Le Sinaï, désert de tous les dangers
Avec l’augmentation de l’instabilité de cette zone, Israël a accepté que l’armée égyptienne y déploie deux bataillons d'infanterie supplémentaires. L'accord de paix entre Israël et l'Egypte conclu en 1979 prévoit une limitation de la présence militaire égyptienne dans le Sinaï, mais des dérogations temporaires sont possibles par agrément mutuel. C’est le cas aujourd’hui.
Si ces deux dernières semaines en Egypte, des hommes armés ont mené plusieurs raids contre l'armée et la police dans le nord du Sinaï, les attaques des forces de l'ordre n'ont jamais cessé depuis la révolution égyptienne, en mars 2011. Notamment autour d’al-Arish et du gazoduc qui alimente Israël (18 attaques depuis début 2011).
Montée en puissance des groupes radicaux
Située aux confins de l'Egypte, d'Israël et de la bande de Gaza, cette région aride reliant l’Afrique à l’Asie est peuplée d'une minorité palestinienne (qui possède des liens avec Gaza) et d'une majorité de Bédouins en conflit avec Le Caire, dont ils contestent l’autorité.
Ce désert montagneux abrite toutes sortes d’activités illicites et voit passer des groupes armés, trafiquants d'armes (provenant de Libye) et de stupéfiants.
Depuis la chute de Hosni Moubarak début 2011, le Sinaï montre une recrudescence d'activités des mouvements radicaux, salafistes en tête, ce qui inquiète particulièrement l'Etat hébreu. Ce territoire de quelque 60.000 km² est devenu leur base de lancement des attaques contre Israël. Bien que mal identifiés, ces groupes armés seraient composés notamment d’anciens délinquants ou de jeunes radicalisés ayant souffert de l’ostracisme du régime Moubarak envers la population locale.
Contrebande avec la bande de Gaza
La proximité avec la bande de Gaza en fait par ailleurs un endroit de prédilection pour les trafics – nourriture, essence, matériaux de construction…– à destination de l'enclave palestinienne. En effet, beaucoup de Gazaouis préfèrent passer par les réseaux de contrebande égyptiens, dont les produits sont meilleur marché. «80% des aliments sur le marché de Gaza proviennent d'Egypte. Ce qui vient d'Israël n'est vraiment pas suffisant», expliquait en 2012 le propriétaire d'un tunnel de contrebande. Une économie parallèle qui s’est beaucoup développée dans les années 2000 après la seconde intifada en Israël.
Mais la déstabilisation de la région, qui fut un enjeu dans la crise du Canal de Suez (1956) et dans les guerres des Six-Jours et du Kippour entre l’Egypte et Israël, n’est pas récente, comme l’explique Le Monde diplomatique.
Sécuriser la zone, un défi à relever
Pensant y ramener un peu de calme, Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, avait bien annoncé vouloir casser le système discriminatoire mis en place par le régime Moubarak à l’encontre des Bédouins, dès son arrivée au pouvoir en juin 2011. Mais les discussions avec les groupes armés et les islamistes n'ont rien donné. Il leur proposait de rendre les armes en échange de leur implication dans la politique locale. Et depuis, la question sécuritaire est restée sans réponse.
Dans Le Figaro, Ahmed Abdel Mowgoud, un spécialiste de la zone, sait à quel point il sera difficile de sécuriser ce territoire face à des «islamistes qui savent naviguer, à pied ou en voiture, entre les moindres recoins de cette région montagneuse, et dont l'équipement en armes, notamment en provenance de Libye, n'a cessé d'augmenter depuis la révolution.»
Selon lui, aujourd’hui, «il ne fait aucun doute que ces groupes cherchent à venger Morsi. Ils font tout pour affaiblir l'armée, déjà bien préoccupée par la sécurité du Caire, en multipliant les attaques dans le Sinaï, et en la forçant à déployer ses hommes en dehors de la capitale.»
Quoi qu’il en soit, les événements qui se produisent actuellement dans le secteur sont un défi pour l’Egypte qui devra réussir à canaliser ces groupes armés pour éviter l’escalade de la violence.
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