Yahya Sinwar, Mohammed Deif, Ismaïl Haniyeh... Qui sont les dirigeants du Hamas visés par l'armée israélienne ?
Près de trois mois après le début de la guerre provoquée par les attaques du 7 octobre, Israël a éliminé le premier responsable de haut rang du Hamas. Une frappe attribuée à Israël dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah pro-iranien, a tué Saleh al-Arouri ainsi qu'au moins six autres cadres du mouvement islamiste palestinien, mardi 2 janvier.
A l'automne, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, avait prévenu avoir donné ordre au Mossad, les services du renseignement extérieur israéliens, d'éliminer les chefs du Hamas "partout où ils se trouvent". "Leur vie est en sursis", avait ajouté le ministre de la Défense, Yoav Gallant. Outre le numéro 2 du bureau politique du Hamas, qui vivait en exil au Liban depuis plusieurs années, d'autres dirigeants sont traqués par Israël, dans la bande de Gaza ou à l'étranger.
Mohammed Deif, le "cerveau" de la stratégie militaire
Les médias israéliens le surnomment "tête de serpent". Mohammed Deif, cible numéro 1 d'Israël, est depuis plus de vingt ans le chef des brigades al-Qassam, la branche armée du Hamas. Le 7 octobre, c'est lui qui a annoncé le début de l'opération "déluge d'Al-Aqsa" depuis Gaza contre Israël, rappelle Le Monde. Un des rares portraits connus de lui est un visage sur une photo floue datant de son incarcération en Israël, en 1989.
Mohamed Deif (surnom signifiant "l'invité" en arabe) est né sous le nom de Mohammad Masri en 1965, dans le camp de réfugiés de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Etudiant en biologie à l'Université islamique de Gaza, il a été le chef de l'Union étudiante des Frères musulmans, mouvement autour duquel a été créé le Hamas en 1987.
Il serait l'homme qui a permis au Hamas d'être capable de lancer des missiles balistiques sur Tel-Aviv et de déployer des bataillons de combattants en Israël pour mener des attaques suicides ou des enlèvements, poursuit Le Monde. Israël estime également qu'il est l'origine des tunnels de Gaza.
Mohammed Deif a survécu à sept tentatives d'assassinat israéliennes, la plus récente remontant à 2021, relève Reuters. Lors de ces attaques, il aurait perdu un œil et aurait été grièvement blessé à une jambe. Il s'exprime rarement et n'apparaît jamais en public. "Le mouvement est heureux d'avoir ce symbole, ce chef militaire qui fait peur et dont on prend au sérieux chaque déclaration", analyse auprès du Monde Khaled al-Hroub, spécialiste du Hamas à la Northwestern University, au Qatar.
Le 20 décembre, l'armée israélienne a affirmé avoir découvert à Gaza un réseau de tunnels utilisé par "des hauts dirigeants" du Hamas, dont Mohammed Deif. Selon des images diffusées par Tsahal, ce réseau de tunnels reliait "des cachettes des terroristes, les bureaux et les appartements (...) appartenant aux hauts dirigeants du Hamas" dans l'enclave palestinienne.
Yahya Sinwar, le chef du mouvement islamiste à Gaza
Benyamin Nétanyahou le qualifie de "mort-vivant", selon le Financial Times. Yahya Sinwar est désigné comme l'un des planificateurs des attaques du 7 octobre. Connu sous le nom d'Abu Ibrahim, il est né en 1962 dans le camp de réfugiés de Khan Younès. Il a obtenu une licence en langue arabe à l'université islamique de Gaza, précise la BBC. Il est le fondateur du Majd, la police interne du Hamas, qui s'occupe des questions de sécurité intérieure et qui traque les agents du renseignement israélien.
Il est arrêté pour la première fois par Israël en 1982 pour des "activités islamiques". C'est à cette époque qu'il gagne la confiance du fondateur du Hamas, le cheikh Ahmed Yassine. En 1989, il est arrêté par le Shin Bet, le renseignement intérieur israélien, accusé d'avoir assassiné douze "collaborateurs" palestiniens, et est condamné à trente ans de prison en Israël, raconte Jeune Afrique. Il est incarcéré pendant vingt-deux ans avant d'être libéré en 2011, à la faveur d'un échange de prisonnier avec le soldat franco-israélien Gilad Shalit.
Micha Kobi, agent du Shin Bet, a eu l'occasion de l'interroger à plusieurs reprises durant sa détention. Il le décrit comme un homme "cruel" : "Il utilisait une machette, un couteau de boucher et il décapitait ses victimes", affirme-t-il à franceinfo. "C'est le genre d'homme qui peut rassembler autour de lui des partisans, des fans, mais aussi beaucoup de gens qui ont simplement peur de lui et ne veulent pas se battre avec lui", explique auprès de la BBC Ehud Yaari, membre de l'Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient. Sa réputation lui vaut le surnom de "boucher de Khan Younès".
Yahya Sinwar est également décrit comme un fin stratège. Il profite de son séjour en prison pour apprendre l'hébreu et lire de nombreux ouvrages consacrés aux plus grandes figures d'Israël. Depuis 2015, il figure sur la liste américaine des terroristes internationaux. Alors qu'il apparaissait souvent en public ces dernières années, Israël le soupçonne désormais de se cacher dans les souterrains de Gaza.
Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique, exilé au Qatar
Ismaïl Haniyeh, 61 ans, est le chef du bureau politique du Hamas depuis 2017. Il a quitté l'enclave palestinienne en 2019, et opère depuis le Qatar et la Turquie, rapporte L'Orient-Le Jour. Il plaide de longue date pour concilier résistance armée et combat politique au sein du Hamas. Connu pour son calme et son discours posé, Ismaïl Haniyeh entretient de bonnes relations avec les chefs des différents mouvements palestiniens, y compris rivaux.
Né en 1963 dans le camp de réfugiés de Chati, l'un des plus pauvres de la bande de Gaza, il a étudié la littérature arabe et a milité au sein de la branche étudiante des Frères musulmans avant de devenir membre du Hamas à sa création, en 1987, relate La Croix. Lorsque la première intifada éclate en 1987, il est emprisonné par Israël pendant trois ans, avant d'être exilé dans une zone désertique à Marj al-Zuhur, dans le sud du Liban, avec plusieurs dirigeants du Hamas, raconte la BBC. Il y passe une année complète où il apprend les techniques de maniement d'explosifs, d'attentats-suicides et surtout de clandestinité, au contact du Hezbollah libanais.
De retour à Gaza, il est nommé au bureau du cheikh Ahmed Yassine, le chef spirituel du Hamas. En 2006, quand le mouvement remporte les élections organisées dans l'ensemble des territoires palestiniens, il est nommé Premier ministre de l'Autorité palestinienne, mais est démis de ses fonctions un an plus tard.
Khaled Mechaal, le chef du bureau politique pour l'étranger
Khaled Mechaal, aussi connu sous le nom d'Abu al-Walid, est né en Cisjordanie en 1956, et l'a quittée en 1967 pour le Koweït. Opposant au processus de paix avec Israël, il est considéré comme l'un des fondateurs du Hamas, raconte France 24.
En 1997, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou demande au Mossad, les services secrets israéliens, d'assassiner Khaled Mechaal, en représailles à des attentats-suicides en Israël, détaille le magazine Time. Des agents israéliens entrent en Jordanie avec de faux passeports canadiens et lui injectent du poison alors qu'il se promène dans la rue à Amman, rapporte la BBC. Mais une partie du commando est arrêté, et le dirigeant du Hamas tombe dans le coma, mais ne succombe pas. Les autorités jordaniennes exigent alors qu'Israël fournisse l'antidote pour sauver le Palestinien, en échange de la libération des agents du Mossad. Cet épisode reste l'un des plus célèbres revers des services israéliens.
Installé au Qatar, Khaled Mechaal est responsable des activités du Hamas à l'étranger depuis 2021. Après les attaques du 7 octobre, depuis Doha, il a appelé le monde musulman à manifester pour soutenir les Palestiniens et à se joindre à la lutte contre Israël, souligne France 24.
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