Pourquoi le bombardement israélien meurtrier sur un camp de réfugiés à Rafah déclenche une vague de condamnations sans précédent

Cette frappe a eu lieu dimanche alors que la pression internationale sur l'Etat hébreu s'est encore intensifiée. La Cour internationale de justice avait ordonné vendredi à Tel-Aviv de suspendre ses opérations militaires dans cette ville frontalière de l'Egypte, où près d'un million de personnes se sont réfugiées.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un Palestinien sous une tente dévastée du camp de déplacés pris pour cible par l'armée israélienne à Rafah, dans la bande de Gaza, le 28 mai 2024. (HANI ALSHAER / ANADOLU / AFP)

Un bombardement qui indigne la communauté internationale. La frappe de l'armée israélienne contre un camp de réfugiés palestiniens à Rafah, dans la bande de Gaza, dimanche 26 mai, expose Israël à des critiques et condamnations quasiment unanimes. Le lourd bilan (45 morts et près de 250 blessés, selon le ministère de la Santé du Hamas), qui concerne essentiellement des civils qui avaient fui les combats, mais également la violence des images qui font le tour du monde, suscitent de très nombreuses réactions. Une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU a été convoquée mardi.

Dans un message publié dimanche, sur le réseau social X, l'armée israélienne a reconnu que l'un de ses avions a bien frappé un centre de déplacés à Rafah, présenté par Tsahal comme "un complexe du Hamas", tuant deux responsables du mouvement palestinien.

Des images qui ont choqué le monde entier

Quelques minutes après le bombardement, des vidéos ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. On y voit des flammes s'élever de carcasses de voitures, en pleine nuit. Des survivants tentent de contenir sa propagation aux abris de fortune, pendant qu'un ballet d'ambulances se succèdent. Au sol, gisent des corps carbonisés et parfois démembrés. "La fille de mon cousin, une enfant de 13 ans tout au plus, fait partie des 'martyrs'. Ses traits étaient méconnaissables, car les éclats d'obus lui ont arraché le visage", a témoigné auprès de l'AFP Mohammad Hamad, 24 ans.

Ces scènes d'horreur ont suscité une vive émotion au sein de la communauté internationale. Sur X, Emmanuel Macron s'est dit mardi "indigné" et a estimé que "ces opérations [israéliennes] doivent cesser". Depuis Bruxelles, le haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, s'est lui dit "horrifié". Outre-Atlantique, la Maison Blanche, principal soutien de Tel-Aviv, s'est dite "bouleversée" par ces images.

Des victimes civiles qui avaient fui les combats

Plusieurs ONG, dont le Croissant-Rouge palestinien, ont assuré que l'armée israélienne avait ciblé un camp situé dans la "zone humanitaire" décrétée par Israël, dans laquelle les civils sont censés être protégés. Depuis le début de l'offensive de l'Etat hébreu à Gaza, l'armée israélienne a compartimenté le territoire gazaoui en zones numérotées, notamment pour alerter la population sur les zones à évacuer. La frappe de dimanche soir et l'incendie qui a suivi se sont produits dans une zone qui se trouve en dehors – mais à proximité – de l'espace humanitaire désigné comme sûr.

Toutefois, comme le relève Libération, le lieu frappé ne faisait pas partie des zones dont l'armée avait ordonné l'évacuation. Ce camp était composé de nombreux abris et tentes installés non loin d'entrepôts de l'Unrwa, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens.

Interrogé par l'AFP, Abou Mohammad, un civil, explique avoir été surpris par ce bombardement. Ce Gazaoui avait fui un quartier de Rafah en raison de l'ordre d'évacuation délivré le 6 mai par l'armée israélienne à l'aide de tracts. "Nous avons obtempéré et sommes venus ici. Et malgré cela, hier [dimanche], au moment où je dînais, au coucher du soleil, j'ai soudain ressenti comme un tremblement de terre."

Dans un communiqué publié lundi sur X, la présidence de l'Autorité palestinienne a accusé Israël d'avoir délibérément ciblé ce camp de déplacés. "Il n'y a pas de loi interdisant les attaques contre les civils qu'Israël respecterait, il n'y a pas de langage exigeant un cessez-le-feu qu'Israël prendrait en compte, affirme la présidence. Au lieu de cela, il [Israël] continue d'agir comme un Etat au-dessus de la loi, violant de manière flagrante toutes les règles de droit, toutes les valeurs morales de l'humanité."  Mardi, l'armée israélienne a au contraire affirmé que ses munitions ne pouvaient pas avoir "à elles seules" provoqué l'incendie meutrier.

Une opération menée malgré les mises en garde de la communauté internationale

Avant le lancement de l'opération israélienne à Rafah, début mai, la communauté internationale avait alerté pendant des semaines sur les risques qu'elle ferait encourir aux populations civiles. La ville, frontalière de l'Egypte au sud de l'enclave palestinienne, accueillait au début du mois environ 1,2 millions de personnes – pour la plupart des réfugiés venant d'autres villes de la bande de Gaza – contre 250 000 avant le 7 octobre. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avait ainsi mis en garde Israël le 10 mai sur le fait qu'une offensive terrestre à Rafah conduirait à une "catastrophe humanitaire colossale".

La Cour internationale de justice (CIJ) avait également ordonné vendredi à Israël de stopper "immédiatement" ses opérations militaires à Rafah, une injonction que l'Etat hébreu n'a pas respectée.

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