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Partie "par amour" en Syrie, elle dit aujourd'hui "regretter"

Environ 200 Françaises sont parties en Syrie et peu sont rentrées. Dans un témoignage rare, Sarah, de retour en France depuis deux ans, veut éviter que d'autres jeunes femmes suivent le même parcours.
Article rédigé par Sophie Parmentier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Le signe de Daech à Palmyre en Syrie en mars 2016 (illustration)© SIPA/AP/ via SANA)

Aujourd'hui, elle a abandonné le niqab, travaille et vit avec ses trois enfants en France. Deux ans après son retour de Syrie, celle qui se fait appeler "Sarah" raconte ce mercredi à France Info comment elle a rejoint "par amour" le père de ses enfants parti mener le djihad aux côtés de Daech, un voyage qu'elle dit "regretter énormément" .

Sarah n’a pas trente ans. Toute fine, jolie, élégante, elle porte des jeans et des talons, se maquille discrètement. Cheveux au vent, elle fume des cigarettes. Dans son petit appartement, ce qu'elle montre en priorité, ce sont les chambres douillettes de ses enfants, des chambres roses et bleues, remplies de peluches. Elle pleure et dit qu’elle a honte d’avoir emmené ses enfants en Syrie.

"Je suis partie par amour. Je l'ai connu je venais d'avoir 18 ans, j'ai eu mes enfants avec. Quand je suis partie, je venais d'accoucher de ma dernière fille. Je suis partie pour qu'il la voie, qu'il la connaisse. Je n'avais pas une idée dans la tête, une idéologie ou quoi que ce soit" explique la jeune femme, âgée de moins de trente ans.

"Il voulait qu'on meure en martyr là-bas"

Sarah a quitté la France sans dire au revoir à sa famille, direction la Turquie. Son mari avait organisé l'entrée en Syrie.

"Quand on arrive, la plupart des gens sont armés, c'est ce que l'on voit en premier, ça choque. J'avais tout le temps peur, il n'y a pas un jour ou même une nuit où j'étais tranquille. Souvent, la nuit je ne dormais pas, comme si je faisais le guet."

La jeune femme passe ses journées cloîtrée dans la petite maison que son mari avait fait construire : "J'étais à la maison toute seule, je m'occupais du ménage, je faisais l'école à mes enfants. Je parlais souvent avec ma famille, parce que lui était souvent absent ". Elle explique que son mari, "tous les matins, et tous les soirs, rentrait avec une arme, une kalachnikov. Il la rangeait très haut pour ne pas que les enfants la voient et la touchent ". Sarah ajoute que "des fois, il ne rentrait pas. Lui, ce qu'il voulait, c'est qu'on vive là-bas et qu'on meure tous ensemble, qu'on meure en martyr là-bas" .

Son mari explique à Sarah vouloir lui fabriquer un ceinture d'explosifs pour la protéger des viols et lui permettre de mourir en martyr avec ses enfants. La jeune femme décide alors de s'enfuir. A son retour il y a deux ans, Sarah est interpellée et poursuivie notamment pour avoir apporté des éléments d'arme à son mari. Elle écope d'une peine de prison aménageable, les juges ayant estimé que la jeune femme avait beaucoup changé depuis son retour.

"Parler, avant de partir"

Environ 200 Françaises sont parties en Syrie, mais très peu d'entre elles ont réussi à s'en échapper. Aujourd'hui, Sarah veut éviter que d'autres jeunes femmes suivent le même parcours : "Je regrette énormément d'avoir fait ce voyage, et le pire est que je ne peux pas retourner en arrière, donc je ne leur conseillerais pas de partir, je leur conseillerais d'en parler".

"On entend beaucoup de choses, on nous dit que c'est presque comme le paradis, on a des villas, on ne manque de rien, mais ce n'est pas du tout ça. La plupart de la population s'enfuit. Ils préfèrent mendier que d'être là-bas, il faut se poser des questions".

"J'ai honte" dit-elle, "j'ai l'impression que tout le monde est au courant. C'est tout ce que je ne suis pas et ce que je ne veux pas être. J'étais accro à mon mari, je l'aurais suivi au bout du monde."

Sarah est en instance de divorce. Son mari, lui, a déjà fondé une nouvelle famille en Syrie.

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