Cartes Guerre à Gaza : visualisez où en est le conflit dans l'enclave palestinienne

Article rédigé par Pierre-Louis Caron, Pauline Paillassa
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Un homme regarde la fumée s'élever d'un immeuble bombarbé à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 10 mai 2024. (AFP)
Alors que l'armée israélienne déploie ses troupes dans le sud du territoire, où plus d'un million de personnes sont réfugiées, les ONG craignent un nouvel exode massif.

Une nouvelle étape dans la guerre qui ravage la bande de Gaza. Depuis mardi 7 mai, des chars de l'armée israélienne sont postés à Rafah, dans le sud de l'enclave, également ciblée par d'intenses bombardements. Après avoir pris le contrôle du côté gazaoui du poste-frontière de la ville, point de passage vers l'Egypte, Israël semble ainsi concrétiser l'assaut de grande ampleur annoncé depuis plusieurs semaines, dans cette zone où s'entassent environ 1,4 million de personnes, selon l'ONU.

Un peu plus d'un mois après le "retrait tactique", le 7 avril, de ses troupes postées à Khan Younès, l'armée israélienne veut se repositionner autour de quelques points névralgiques. Mais lesquels exactement ? Et avec quelles conséquences pour les populations de l'enclave, déjà déplacées à plusieurs reprises vers des zones de plus en plus restreintes ? Au travers de trois cartes, franceinfo fait le point sur la guerre menée par l'armée israélienne dans la bande de Gaza, qui entre dans son huitième mois. 

1 Les soldats israéliens déployés dans le centre et le sud de la bande de Gaza

Après avoir lancé une opération terrestre "étendue" dans l'enclave palestinienne le 27 octobre 2023, en représailles à l'attaque terroriste perpétrée trois semaines plus tôt par le Hamas, l'armée israélienne a progressivement retiré une partie de ses troupes, composées en grande majorité de réservistes. Début avril, elle a fait savoir que ses missions avaient été "accomplies" à Khan Younès, avant d'ordonner à ses soldats de quitter la zone. Mais les Israéliens n'ont pas quitté Gaza pour autant.

La brigade d'infanterie Nahal et la 162e division blindée ont reçu l'ordre de rester stationnées dans l'enclave palestinienne. Cette dernière unité a pris le contrôle du point de passage de Rafah, entre l'enclave et l'Egypte, le 7 mai. Selon le compte Telegram de l'armée israélienne, la 401e brigade blindée a aussi pris part à cet assaut et mène depuis des incursions dans l'est de Rafah.

Après avoir envahi plusieurs zones de la bande de Gaza, l'armée israélienne recentre ses troupes dans le Nord et le Sud. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

Le reste des troupes au sol se concentre plus au nord, le long de la route 749, aussi appelée corridor de Netzarim. Cette ligne de démarcation au sud de Gaza-Ville a été spécialement créée par l'armée israélienne pour couper le territoire en deux. Elle tient son nom d'une ancienne colonie israélienne démantelée en 2005 et croise les deux principaux axes routiers de Gaza, créant ainsi un carrefour stratégique.

Depuis le corridor de Netzarim, actuellement géré par la 99e division d'infanterie, l'armée israélienne déclare mener des "raids ciblés et des embuscades" dans le nord et le centre de la bande de Gaza. Sur Telegram, elle dit avoir lancé ces dernières semaines des opérations dans toutes les directions : à Al-Chati et Zeytoun (nord), à Nuseirat (centre), à l'hôpital al-Shifa de Gaza-Ville... La présence militaire dans ces zones est aussi trahie par un autre élément : plusieurs soldats israéliens y ont récemment été tués, comme l'annonce l'armée sur sa page dédiée.

2 Des destructions massives et une "zone tampon" large d'un kilomètre

Après plus de 200 jours de conflit armé, un tiers de la bande de Gaza est en ruines. Le nord du territoire a été le premier touché, avant que les bombardements ne se multiplient, dès novembre 2023, dans le sud, à Khan Younès notamment, tuant de nombreux civils qui avaient alors quitté la ville de Gaza. Fin mars, l'Unosat, le service de cartographie satellite des Nations unies, estimait que 35% des bâtiments de l'enclave avaient été endommagés ou détruits.

Selon les données de l'Unosat, 90% des batiments situés dans la "zone tampon" sont partiellement ou totalement rasés. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

Une bonne partie de ces édifices détruits se situent à la frontière avec Israël, sur une bande profonde d'environ un kilomètre dans le territoire palestinien. Dans un relevé publié en février, l'Unosat soulignait que près de 90% des bâtiments situés dans cette "zone tampon" étaient d'ailleurs partiellement ou totalement rasés. Selon l'armée israélienne, cette bande a été créée dans un but défensif. "C'est pour stopper une attaque terroriste, rien d'autre. Ça donne du temps et de l'espace pour espérer empêcher ce type d'attaque", expliquait en avril à franceinfo Miri Eisin, colonel de réserve de l'armée israélienne.

La création de ce no man's land à grand renfort de bombes et de bulldozers est toutefois très critiquée par la communauté internationale. Il s'agit même d'un "possible crime de guerre", comme le déclarait en février le Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations unies, Volker Türk, estimant que cette opération "a pour but ou pour effet de rendre impossible le retour des civils dans ces zones".

3Une troisième vague d'évacuation pour plus d'un million de personnes

Au huitième mois du conflit à Gaza, la grande majorité des quelque 2,3 millions d'habitants de l'enclave palestinienne ont dû fuir leur domicile, puis leur abri, à plusieurs reprises. Le 13 octobre 2023, au tout début de son opération "Epées de fer", l'armée israélienne a sommé les résidents du Nord de partir vers le Sud, au-delà du Wadi Gaza, une rivière qui marque la limite de Gaza-Ville. Beaucoup ont emprunté la route côtière al-Rashid pour se réfugier à Khan Younès, alors désignée comme "zone plus sûre" par l'armée israélienne.

Les 1er et 2 décembre, un second ordre d'évacuation a été donné concernant le gouvernorat de Khan Younès. Des centaines de milliers de personnes ont alors fui vers Rafah, dernière ville du Sud avant la frontière avec l'Egypte. Au total, 1,4 million de personnes s'y entassaient début mai, selon l'ONU. Lundi, l'armée israélienne a finalement ordonné à une partie des habitants et des déplacés de quitter la zone, via des SMS et des milliers de tracts largués par avion.

Environ 1,4 million de personnes fuyant les bombardements étaient regroupées début mai 2024 à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

En l'espace de quelques jours, plus de 100 000 personnes ont fui Rafah, comme l'a déclaré vendredi Georgios Petropoulos, responsable du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha) pour Gaza. Dans son ordre d'évacuation, l'armée israélienne invite les populations à rejoindre une "zone de services humanitaires", située le long de la côte entre le village d'Al-Mawasi et la ville de Deir al-Balah. 

Comme l'a relevé la BBC grâce à des images satellite, l'armée israélienne érige depuis fin avril un village de tentes dans cette zone. "Il ne suffit pas de poser des tentes. A côté, il faut tout un service d'assainissement, d'eau, de santé", alertait début mai Philippe Bonnet, directeur des urgences pour Solidarités International. L'inquiétude des ONG est d'autant plus vive que les postes-frontières de Rafah et de Kerem Shalom ne permettent plus de laisser passer l'aide humanitaire dans le Sud. Même si le second a rouvert mercredi, l'acheminement reste "extrêmement difficile", déplorait jeudi soir dans un entretien à l'AFP Andrea De Domenico, chef de l'Ocha dans les territoires palestiniens occupés.

Alors que les négociations se poursuivent difficilement entre Israël et le Hamas, la fin des combats à Gaza reste une perspective lointaine. "Même après nous être occupés de Rafah, il y aura du terrorisme", a déclaré le porte-parole de l'armée israélienne, Daniel Hagari, cité par Haaretz. "Le Hamas se déplacera vers le Nord et se regroupera. Nous reviendrons et opérerons partout où cela se produira", a-t-il assuré.

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