Conflit au Proche-Orient : "Le grand vainqueur pour l'instant, pour moi, c'est l'Iran", analyse Jean-Yves Le Drian
Après 47 jours de guerre entre Israël et le Hamas, dont l'attaque terroriste le 7 octobre a provoqué la mort d'au moins 1 400 israéliens, et alors qu'un accord a été conclu entre les deux parties mercredi 22 novembre pour la mise en place d'une trêve de quatre jours et la libération d'otages contre des prisonniers palestiniens, "le grand vainqueur pour l'instant, pour moi, c'est l'Iran", estime l'ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, invité de franceinfo.
Pour l'ancien ministre, la "hantise" de Téhéran, "c'est la force que peut représenter l'Arabie saoudite", ennemi de l'Iran. Le régime craignait qu'une "réorganisation régionale" au Proche-Orient, à travers le rapprochement qui était engagé entre Ryad et Israël et qui est suspendu depuis l'attaque du Hamas, ne se fasse "à son détriment". Donc, selon Jean-Yves Le Drian, le drame du 7 octobre "sert l'Iran" : "Le grand vainqueur pour l'instant, pour moi, c'est l'Iran. Parce que l'opération, le massacre initié par le Hamas, a d'abord permis d'éviter la normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël. C'était sans doute le premier but recherché."
Par ailleurs, "l'Iran part vainqueur de la situation parce que la question palestinienne est revenue au centre et il s'en fait le porte-parole. Il s'en fait leader. Il s'en fait le défenseur. Et il montre qu'il n'y a pas d'invulnérabilité d'Israël aujourd'hui (...) et que l'action violente paye." Sans oublier le fait que la communauté internationale détourne ainsi son regard de la situation intérieure en Iran : "Pendant ce temps-là, ils poursuivent leurs efforts de renforcement de leurs possibilités nucléaires et ils poursuivent leurs efforts en matière de technologie des missiles. Ils poursuivent leurs efforts dans le spatial. Bref, pendant ce temps-là, l'Iran continue à asseoir son autorité."
Jean-Yves Le Drian, qui occupe aujourd'hui la fonction d'envoyé spécial d'Emmanuel Macron pour le Liban, s'inquiète aussi de la situation au nord d'Israël avec la menace du Hezbollah, soutien du Hamas. "On voit les tensions s'accroître au Sud-Liban avec des échanges de tirs, avec des dizaines de morts dont on parle peu, y compris deux de vos collègues qui ont été tués hier au Sud-Liban", des journalistes de la chaîne de télévision Al Mayadeen qui couvraient les bombardements israéliens dans la région.
"Les déclarations du leader [Hassan] Nasrallah du Hezbollah montrent qu'il n'a sans doute pas envie d'aller trop loin. Mais il faudrait que personne n'aille trop loin et les risques, si la tension se poursuit, c'est qu'il y ait des incidents qui ne puissent plus être maîtrisés, et à ce moment-là, une déflagration qui toucherait le Liban lui-même. Je pense qu'il peut y avoir des étincelles qui provoquent des embrasement plus grands", estime l'ancien ministre.
D'autant que le "pays est au bord de la guerre" au moment où il subit une crise politique majeure depuis plusieurs années, "il n'y a pas de président de la République, il n'y a pas de Premier ministre, puisqu'il ne fait que gérer les affaires courantes. Le gouvernement ne se réunit pas et l'Assemblée ne se réunit pas. (...) Qui commande le Liban ? Personne. Donc il est urgent que les Libanais prennent conscience qu'il en va de la vitalité de leur propre État."
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