Le concert du chanteur juif américain Matisyahu annulé d'un festival en Espagne
L'ambassade d'Israël à Madrid a dénoncé une "censure idéologique", tandis que les organisateurs se défendent d'avoir annulé le chanteur "parce qu'il est juif ou sioniste".
La décision suscite bien des controverses. Le chanteur juif américain Matisyahu a été déprogrammé du festival de reggae Rototom Sunsplash, ont annoncé les organisateurs, au début de l'événement prévu du 15 au 22 août dans la ville balnéaire de Benicassim, près de Valence (Espagne).
Un mouvement de protestation initié sur les réseaux sociaux
Cette annulation a été décidée après l'action entamée par des militants locaux du mouvement BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions), qui se définit comme une "campagne contre la colonisation et l'apartheid de l'occupation israélienne". Début août, ceux-ci ont lancé une offensive sur les réseaux sociaux pour exiger du chanteur une condamnation publique de la colonisation. Ces militants écrivaient notamment que Matisyahu "a dirigé récemment des festivals sionistes, a reconnu aimer Israël et est arrivé à affirmer que "la Palestine n'existe pas'".
Cada vegada + gent demana al @sunsplash_es q cancel•le el concert del sionista Matisyahu #RototomContractsZionism pic.twitter.com/YfVxFEVbOB
— BDS País Valencià (@BDSPaisValencia) 6 Août 2015
Face à cette pression, les organisateurs de Rototom Sunsplash ont alors demandé au chanteur de produire une vidéo ou une déclaration écrite, pour clarifier sa position. Face au silence de l'artiste, la sanction est tombée. "L'artiste est resté sourd à nos demandes répétées, et n'a pas communiqué de position claire contre la guerre et le droit des Palestiniens à disposer d'un Etat", indique un communiqué des organisateurs. "Nous avons donc décidé d'annuler son concert."
The festival directors point of view about what happened with Matisyahu concert: http://t.co/79C7y0a2UH pic.twitter.com/TRd5LpUMjh
— Rototom Sunsplash es (@sunsplash_es) 17 Août 2015
"Une pression claire pour appuyer l'agenda politique de BDS"
"Nous n'avons pas dit non à Matisyahu parce qu'il est juif ou sioniste. Nous avons simplement considéré comme inadéquat de l'accueillir alors que sa présence aurait généré un conflit, sans aucune possibilité de dialogue", a expliqué le directeur du festival sur la page Facebook (en anglais) de Rototom SunSplash. Cinq des 250 artistes et conférenciers prévus avaient menacé de boycotter l'événement si le concert était maintenu, précise El Pais (en espagnol), dont le réalisateur Fernando Garcia-Guereta ou le journaliste sahraoui Hassana Aaliaa.
"Je suis pour la paix et la compassion, pour tous les peuples. Ma musique parle pour elle-même, et je n'y parle pas de politique", a répondu Matisyahu, dans la revue américaine Rolling Stone (en anglais). Le chanteur de reggae de 36 ans, qui faisait partie jusqu'en 2011 du mouvement hassidique Loubavitch, portant la barbe noire des juifs religieux, devait se produire samedi. "Le festival a insisté pour que je précise mes opinions personnelles, ce que j'ai ressenti comme une pression assez claire pour que j'appuie l'agenda politique de BDS." Remplacé par la chanteuse jamaïcaine Etana, le chanteur s'interroge, sur Facebook : "A-t-on demandé à d'autres artistes de produire des communiqués politiques avant de se produire ?"
"The festival organizers contacted me because they were getting pressure from the BDS movement. They wanted me to write...
Posted by Matisyahu on lundi 17 août 2015
L'affaire prend un tour diplomatique
L'affaire prend un tour diplomatique, puisque l'ambassade d'Israël à Madrid a dénoncé une "censure idéologique", dans un communiqué (en espagnol), et condamné "sans appel l'annulation du concert de Matisyahu, décidée pour des raisons de censure idéologique à connotation antisémite".
Quant au ministère espagnol des Affaires étrangères, il a lui aussi apporté son soutien au chanteur : "exiger une déclaration publique de lui seul est une façon d'agir qui viole sa conscience et qui, si elle a été déterminée par l'identité juive de Matisyahu, remet en cause le principe de discrimination". Le ministère rappelle enfin que "l'Espagne réitère son opposition aux campagnes de boycott contre Israël, tout comme elle réaffirme sa position ferme en faveur d'une solution négociée du conflit" israélo-palestinien.
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