant de 62 ans évoque Vladimir Poutine comme "un homme qui aime son pays" et admire les liens existant entre le Kremlin et la Hongrie.

Critique de l'Union européenne et de l'Otan, qu'il accuse de nuire à la souveraineté nationale, il a prôné pendant sa campagne l'arrêt de l'aide à l'Ukraine. Il soutient également que l'invasion de la Russie est manipulée par des sociétés militaires américaines, rapporte PoliticoDans une autre interview rapportée par Reuters, il a déclaré que la meilleure chance diplomatique de la Roumanie reposait dans la "sagesse russe"

En 2022, Calin Georgescu avait estimé, lors d'une interview sur la chaîne roumaine Realitatea TV, que le bouclier antimissile américain situé dans le village de Deveselu, dans le sud de la Roumanie, relevait d'une politique de confrontation et non d'une mesure pacifique. En 2021, il le qualifiait de "honte diplomatique", selon Reuters. Si ses prises de position sont partagées par le Kremlin, ce dernier a néanmoins assuré lundi "ne pas bien connaître" Calin Georgescu, rapporte l'AFP. 

2 Un ultranationaliste désapprouvé par un parti d’extrême droite 

Le parti d'extrême droite AUR a soutenu Calin Georgescu au poste de Premier ministre à deux reprises, en 2020 et en 2021, relève EuroNews. Une collaboration qui s'est arrêtée après la critique par le parti de sa position prorusse et anti-Otan, explique le Guardian.

Nostalgique de ce qu'il appelle la "grandeur roumaine", l'ultranationaliste a aussi fait l'apologie d'anciennes figures du fascisme dans le pays, qualifiant notamment Ion Antonescu, chef de l'Etat roumain pendant la Seconde Guerre mondiale condamné pour son rôle dans l'Holocauste, ainsi que Corneliu Zelea Codreanu, fondateur de la Garde de fer, de "héros de la nation", rapporte Reuters. En 2020, le Parquet général avait ouvre une procédure pénale contre lui pour promotion de "personnes coupables de génocide", explique EuroNews. Sous la pression, l'AUR s'était à nouveau désolidarisée de Calin Georgescu. Mais depuis les résultats du premier tour, le parti semble être revenu sur cette position. George Simion, candidat sortant de l'AUR, a salué la victoire de Calin Georgescu, invitant ses 1,3 million d'électeurs à le soutenir, rapporte la BBC

3 Une figure des politiques environnementales roumaines

Lors de sa campagne, Calin Georgescu a axé une partie de ses promesses sur le développement rural et la souveraineté alimentaire. Il souhaite notamment renforcer le soutien aux agriculteurs roumains, engager la réduction de la dépendance de Bucarest sur les plans énergétiques et sur les importations, selon Associated Press. Une spécialité qui a marqué son parcours politique. Après une carrière au sein de l'Institut national de recherche-développement, où il travaille sur les questions d'érosion des sols, Calin Georgescu entre en politique dans les années 1990.

Alors conseiller auprès du ministre de l'Environnement, Marcian Bleahu, le nationaliste devient secrétaire général du ministère entre 1997 et 1998. L'année suivante, sa carrière prend une dimension internationale lorsqu'il représente la Roumanie aux Nations unies sur les questions environnementales. Une période au cours de laquelle il coordonne également la Stratégie nationale de développement durable, alignée sur les objectifs européens. Consolidant son rôle dans l'élaboration de politiques publiques en matière d'écologie et d'agriculture, entre 2000 et 2013, selon le Romania Insider, Calin Georgescu dirige le Centre national de développement durable en Roumanie, avant d'occuper le poste de directeur exécutif de l'Institut de l'indice mondial de durabilité des Nations unies entre 2015 et 2016, rapporte le Guardian.

4 Une campagne menée sur TikTok

Ignorant les traditionnels plateaux de télévision, Calin Georgescu a bousculé les codes d'une campagne politique classique en investissant TikTok. Figure incontournable des pages roumaines du réseau social, l'ancien haut fonctionnaire prorusse a su captiver 277 000 followers et a cumulé, mi-novembre, plus de 92,8 millions de vues, avec un bond de 52 millions la semaine précédant le premier tour des élections, selon le think tank Expert Forum, interrogé par Associated Press, qui juge cette progression fulgurante "soudaine et artificielle". "Internet est le seul espace de liberté d'expression", affirmait le candidat d'extrême droite dans une vidéo récente, traduite par l'AFP.

Pour Cristian Andrei, consultant politique basé à Bucarest cité par France24, ce succès électoral représente une réponse à "une classe politique déconnectée", incapable d'utiliser efficacement les nouvelles plateformes. Pour Madalina Voinea, membre d'Expert Forum interrogée par AP, "il est urgent que TikTok fasse la lumière sur ce qui se passe en Roumanie".

5 Il se décrit comme "un vengeur envoyé par Dieu"

Lors de sa campagne, Calin Georgescu a largement mis en avant sa foi chrétienne. Soutenant l'Eglise orthodoxe roumaine selon le Washington Post, le candidat mêle régulièrement références religieuses et rhétorique nationaliste et se pose en défenseur des valeurs chrétiennes et traditionnelles. Il s'est notamment présenté comme un "vengeur envoyé par Dieu pour servir les Roumains", rapporte le New York Times, décrivant alors l'élection comme une véritable "prière pour la nation", affirmant vouloir donner une voix aux "humiliés" et à "ceux qui ont le sentiment de ne pas compter et qui comptent en réalité le plus"

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