Ismaïl Haniyeh tué à Téhéran : ce que l'on sait de la mort du chef du Hamas dans une frappe attribuée à Israël

Le sexagénaire avait été élu chef du bureau politique du Hamas en 2017 pour succéder à Khaled Mechaal, en exil au Qatar. Depuis l'attaque du 7 octobre, il était dans le viseur de l'Etat hébreu.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas, à Doha (Qatar), le 13 février 2024. (IRANIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)

Il vivait en exil volontaire entre le Qatar et la Turquie mais c'est à Téhéran, en Iran, que le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, 61 ans, a été tué par une frappe imputée à Israël, a annoncé le mouvement islamiste palestinien mercredi 31 juillet. Cet "assassinat" survient dans le contexte de la guerre dévastatrice entre Israël et le Hamas à Gaza, qui a aussi ravivé les tensions entre l'Etat hébreu et le Liban, où opère le Hezbollah. La veille, l'armée israélienne avait ainsi revendiqué l'élimination, dans une frappe menée près de Beyrouth, d'un haut responsable militaire de ce mouvement chiite soutenu par l'Iran, en représailles au tir d'une roquette ayant fait douze morts sur le plateau du Golan. Alors que les craintes d'un conflit généralisé dans la région sont de plus en plus vives, voici ce que l'on sait des circonstances de la mort d'Ismaïl Haniyeh. 

Un "ciblage direct" à Téhéran après l'investiture du nouveau président iranien

Le sexagénaire se trouvait à Téhéran pour assister, mardi, à la prestation de serment du nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian, devant le Parlement. Pour rappel, l'Iran, allié du Hamas, ne reconnaît pas l'Etat israélien et a fait du soutien à la cause palestinienne un élément central de sa politique étrangère depuis la Révolution islamique de 1979.

"[Notre] frère, le dirigeant, le mujahid Ismaïl Haniyeh, le chef du mouvement, est mort dans une frappe sioniste contre son quartier général à Téhéran après sa participation à l'investiture du nouveau président" iranien, a écrit le Hamas dans un communiqué. Un peu plus tard, un haut responsable du mouvement, Taher al-Nounou, a déclaré qu'il s'agissait d'un "ciblage direct" d'Ismaïl Haniyeh dans sa résidence de la capitale iranienne. "Le mode opératoire [de l'assassinat] sera déterminé par nos homologues iraniens qui mènent des enquêtes", a-t-il ajouté.

Les Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique iranienne, ont confirmé pour leur part sur leur site d'information Sepah que "la résidence d'Ismaïl Haniyeh, chef du bureau politique de la résistance islamique du Hamas, a été touchée à Téhéran, et (...) lui et l'un de ses gardes du corps sont morts en martyrs". Ils ont annoncé l'ouverture d'une enquête, et le pays a décrété mercredi trois jours de deuil national

Pas de revendication officielle de la part d'Israël 

En riposte à l'attaque sans précédent du 7 octobre, menée par le Hamas, Israël a juré de poursuivre la guerre jusqu'à la destruction totale du mouvement islamiste, au pouvoir depuis 2007 dans la bande de Gaza. Si l'armée israélienne n'a fait aucun commentaire sur la mort d'Ismaïl Haniyeh, tous les regards se tournent vers l'Etat hébreu, qui a tué ces derniers mois de nombreux membres de sa famille. En juin, la Défense civile palestinienne avait annoncé la mort de dix d'entre eux, dont Zahr Haniyeh, sa sœur, dans un raid sur le camp de réfugiés Chati. En avril, ce sont trois fils et quatre petits-enfants d'Ismaïl Haniyeh qui avaient péri dans une frappe survenue dans ce même camp. Ismaïl Haniyeh avait alors déclaré qu'environ 60 membres de sa famille avaient été tués depuis le début de la guerre.

L'un de ses fils encore en vie, Abdoul Salam Ismaïl Haniyeh, a estimé que son père avait "obtenu ce qu'il voulait". "Nous sommes dans un état de révolution continue et de lutte contre l'occupation" israélienne des Territoires palestiniens, a-t-il réagi dans un communiqué. "La résistance ne prendra pas fin avec l'assassinat des dirigeants, et le Hamas continuera à résister jusqu'à la libération", a-t-il ajouté.

L'étau se resserrait ces derniers temps autour de ce leader, alors que d'autres chefs du Hamas ont été ciblés par Israël, dont Mohammed Deif, le responsable militaire du mouvement, et Rafa Salama, commandant à Khan Younès, tous deux présentés comme "cerveaux du massacre du 7 octobre". Si la mort de Rafa Salama a été confirmée par l'armée israélienne, celle de Mohammed Deif reste incertaine. Mardi soir, c'est un chef militaire du Hezbollah, soutien du Hamas, Fouad Chokr, qui a été tué par une frappe israélienne près de Beyrouth, au Liban.  

Ismaïl Haniyeh dirigeait le bureau politique du Hamas depuis 2017

Ismaïl Haniyeh, qui avait rejoint le Hamas en 1987, s'est fait connaître aux yeux du monde en 2006 en devenant Premier ministre de l'Autorité palestinienne après la victoire surprise du Hamas aux législatives. Après avoir pris la tête d'un gouvernement d'union, il s'était engagé à œuvrer à la création d'un Etat palestinien "en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec Jérusalem comme capitale", allant à contre-courant du discours officiel du Hamas qui, alors, ne reconnaissait pas ces frontières. Mais Ismaïl Haniyeh avait été démis de ses fonctions un an plus tard et c'est sous sa direction qu'avait éclaté, en 2007, la quasi-guerre civile entre le Hamas et l'Autorité palestinienne.

Dix ans plus tard, en 2017, ce natif du camp de réfugiés de Chati, l'un des plus pauvres de la bande de Gaza, a été élu chef du bureau politique du Hamas pour succéder à Khaled Mechaal, en exil au Qatar. Il s'est lui-même exilé volontairement en 2019 au Qatar et en Turquie. 

Sur des images diffusées par les médias du Hamas peu après le déclenchement de l'attaque du 7 octobre, on peut voir Ismaïl Haniyeh discuter sur un ton jubilatoire avec d'autres chefs du mouvement, dans son bureau à Doha, au Qatar, en train de regarder le reportage d'une chaîne arabe montrant des commandos du Hamas s'emparer de jeeps de l'armée israélienne. 

De vives condamnations dans le monde arabe et au-delà

Un responsable du bureau politique du Hamas a aussitôt prévenu que "l'assassinat" d'Ismaïl Haniyeh était "un acte lâche, qui ne restera pas sans réponse". Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a lui aussi condamné ce "lâche assassinat" et appelé les Palestiniens à rester unis. Même tonalité en Turquie, qui a dénoncé "l'ignoble assassinat" de ce proche du président turc Recep Tayyip Erdogan. Un haut responsable des houthis, qui contrôlent une bonne partie du Yémen, a de son côté parlé d'"un crime terroriste odieux"

Le Qatar, qui accueille la direction politique du Hamas et qui joue un rôle important dans les négociations en vue d'une trêve à Gaza, a condamné cet "assassinat" et mis en garde contre une "escalade dangereuse" dans la région. La Russie, dont l'Iran est l'un des principaux alliés, a également dénoncé cet "assassinat politique inacceptable". "Cela va aboutir à une escalade ultérieure des tensions", a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, à l'agence de presse publique RIA Novosti.

Disant condamner "le terrorisme sous toutes ses formes", le Pakistan a mis en garde contre "l'aventurisme israélien grandissant" dont "la dernière action constitue une escalade dangereuse dans une région instable". De son côté, le ministère irakien des Affaires étrangères a dénoncé une "violation flagrante du droit international". Cet assassinat "menace la sécurité et la stabilité de la région", a-t-il ajouté.

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