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Juifs ultra-orthodoxes et laïcs face à face en Israël

Depuis plusieurs semaines, la contestation grandit face à la coercition religieuse imposée par des fanatiques. L'opinion publique et la classe politique expriment leur ras-le-bol.

Article rédigé par Aurélie Delmas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un groupe d'ultra-orthodoxes manifestent le 31 décembre 2011 à Jérusalem (Israël), dans le quartier de Mea Shearim. (AHMAD GHARABLI / AFP)

Le week-end du Nouvel An s'est déroulé sous tension à Jérusalem (Israël). Samedi 31 décembre, une manifestation a rassemblé des juifs ultra-orthodoxes déguisés en déportés et portant l'étoile jaune, obligatoire dans l'Allemagne nazie. Ils dénonçaient l'"oppression du public laïc et des médias" qui leur seraient hostiles. Un signe supplémentaire des frictions croissantes, depuis le mois de décembre, entre les religieux fanatiques et le reste de la population.

• Qui sont ces juifs ultra-orthodoxes ?

On les appelle les haredim, "ceux qui craignent Dieu". Cette frange de quelques milliers de personnes, la plus religieuse du pays, rejette la modernité et vit en marge de la société. Ils représenteraient environ 20 % de la population de Jérusalem et entendent contrôler l’espace public dans leurs quartiers. Ils estiment que l'Etat juif n'aurait dû voir le jour qu'après la venue du Messie et sont hostiles à toute forme de sionisme.

• Les femmes de plus en plus discriminées 

La ségrégation sexuelle s’est progressivement installée dans les quartiers ultra-orthodoxes de Jérusalem, rapporte Le Monde. Les femmes n’ont pas l’autorisation de s’asseoir à l’avant d'un bus. Certains trottoirs et files d’attente leur sont réservés, et leur représentation physique dans la publicité est presque inexistante.

La situation n'est pas nouvelle. La ségrégation est pratiquée sur les lignes de bus depuis la fin des années 80. Mais "une frange de la population religieuse israélienne semble s'être récemment radicalisée, explique l'AFP, adoptant une lecture rigoriste de la séparation entre hommes et femmes, exigée, dans certains cas, par la Loi juive, la Halakha".

Lors d'un voyage dans le pays le 6 décembre, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, s'est inquiétée de la multiplication des mesures restrictives prises à l'égard des femmes. Depuis, plusieurs incidents ont sensibilisé l'opinion publique à cette question. Certaines femmes ont refusé de baisser la tête.

• Trois faits divers lèvent le tabou  

Yocheved Horowitz, Tanya Rosenblit, Na’ama Margolese. Ces noms sont devenus des symboles de la lutte contre l’oppression des femmes par les ultra-orthodoxes.

Mère de six enfants, âgée de 51 ans, Yocheved Horowitz, surnommée la "Rosa Parks israélienne" est décrite comme "ultra-orthodoxe" et "très religieuse" par le quotidien LibérationUne semaine avant Noël, elle a refusé de changer de place dans un bus municipal alors qu'elle occupait un siége à l'avant, normalement réservé aux hommes. Cet acte de rébellion lui a valu des insultes, mais il a aussi permis de lever un tabou.

Comme elle, le 16 décembre, Tanya Rosenblit, une étudiante de 28 ans, a été prise à partie car elle avait refusé de s’asseoir à l’arrière d’un bus. "J'ai suffisamment montré de respect en faisant attention à ma tenue vestimentaire", a-t-elle justifié à un policier appelé par le chauffeur pour ramener le calme, rapporte Le Point.  

Quelques jours plus tard, ce sont les larmes d’une petite fille à la télévision qui vont alimenter la colère de l’opinion publique (vidéo en anglais). "Le 23 décembre, Na’ama Margolese, 8 ans, raconte qu’elle a été insultée et qu’on lui a craché dessus car elle n’était pas vêtue 'modestement'", relate Le Figaro.

 
• La fin de la loi du silence

Les confrontations entre les ultra-orthodoxes et les Israéliens laïcs sont de plus en plus fréquentes, note Rue89Libération rapporte que 10 000 manifestants se sont réunis en soutien à la petite Na’ama dans un quartier religieux de Beit Shemesh, près de Jérusalem, le 27 décembre.

Sous les banderoles "Libérons Israël de la coercition religieuse" ou "Empêchons Israël de devenir l’Iran", des citoyens ont exprimé leur indignation face au fanatisme.

Manifestation contre la ségrégation sexuelle, à Beit Shemesh, près de Jérusalem, le 27 décembre 2011. (GALI TIBBON / AFP)

Quatre jours plus tard, le 31 décembre, des centaines de personnes, dont des enfants, membres d’une secte ultra-orthodoxe antisioniste, ont répondu à Jérusalem par une manifestation qui a fait scandale. Vêtus comme des déportés pour dénoncer l’hostilité des médias à leur égard, ils n’ont pas hésité à arborer une étoile jaune sur leur poitrine.

A la suite de cette nouvelle polémique, les responsables politiques ont pris la parole. Le président israélien, Shimon Peres, a affirmé qu’"aucun homme n’a le droit de forcer une femme à s’asseoir où il veut". Tandis qu'Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères et fondateur du parti de droite nationaliste Israel Beytenou, a rappelé que "le phénomène d’exclusion des femmes dans les rues des ultra-orthodoxes relève d’une barbarie intolérable"

Des réactions indignées qui mettent l’accent sur la nouvelle guerre interne de l’Etat d’Israël. Le pays a été choqué par les images de la manifestation de samedi. Signe de ce regain de tension, des dizaines de militants contre la ségrégation hommes-femmes sont montés dans des bus "casher" dimanche, en signe de protestation, selon l'AFP. La lutte pour l’égalité pourrait bien n’en être qu’à ses débuts.

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