Caricatures de Mahomet : "provocation" contre "liberté d'expression"
Après une semaine de violences dans le monde contre le film islamophobe, l'hebdomadaire publie de virulents dessins satiriques et provoque un déluge de réactions contrastées.
MEDIAS - Dans les kiosques, le dernier numéro de Charlie Hebdo s'arrache. Quant au site internet de l'hebdomadaire, il est devenu inaccessible et sa page Facebook est submergée de commentaires. L'hebdomadaire publie, mercredi 19 septembre, de virulents dessins satiriques représentant le prophète Mahomet, après une semaine de violences dans le monde en réaction au film islamophobe L'Innocence des musulmans. Après les caricatures de novembre 2011 qui se sont soldées par l'incendie de sa rédaction, ce nouveau coup médiatique de Charlie Hebdo attise une fois encore les passions.
Le gouvernement embarrassé
Le gouvernement est tiraillé entre défense de la liberté d'expression et condamnation d'un "excès". "Nous sommes dans un pays où la liberté d'expression est garantie, la liberté de caricature aussi", déclare Jean-Marc Ayrault. Mais dans la foulée, le Premier ministre modère :"Si vraiment des personnes se sentent heurtées dans leurs convictions et pensent qu'il y a eu dépassement du droit (...), elles peuvent saisir les tribunaux."
Le ministre des Affaires étrangères est lui "préoccupé". Laurent Fabius estime que dans le "contexte" actuel, la publication de caricatures du prophète jette "de l'huile sur le feu". Le chef de la diplomatie française indique qu'il a demandé aux représentations de la France "dans tous les pays où cela peut poser problème" de prendre des mesures de sécurité.
Les représentants religieux dénoncent une provocation
Les représentants catholiques, juifs et musulmans sont unanimes. Dans un communiqué, le président du Conseil français du culte musulman, Mohammed Moussaoui, fustige un "acte irresponsable" qui "risque d'exacerber les tensions et de provoquer des réactions préjudiciables". Le CFCM, organe représentatif des différents courants musulmans en France, condamne "avec la plus grande vigueur ce nouvel acte islamophobe qui vise à offenser délibérément les sentiments des Musulmans".
Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Richard Prasquier, "désapprouve" ces caricatures qui, dans le contexte de tension actuel, relèvent d'"une forme de panache irresponsable". Quant au cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de l'épiscopat français, il met en garde sur Europe 1 : "Cela va susciter la répulsion de beaucoup de croyants musulmans qui vont se sentir blessés dans leur foi et qui vont chercher des moyens d'exprimer leur mécontentement."
La droite défend la liberté d'expression
Côté politique, à l'UMP aussi on dénonce une "provocation inutile", à l'instar de Brice Hortefeux. Mais l'ancien ministre de l'Intérieur a déclaré sur BFMTV qu'il "préfère les excès des caricatures aux excès des censures". Et si Rama Yade juge que "c'est la une de trop", l'ancienne ministre affirme aussi, sur i-Télé, que la liberté de la presse est un "droit inébranlable".
D'autres voix s'élèvent à droite pour défendre Charlie Hebdo. François Fillon se dit "pour la liberté d'expression totale". Le candidat à la présidence de l'UMP condamne les violentes manifestations islamistes : une "régression par rapport à l'état de la civilisation", selon lui. Et l'ancien Premier ministre d'affirmer sur Canal + : "Je défends Charlie Hebdo, je défends la liberté d'expression et je pense qu'on ne doit pas céder un pouce de terrain dans ce domaine-là."
Une position adoptée également par Marine Le Pen. Sur France 2, la présidente du Front national critique les "reculades" de la classe politique face à des musulmans qui lui imposent "des bras de fer", alors que la liberté "n'est pas négociable". Elle rappelle toutefois que "par principe", elle "déplore tout ce qui peut heurter les croyances, la foi".
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