Avec la victoire de Netanyahu, le triple défi de l’Autorité palestinienne
La question palestinienne avait été la grande absente de la campagne électorale israélienne. Au lendemain du scrutin israélien du 17 mars 2015, les Palestiniens ont bien sûr réagi négativement au choix des Israéliens. Israël «a choisi la voie du racisme, de l'occupation et de la colonisation et n'a pas choisi la voie des négociations et du partenariat», a dit à l'AFP Yasser Abed Rabbo, secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Mais cette déclaration attendue ne cache pas les difficultés dans lesquelles se retrouve l'Autorité palestinienne.
Pour cette dernière, la situation apparaît en effet totalement bloquée. Créée dans le cadre des accords d'Oslo (13 septembre 1993), l'Autorité est théoriquement chargée d'administrer les habitants palestiniens de la bande de Gaza et de la Cisjordanie occupées depuis la guerre des Six-Jours, en juin 1967, et de négocier un accord final de paix avec les Israéliens. Près de 22 ans après la cérémonie de signature de ces accords, le bilan est sombre, notamment côté palestinien.
Le territoire palestinien est divisé en deux entités qui ne se parlent quasiment pas, les discussions de paix sont en panne, la situation économique est catastrophique (alors qu'Israël voit sa croissance s'envoler) et la colonisation ne s'est jamais ralentie.
Absence d'interlocuteurs
«Peu nous importe qui sera le prochain Premier ministre d'Israël, ce que nous attendons de tout gouvernement c'est qu'il reconnaisse la solution à deux Etats, avec Jérusalem-Est comme capitale de l'Etat de Palestine», a fait savoir le président Mahmoud Abbas au lendemain des élections israéliennes. Des propos qui semblent répondre à ceux qu'aurait tenu le candidat Netanyahu affirmant qu'il était opposé à la création d'un Etat palestinien.
Depuis son retour au pouvoir en 2009, Benjamin Netanyahu n'a fait aucun geste en direction de l'Autorité palestinienne. Malgré les pressions américaines et de nombreux déplacements de John Kerry, aucune avancée n'a eu lieu sur le terrain des discussions entre Israël et les Palestiniens. Dans les faits, plus aucune discussion n'a lieu entre les deux parties. Mahmoud Abbas et Benjamin Netanyahu ne se sont pas rencontrés officiellement depuis le 15 septembre 2010.
Pour négocier, il faut être deux et aujourd'hui, les Israéliens ne semblent pas avoir grand chose à négocier. «Il n'y a pas de partenaire pour la paix en Israël», a affirmé le négociateur palestinien Saëb Erakat.
Absence de résultats
Sur le terrain, jamais la tension n'a été aussi forte. En juillet 2014, Israël a mené une nouvelle guerre contre Gaza. A Jérusalem-Est (annexé par Israël), la tension est quotidienne et les incidents se multiplient. Le gouvernement ne cesse de développer la colonisation et pendant sa campagne, Benjamin Netanyahu n'a jamais indiqué qu'il y mettrait fin.
Les discussions directes ayant échoué, l'Autorité palestinienne s'est tournée vers les institutions internationales avec deux axes: obtenir la reconnaissance internationale et se servir de la justice internationale pour faire avancer les droits des Palestiniens. Sur ce terrain, Mahmoud Abbas a réussi à obtenir le statut d'Etat membre pour la Palestine.
Sur la question de la justice internationale, l'Autorité palestinienne a fini par adhérer à la Cour pénale internationale. Le président Mahmoud Abbas a signé le 31 décembre 2014 la demande d'adhésion à la Cour pénale internationale. L'événement avait été retransmis en direct à la télévision palestinienne. Une plainte pourrait être déposée en avril.
Cette décision a entraîné la colère de Washington et Israël a décidé de conserver les taxes qu'elle récolte pour l'Autorité palestinienne (une somme de quelque 500 millions de dollars). Une décision qui rapproche l'Autorité de la faillitte.
Pourtant, même sur ce terrain, Mahmoud Abbas semble jouer la prudence. «Le leader palestinien a suspendu l’application de plusieurs résolutions des instances de l’OLP et du Fatah. Dépôt d’une plainte contre Israël auprès de la Cour pénale internationale de La Haye et surtout arrêt de la coopération sécuritaire avec Israël», écrivait Charles Enderlin, juste avant le scrutin.
Absence de représentativité
Sur le plan politique, l’Autorité palestinienne représente-t-elle encore quelque chose? Mahmoud Abbas a été élu en 2005 à sa tête. Mais son mandat s'est officiellement achevé sans que de nouvelles élections aient pu se tenir.
Même chose pour le Parlement palestinien dont les dernières élections remontent à 2006. Elles avaient vu la victoire du Hamas sur le Fatah. Depuis cette date, les Palestiniens n'ont pu plus voter et la division entre Fatah et Hamas ne s'est pas atténuée malgré l'annonce d'un gouvernement d'union.
Dans ce contexte, difficile de connaître le poids des forces en présence dans la population palestinienne. Un des leaders populaires de la seconde intifada, Marwan Barghouti, emprisonné à vie en Israël, a récemment insisté sur l'importance de la «résistance armée», une position à l'opposée de celle de Mahmoud Abbas.
A ces problèmes politiques, s'ajoutent des accusations permanentes de corruption à l'encontre des élites palestiniennes de Ramallah.
Quelle solution pour l'Autorité palestinienne?
Face à cette situation de blocage, l'Autorité palestinienne a décidé d'élever le ton et a menacé de cesser «la coopération sécuritaire sous toutes ses formes avec la force d’occupation». Il s'agit là d'une arme massive entre les mains des Palestiniens. «Cette dernière mesure pourrait forcer l’armée israélienne à occuper de nouveau les villes autonomes palestiniennes. Ce serait le dernier clou dans les accords d’Oslo dont l’Autorité palestinienne est le dernier vestige. Tsahal se prépare activement à cette éventualité. Il y a une dizaine de jours, un grand exercice militaire s’est déroulé répétant ce scénario du pire en Cisjordanie», selon Charles Enderlin.
La décision n'a pas encore été prise, mais un des leaders palestiniens, Abed Rabbo, a affirmé qu'il «faut l'appliquer».
En 2013, déjà, face à la paralysie de la situation, Mahmoud Abbas avait menacé de tout laisser tomber. «Si le prochain gouvernement israélien refuse d’honorer des engagements pour la paix et continue à voler nos terres et à construire des colonies, je demanderai à Benjamin Netanyahu de s’asseoir à ma place. Je lui balancerai les clés et je partirai», avait-il affirmé. Une décision complexe qu'il n'a pas prise.
A côté de cela, le prochain gouvernement israélien pourrait adopter une solution moins intransigeante tandis que l'Europe et les Etats-Unis pourraient faire pression sur Israël pour tenter de trouver une solution et sortir l'Etat hébreu de son isolement diplomatique. Mais cela suffira-t-il à sauver l'Autorité palestinienne de l'absence totale de perspective?
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