"Avec mes enfants, nous avons dormi dehors" : en Cisjordanie, l'armée israélienne multiplie les destructions de campements bédouins
Pour la troisième fois en trois mois, des soldats israéliens ont rasé mercredi les abris de fortunes de familles installées dans une zone montagneuse de la vallée du Jourdain. Une opération dénoncée par le Premier ministre palestinien mais aussi par des diplomates européens venus sur place.
Une délégation de diplomates européens, dont des représentants de la France, s'est rendue jeudi 4 février à Khumsa al-Baqa dans un secteur de Cisjordanie occupé par Israël. Ils sont venus dénoncer officiellement la destruction, la veille, d'un campement bédouin par l'armée israélienne. C'est la troisième intervention de ce genre en trois mois dans cette zone montagneuse de la vallée du Jourdain où s'est rendu franceinfo.
L'Armée veut transformer les montagnes en champ de tir
Les hommes rassemblent les toits de tôle tombés à terre quand les femmes s'occupent des enfants sous des tentes de fortunes installées en urgence par des humanitaires. Au sol, des cendres de feux de camp, des ustensiles de cuisine et des bidons. Des tapis de prière sèchent sur un fil. Avant hier les soldats et leurs pelleteuses ont rasé le campement. "Je suis berger, j'ai 31 ans, je suis né sur cette terre et j'ai toujours été là", témoigne Nidham Abu Lekbach, qui vit ici avec sa famille de 15 personnes dont cinq enfants.
"L'armée est arrivée à 8 heures du matin pour détruire nos tentes, l'autorité palestinienne nous en a redonné de nouvelles et l'armée est revenue pour les détruire à nouveau."
Nidham Abu Lekbach, habitant du campement de Khumsa al-Baqaà franceinfo
Des soldats sont toujours là, à une cinquantaine de mètres, une dizaine d‘entre eux surveillent la scène. L'armée occupe le secteur, elle veut transformer ces montagnes en champ de tir. Les Bédouins habitent donc ce territoire illégalement nous écrit son porte-parole. Mais Aïcha Abu Aawad se sent ici comme chez elle : "À chaque fois que nous reconstruisons nos maisons, les Israéliens viennent et nous les détruisent de nouveau. C’est la troisième fois en trois mois qu’ils détruisent nos habitations. Ces deux dernières nuits, avec mes enfants, nous avons dormi dehors, raconte cette mère de famille. Et en ce moment le temps est pluvieux. Que dieu nous vienne en aide. Mais on ne bougera pas d’ici, c’est notre terre, nous devons la protéger. Elle n’appartient pas aux juifs."
Le Premier ministre palestinien s'est rendu sur place
Un attroupement et bientôt une cohue. Seuls les poules, les ânes et les moutons restent indifférents. Signe de la gravité de l'événement, le Premier ministre palestinien a fait la route jusqu'ici. Les opérations de ce genre se multiplient : 73% en un an selon des sources diplomatiques. C'est délibéré explique Mohamed Shtayyeh : "Israël va bientôt voter. On assiste à une compétition : qui prendra le plus de terres ? Qui dépossédera le plus de Palestiniens ? Qui déplacera plus et plus de Palestiniens encore ? J'appelle la communauté internationale à nous fournir une vraie protection. On veut une action véritable sur le terrain !"
Le Premier ministre israélien, les diplomates et les journalistes s'en vont en un cortège de 4x4. Le vent d'orage soulève les tentes. Une soixantaine de personnes dont la moitié d'enfants dormiront dans une humidité glaciale.
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