Guerre Israël-Hamas : le 7 octobre, le déluge d'Al Aqsa

Le 7 octobre, le Hamas lançait contre Israël une série d'attaques d'une ampleur et d'une sauvagerie sans précédent. Israël a riposté en bombardant massivement Gaza. Ce podcast est le récit d'une guerre nouvelle et inédite, avec les équipes de Radio France déployées au Proche-Orient.
Article rédigé par Frédéric Métézeau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 9min
Une photo prise dans le sud d'Israël, près de la frontière avec la bande de Gaza, montre des véhicules de l'armée israélienne revenant en Israël depuis Gaza, le 7 novembre 2023. (JACK GUEZ / AFP)

"C'est la guerre Fred". Pendant quatre ans, j'ai été correspondant permanent de Radio France à Jérusalem. Quelques semaines après mon retour en France, l'actualité m'a rattrapé, samedi 7 octobre, avec ce message écrit sur WhatsApp à 7h39. Ce message est le début d'une longue série. "Réveillée par notre fille qui me dit : 'alerte maman, une alerte !' que j'entendais dans mon sommeil. Et puis ensuite je vois les infos. Tsahal complètement surpris. Catastrophe. Personne ne parle au public. Ni armée ni gouvernement". Ce jour-là, le Hamas vient de lancer la plus grande attaque terroriste de son histoire contre Israël.

Mon amie Emmanuelle, journaliste à Tel Aviv pour le média israélien Relevant et auteure de ces messages n'est pas du genre à exagérer. Alors, je regarde les médias et les réseaux sociaux israéliens et je tombe sur une vidéo comme je n'en avais jamais vue pendant mes quatre années passées là-bas : dans les rues de Sdérot, une ville israélienne collée à Gaza, des terroristes du Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza, montés sur des pick-up, patrouillent en uniforme et abattent tous les habitants qu'ils croisent.

"Citoyens d'Israël, nous sommes en guerre"

Dans le sud d'Israël, à Tel Aviv et même à Jérusalem, les habitants sont réveillés par les sirènes car le Hamas tire des milliers de roquettes sur Israël. La guerre a commencé, les médias du monde entier passent en édition spéciale. Thibault Lefèvre, actuel correspondant permanent de Radio France à Jérusalem, intervient dans les journaux de 8 heures sur France Inter, franceinfo et France Culture alors que les chaînes de télévision israéliennes sont déjà toutes en édition spéciale. Il raconte qu'avant de prendre l'antenne, il a dû mettre sa famille à l'abri des roquettes. Face à la profusion d'images sur les réseaux sociaux pas toujours authentifiées, il parle de "pièces d'un puzzle qu'il faut assembler au fil des heures". À Sdérot où il est arrivé le samedi soir, le témoignage d'un père à la recherche de son fils disparu lui permet de réaliser l'horreur de la situation, bien plus que le flot d'images diffusées à la télévision ou sur les réseaux sociaux.

Les Israéliens aussi ont pris conscience de l'ampleur de l'attaque terroriste : le mur qui encercle Gaza – un milliard d'euros de béton, de grillage et de technologie ultra-sensible – a été éventré. Même dans la série israélienne Fauda que je trouvais parfois trop guerrière, on n'avait pas imaginé un tel scénario. À Tel Aviv, mon amie Emmanuelle est sidérée devant sa télévision et continue à m'écrire : "Les infos sont les relais des citoyens qui appellent les télés et supplient l'armée de venir aider face aux terroristes qui sont dans leur kibboutz par exemple. Je vois passer des images. C'est incompréhensible, comment ont-ils pu prendre des bases ? Et là cinquante otages dans un kibboutz. Ça fait depuis ce matin qu'ils ont le contrôle de localités entières". 

Six heures après le début des attaques, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou sort de son silence : "Citoyens d'Israël, nous sommes en guerre. Ce n'est pas une opération, ce ne sont pas des entraînements mais c'est la guerre. Ce matin le Hamas a lancé une attaque surprise meurtrière contre l'Etat d'Israël et contre ses citoyens. J'ai ordonné une mobilisation étendue des réservistes pour une riposte d'une magnitude que l'ennemi n'a jamais connu... L'ennemi paiera un prix jamais vu auparavant".

Le "Déluge d'Al Aqsa"

Le Hamas a baptisé cette guerre "Déluge d'Al Aqsa" du nom de la mosquée construite sur l'esplanade des mosquées à Jérusalem, troisième lieu saint de l'Islam. Pour les Juifs, c'est le mont du Temple, lieu le plus sacré du judaïsme. Pour Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférences à Sciences Po Paris, "le Hamas a voulu porter un coup très dur à l'Etat d'Israël qui, du coup, allait manifestement réagir de manière aussi forte, provoquant des pertes civiles à Gaza qui allaient susciter des images terribles empêchant l'Arabie Saoudite de reconnaître Israël. Il faut bien comprendre que pour le Hamas, si la gardienne des lieux saints de La Mecque et Médine reconnaît Israël, c'est inacceptable."

Effectivement, un autre déluge s'est abattu ensuite sur Gaza : l'armée israélienne bombarde l'enclave palestinienne sous contrôle du Hamas. Joints avec difficulté car internet, le téléphone et l'électricité sont régulièrement coupés, les gazaouis témoignent des destructions et de leur peur comme Rami, un gazaoui qui en a vu d'autres. Ce samedi 7 octobre, il sait que cette guerre va être différente : "La tour Palestine de dix étages a été bombardée. 44 familles se retrouvent à la rue. Moi j'habite aussi dans une tour mais j'ai demandé à ma femme de préparer une petite valise avec passeports, papiers, un peu d'argent et les affaires du bébé. A chaque fois on pense que ça ne peut pas être pire et le pire arrive." De part et d'autre, les bilans ne cessent de s'alourdir : en mai 2021, j'avais couvert une guerre entre le Hamas et Israël. En dix jours de conflit, 232 palestiniens et 12 israéliens avaient été tués. Gaza est partiellement rasé et vit une catastrophe humanitaire. Des milliers de Gazaouis marchent vers le sud de l'enclave, mains en l'air avec des drapeaux blancs. Horrifiés, les Israéliens apprennent près de 250 civils et de soldats ont été conduits à Gaza, des enfants, des bébés, des adultes, des vieillards avec leurs gardes-malades dont le Hamas a filmé et diffusé la capture sur les réseaux sociaux. Des dizaines de fêtards ont aussi été mitraillés dans une rave-party, des habitants de kibboutz sont massacrés d'une manuière sadique et méthodique. Notre envoyé spécial Farida Nouar s'est rendue à la morgue de Tel Aviv où les corps sont identifiés et autopsiés. De retour de reportage éprouvant, elle raconte comment elle a travaillé. 

Témoignage de notre envoyé spécial Farida Nouar à Tel-Aviv

Un confit armé doublé d'un conflit de communication

Le correspondant permanent de Radio France Thibault Lefevre souligne que le conflit armé se double d'un conflit de communication. D'un côté, l'armée israélienne organise des visites très encadrées sur les lieux des massacres. Après après projeté un film éprouvant et très cru des attaques terroristes, il raconte qu'un officier israélien s'en est pris aux correspondants étrangers accusés de ne s'intéresser qu'aux souffrances des gazaouis. De l'autre côté, faute de pouvoir entrer dans la bande de Gaza encerclée par l'armée israélienne, les journalistes internationaux doivent êtres très prudents avec les informations fournies par le Hamas et par les réseaux sociaux. Thibault Lefevre explique qu'il est préférable de solliciter des personnes gazaouies connues et bien identifées des équipes de Radio France pour savoir ce qui se passe là-bas. Notre collègue résume : il faut toujours se méfier des informations qui nous arrivent et préférer les informations que l'on va chercher.

Pour Frédéric Encel, l'objectif israélien affiché de "détruire le Hamas" n'est pas un règlement à ce conflit interminable : "Détruitre une idéologie par les armes est absolument ridicule. Je suis de ceux qui considèrent qu'il n'y a pas d'alternative à la solution à deux Etats". 

Alors que les efforts diplomatiques sont vains pour le moment, plus de 1400 israéliens et 10 000 gazaouis sont déjà morts, selon les bilans fournis par les deux camps. Parmi eux, Roshdi Sarraj qui était le fixeur de Radio France à Gaza. Il m'a accompagné et guidé dans tous mes reportages là-bas. Mort le 22 octobre dernier après un bombardement israélien, il avait 31 ans, une jeune épouse et un bébé d'un an. Nous pensons à lui, à elles et à toutes les victimes innocentes de cette nouvelle Guerre au Proche-Orient.

Dans cet épisode : Farida Nouar, Thibault Lefèvre, Alice Froussard, Frédéric Encel
Mise en ondes : Assia Veber
Production : Frédéric Métézeau

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