Attaque du Hamas contre Israël : qu'est-ce que la "directive Hannibal", que pourrait utiliser l'armée israélienne ?

Le bras de fer est engagé entre Israël et le Hamas autour du sort de la centaine d'otages détenus à Gaza. Parmi les options de l'armée israélienne, la "directive Hannibal", un protocole secret visant à ne pas négocier avec l'ennemi.
Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
En riposte à l'attaque du Hamas, Israël bombarde Gaza, le 9 octobre 2023. (MAHMUD HAMS / AFP)

Comment libérer la centaine d'otages détenus par le Hamas sans risquer une escalade encore plus sanglante à Gaza ? Ce dilemme est resté sans réponse dans l'allocution de Benyamin Nétanyahou, lundi 9 octobre. Le Premier ministre israélien a promis une attaque "massive" contre le Hamas avec une "force inédite" qui laisse présager la méthode dure face au Hamas. De son côté, le mouvement islamiste palestinien a prévenu qu'un otage sera exécuté à chaque bombardement de Gaza sans préavis.

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L'armée israélienne, qui s'efforce aussi de libérer les otages, a dans son arsenal la "directive Hannibal". Un protocole secret qui existe depuis les années 80 pour régler les prises d'otages de soldats et hauts gradés militaires israéliens. Renaud Girard, grand reporter et chroniqueur international, a couvert le conflit israélo-palestinien et suivi l'armée israélienne : ce sont des soldats de Tsahal qui lui ont parlé de cette directive Hannibal.

"Ne rien céder, ne pas négocier pour récupérer le soldat"

"On ne donne rien au preneur d'otages, on ne parle pas avec lui, on essaye de le tuer. Même si ça fait courir un risque à la vie des otages détenus par ce terroriste", résume ainsi Renaud Girard. Avant de rappeler : "Hannibal est ce grand chef carthaginois qui s'est suicidé plutôt que de se rendre aux Romains. Voilà ce que cette procédure signifie pour l'armée israélienne : on ne négocie pas, on ne cède rien à l'ennemi, on met tous les moyens contre lui".

Bien que secrète, on sait que cette directive a été éprouvée par le passé dans l'armée israélienne. "La directive Hannibal a été mise en place par l'armée israélienne en 1986 lorsque de deux de ces soldats sont pris en otage par le Hezbollah dans le sud du Liban", rappelle le grand reporter.

Depuis, la procédure est employée à plusieurs reprises, selon Renaud Girard, notamment en 2014 lors de la disparition du soldat Hadar Goldin à Rafah dans le sud de Gaza. "L'armée a bombardé Gaza à mort, se souvient le grand reporter, sans rien céder, sans négocier pour récupérer le soldat". L'idée, précise-t-il à franceinfo, est donc de ne pas donner de monnaie d'échange, de se préserver de négociations en vue de possibles libérations de prisonniers palestiniens. Cela avait été le cas pour la libération du soldat GIlad Shalit en 2011 après cinq ans de captivité contre plus d'un millier de prisonniers palestiniens. "En 2017, la procédure Hannibal, a été un peu assouplie, souligne Renaud Girard. Désormais, l'État-major des armées est plus vigilant à ne pas être rattrapé par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre".

"Effet de surprise"

"Il est probable que cette procédure Hannibal va être appliquée dans les prochains jours à Gaza", estime Renaud Girard. "Mais il y aura quand même une attention portée par Tsahal dans la précision des tirs et dans la vérification des cibles visées, nuance-t-il, pour ne pas risquer une inculpation par la Cour pénale internationale." Tout ceci risque de rester secret, car "le gouvernement israélien veut ménager un effet de surprise et ne va pas dévoiler sa stratégie à son ennemi."

"Pour libérer tous les otages, il est vraisemblable que le Hamas réclame la libération de l'intégralité de ses prisonniers."

Renaud Girard, grand reporter

à franceinfo

"Environ 4 000 Palestiniens sont prisonniers en Israël", selon le grand reporter. Et le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a ainsi déclaré dès samedi que le but de l'opération "déluge d'Al-Aqsa" était de libérer "[leur] terre, leurs sites sacrés, [leur mosquée] Al-Aqsa et [leurs] prisonniers".

Le mouvement islamiste palestinien "compte" sur les otages "pour faire durer la guerre", estime Dominique Trinquand, ex-chef militaire français. "Des pourparlers pourraient durer longtemps, abonde Renaud Girard. Mais aujourd'hui, il semble que le gouvernement israélien soit dans un processus de dureté, de riposte musclée. Il n'entend pas céder aux exigences éventuelles du Hamas", conclut le grand reporter. 

Sur franceinfo, mardi 10 octobre, le général Dominique Trinquand l'affirme toutefois : le sort des otages aux mains du Hamas est dramatiquement scellé, car Israël veut en finir au plus vite et n'entend pas perdre du temps à négocier le sort des otages : "Pour les autorités israéliennes, la négociation pour des otages signifie prolonger la discussion avec le Hamas pendant des mois. Or, les Israéliens ne le veulent plus. Et d'une certaine façon, pour eux, les otages sont déjà morts."

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