PRIX BAYEUX. C.Deloire:en tuant des journalistes «on veut supprimer des témoins»
Devant plusieurs centaines de personnes, dont le photographe Edouard Elias, ex-otage en Syrie, Christophe Deloire a dévoilé le 9 octobre une nouvelle stèle avec les 113 noms de journalistes tués entre avril 2013 et août 2014 dans le cadre du XXIe Prix Bayeux des correspondants de guerre.
Quel est la situation des journalistes de terrain, les grands reporters ou correspondants de guerre ?
Les journaliste sont pris en étau. Ils sont à la fois victimes d'une précarisation du métier et à la fois à la merci de ceux qui veulent supprimer des témoins.
D'un côté, il y a, par exemple, des photographes sans employeur fixe, qui partent sur le terrain par leur propres moyens, avec les problématiques de sécurité que cela comporte. Ils partent seuls, ont moins les moyens de s'offrir un fixeur (personne connaissant le terrain, parlant la langue, servant de guide et d'interprête NDLR), un véhicule correct, des relais…
De l'autre, on voit la volonté manifeste de certains groupes de supprimer, de faire disparaître les témoins. Que ce soit les journalistes ou même les humanitaires. On l'a vu avec l'exemple des décapitations de James Foley et David Haines.
On voit ça en Syrie ou en Irak, mais pas seulement. On le constate aussi en Libye ou en Somalie, notamment, où faire du journalisme c'est terrible.
Vit-on un changement avec ces situations ?
Dans de nombreux conflits, notamment dans ceux que l'on qualifie d'asymétriques, les journalistes sont perçus par les représentants d'un certain camp. Et c'est à ce titre qu'ils se trouvent être visés.
De nombreux journalistes sont tués sur les zones de conflits. Mais tous ne le sont pas de la même façon. Il y a ceux qui le sont parce que le travail est dangereux. Et qu'ils se retrouvent au mauvais endroit au mauvais moment. Ils sont victimes comme d'autres le sont, comme d'autres civils peuvent l'être.
Il y a aussi des groupes qui peuvent utiliser les journalistes pour faire pression sur un état, mais aussi sur les journalistes eux-mêmes, l'info en général. Enfin, il y a ceux qui veulent nettoyer le terrain d'un témoin indépendant.
Là, nous assistons à des phénomènes en pleine croissance.
Parallelement à ces phénomènes, n'y a-t-il pas un risque sur les libertés dans les sociétés démocratiques ?
Ce n'est pas du tout du même ordre. Il n'y a pas vraiment de rapport ou de comparaison avec ce que nous venons d'évoquer. Mais il est vrai que par ailleurs, la lutte contre le terrorisme semble parfois s'approcher, chez nous, du Patriot Act américain. Il faut éviter ce Patriot Act à la française.
RSF a pris position sur cette question en dénonçant certains dangers du texte proposé par le gouvernement. Je vous renvoie au communiqué que nous avons fait sur ce point.
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