: Reportage "Si tu parles de la paix, tu es un terroriste" : 30 ans après le prix de Nobel du trio Arafat-Rabin-Perez, les pacifistes sont de plus en plus isolés en Israël

Comment parler de paix dans un pays qui s’enfonce dans la guerre ? Le discours des Israéliens partisans d’une paix négociée avec les Palestiniens est quasiment inaudible. Rencontre avec un couple de militants pacifistes israéliens. Elle est juive, il est arabe.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Orna et Fouad, un couple de militants pacifistes israéliens. Elle est juive. Il est arabe. (JEROME JADOT / RADIO FRANCE)

"Shalom", ce mot qui veut dire "paix" en hébreu est plus difficile à prononcer désormais pour Orna et Fouad. Elle est juive, il est arabe. Tous deux Israéliens, ils militent pour la paix depuis 40 ans. Mais depuis les attaques du 7-Octobre il y a un an, qui ont fait plus de 1 200 morts, ils ont mis leur discours en sourdine. "Si tu parles de la paix ou des enfants de Gaza, tu es un terroriste, explique Fouad. Tu es avec le Hamas, tu es contre l’État d’Israël. Donc, on se tait."

Orna et Fouad se sont rencontrés à un atelier pacifiste au début de la première Intifada, en 1987. Mariés l’année des accords d’Oslo en 1993 et l'attribution du prix Nobel de la Paix au trio Arafat-Rabin-Perez, la femme de théâtre et le docteur en biologie expriment leur nostalgie de cette période. "On avait beaucoup d’espoir, se souvient Fouad. Et ils ont réussi avec l’assassinat de Rabin en 1995."

"Ce n’est pas Rabin qui a été assassiné. C’est le processus de paix qui a été assassiné."

Fouad, un arabe israélien, militant pacifiste

à franceinfo

Fouad redoute aussi des cassures au sein de la société israélienne. Ses pauses au ministère de la Santé sont désormais silencieuses. Selon lui, le mot paix est évincé des discours politiques, y compris à gauche, et la jeunesse est de plus en plus tournée vers l’extrême droite. Ce mois-ci, deux attentats ont été commis par des arabes israéliens. Et s’il continue à manifester pour la paix, c’est sans illusion. "Je suis désespéré", avoue-t-il.

"Contre la guerre et pas antisémite"

Même dans le milieu culturel, c’est compliqué de dire qu’il faut parler à ses ennemis, ajoute Orna, qui est autrice. "L’ennemi ici, c’est le Hamas. Il faut aussi parler avec le Hezbollah. Essayons de négocier, invite-t-elle. Ne gâchons pas toutes ces vies, y compris celles des soldats". Orna milite encore via ses pièces de théâtre et en se rendant à l’étranger. "Peut-être que la pression extérieure apportera du changement en Israël, espère-t-elle. Il faut aussi changer l’ambiance actuelle, où tout pro-Palestinien est considéré comme antisémite. Nous montrons qu’on peut être pro-Palestinien, pro-Israélien, contre la guerre et pas antisémite".

Mais à moyen terme, Orna et Fouad ne voient plus de lueur d’espoir. Ils ont encouragé leur fille à quitter Israël, ses sirènes et ses attentats. Elle vit en Allemagne depuis un mois.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.