Bande de Gaza : "Arrêter les activités de l'Unrwa, c'est signer un arrêt de mort pour une population qui est déjà en manque de tout", dénonce Médecins du monde
La fin des activités de l'Unrwa (ONU) "va accentuer les conditions de vie déplorables" des Palestiniens, a estimé Jean-François Corty, président de Médecins du monde, mercredi 20 novembre sur franceinfo. L'interdiction de l'agence de l'ONU, votée par le Parlement israélien le 28 octobre, doit entrer en vigueur fin janvier. "Il n'y a pas de plan B" au sein de l'ONU, avait déjà assuré Philippe Lazzarini, commissaire général de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, en conférence de presse à Genève lundi 18 novembre.
franceinfo : Quelles seraient, selon vous, les conséquences très concrètes de la fin du travail de l'Unrwa, notamment dans la bande de Gaza ?
Jean-François Corty : C'est une situation catastrophique. Cette nouvelle va accentuer les conditions de vie déplorables des personnes qui habitent et qui survivent aujourd'hui dans Gaza. L'Unrwa, c'est une agence qui couvre les besoins pour les réfugiés palestiniens à Gaza, mais aussi en Cisjordanie, au Liban, en Syrie… L'Unrwa s'occupe de centres de santé, de centaines d'écoles.
"Ils arrivaient à travailler dans certaines aires où les autres acteurs humanitaires n'arrivent pas à travailler, notamment dans le nord de la bande de Gaza".
Jean-François Corty, président de Médecins du mondeà franceinfo
Arrêter les activités de l'Unrwa ou les empêcher, c'est vraiment signer un arrêt de mort pour une population qui est déjà en manque de tout.
Ça veut dire que ce travail, les autres ONG, dont la vôtre effectivement, ne pourraient pas le compenser ?
Aujourd'hui, l'aide humanitaire est largement sous-proportionnée par rapport aux besoins à Gaza. Depuis le début octobre, il n'y a pratiquement plus d'aide qui rentre dans le Nord pour couvrir les besoins de près de 300 000 personnes. Dans le Sud, les opérations, notamment menées par Médecins du monde, se concentrent sur Deir al-Balah, où il y a environ un million de personnes qui vivent sous des tentes, qui cherchent à manger et à boire. On travaille dans des conditions extrêmement difficiles. On n'arrive pas à faire entrer tout le matériel et les médicaments nécessaires pour répondre aux besoins.
L'aide est largement sous-proportionnée de manière intentionnelle, bloquée par les autorités israéliennes. Nous sommes aussi en difficulté du fait des bombardements. Les associations comme Médecins du monde ont énormément de mal à travailler, ne peuvent pas couvrir l'entièreté de ces besoins. Aujourd'hui, on a une population qui est exsangue et l'Unrwa était un moyen de répondre aux besoins d'une population en survie. Cette stratégie qui vise à arrêter les opérations de l'Unrwa sous pression israélienne, c'est un autre moyen de faire la guerre et d'accentuer très clairement la dynamique d'anéantissement qu'on est en train d'observer, notamment au nord de la bande de Gaza.
Israël accuse certains employés de l'Unrwa d'avoir participé à l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023. Est-ce que vous en voulez à Israël d'avoir cette réaction ou est-ce que finalement, c'était relativement prévisible ?
Cette réaction relève d'une punition collective pour toute une population, deux millions de personnes qui sont aujourd'hui en train de mourir de faim, de soif et de défaut de soins. Il est mis en avant la possibilité qu'une dizaine d'acteurs de l'Unrwa aient contribué aux atrocités du 7 octobre 2023, ce qui est en soi inacceptable évidemment, et qu'il faut dénoncer. Mais l'Unrwa, c'est 30 000 personnes qui travaillent sur différents territoires, c'est au moins 10 000 personnes qui travaillent à Gaza. Vous ne pouvez pas condamner une institution qui sauve des vies aujourd'hui et qui permet à deux millions de personnes de survivre, alors même qu'il y a quelques éléments qui, si c'est confirmé, seront jugés pour les atrocités qu'ils ont faites.
Quelle est la situation à Gaza et comment les choses peuvent évoluer aujourd'hui ?
Les Nations unies ont rappelé qu'on était dans une violence qui était caractéristique du crime de génocide. On sait qu'il y a près de 70 % de femmes et d'enfants qui ont été tués parmi les 43 000 personnes mortes depuis un an. Donc, les autorités et les gouvernements internationaux doivent mettre la pression pour un cessez-le-feu, pour que l'aide humanitaire rentre et inonde le territoire. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Et si l'Unrwa arrête de travailler, c'est la mort certaine pour des centaines de milliers de personnes. Il faut que nous soyons conscients de cette réalité.
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