Israël-Palestine : "On peut craindre le pire dans les prochains jours", selon un spécialiste
Depuis vendredi, les violences entre Palestiens et Israéliens se succèdent dans la région. Israël a riposté lundi à des tirs de roquettes du Hamas avec des frappes sur Gaza, faisant vingt morts, dont neuf enfants.
"Cette flambée de violences ne va certainement pas s'arrêter", a estimé lundi 10 mai sur franceinfo Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités et président de l'Institut de Recherche et d'Études Méditerranée Moyen-Orient (Iremmo), alors que des affrontements ont lieu depuis début mai entre Israéliens et Palestiniens. Lundi, Israël a riposté à des tirs de roquettes du Hamas avec des frappes sur Gaza, faisant vingt morts, dont neuf enfants. "La communauté internationale se réveille, s'agite, mais nous n'aurons pas de désescalade dans les prochains jours", a déploré le professeur.
franceinfo : Comment analysez-vous ce regain de tension ?
Jean-Paul Chagnollaud : Nous avons tendance à croire depuis quelques années que le conflit israélo-palestinien est marginal parce qu'il ne se passait plus grand-chose. Il y avait une espèce de désespérance du côté palestinien et du côté israélien une espèce d'assurance, surtout pendant les années Trump. Et puis, voilà que ça resurgit.
On est dans un schéma très classique. Il faut rappeler d'un mot que Jérusalem-Est est considérée par l'ensemble de la communauté internationale comme un territoire occupé et annexé unilatéralement par Israël. Les gouvernements successifs de droite et d'extrême-droite essaient de faire en sorte qu'il y ait le moins de Palestiniens possible à Jérusalem-Est. Actuellement, il y avait des expulsions en cours et donc des familles qui sont là depuis des générations qui sont ainsi expulsées. Il est normal que ça crée des tensions très fortes. Les Palestiniens ont réagi et ça nous donne cette flambée de violence qui, à mon avis, ne va certainement pas s'arrêter.
"Au fond, nous avons ici les éléments fondamentaux du conflit israélo-palestinien. Jérusalem, c'est un condensé du conflit."
Jean-Paul Chagnollaudà franceinfo
On tourne autour de la question de la terre, de l'appropriation de la terre et bien entendu, en arrière plan, du sacré avec l'esplanade des Mosquées et le ramadan.
Comment parvenir à désescalade réclamée par une bonne partie de la communauté internationale ?
C'est une sorte d'incantation impuissante. La communauté internationale se réveille en disant : "Il se passe quelque chose, calmez-vous." Mais la communauté internationale n'a rien fait ces dernières, au contraire, pour essayer d'aborder les questions de fond. Ça fait bien longtemps qu'on ne parle plus de processus de paix.
"La communauté internationale se réveille, s'agite, mais nous n'aurons pas de désescalade dans les prochains jours. On peut même craindre le pire dans les prochains jours."
Jean-Paul Chagnollaudà franceinfo
Pour le reste, bien évidemment, personne ne peut savoir comment ça va évoluer. Mais si la communauté internationale veut être sérieuse, il faut évidemment relancer des négociations sur le fond des choses. Nous sommes vraiment dans un système qui est un système de colonisation. D'ailleurs, cette partie des Israéliens ne s'en cache pas. Ils veulent que l'ensemble de la Palestine mandataire soit israélienne et par conséquent, il y a des colons qui veulent s'installer sur les terres et dans les maisons. Jérusalem en est un exemple.
La désescalade ne se fera pas et si elle se fait, elle sera évidemment purement éphémère et on reviendra à d'autres violences tant qu'on n'aura pas le courage d'aborder le fond des choses. Malheureusement, je n'en vois pas le chemin, sauf peut-être avec l'administration Biden qui a pris le contrepied de Trump.
Justement, est-ce que les États-Unis n'ont pas une partie de la solution ?
Les États-Unis ont toujours la clef de ce conflit. À certaines époques, ils ont réussi à faire des choses, notamment si on revient très loin en arrière, le processus d'Oslo. Ils ont très largement contribué à ce que ce soit possible. Malheureusement, c'est un naufrage pour bien des raisons. Donald Trump a jeté beaucoup d'huile sur le feu et on en a ici évidemment les conséquences. Joe Biden est revenu à cette solution à deux États. La question est de savoir maintenant s'il se donnera les moyens de faire en sorte qu'on puisse revenir à un chemin de négociation.
Cependant, compte tenu des rapports de force politiques aujourd'hui sur le terrain, ça me paraît très difficile. Du côté des Palestiniens, c'est même le vide total. Mahmoud Abbas est complètement carbonisé depuis le moment où il a décidé d'annuler les élections. Le Hamas en profite pour revenir avec force. Ça va donner encore des tragédies à coup sûr à Gaza dans les prochains jours.
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