Des explosions de bipeurs aux frappes aériennes israéliennes, comment le Liban s'est retrouvé "au bord de la guerre totale" en une semaine

La communauté internationale redoute que l'escalade entre Israël et le Hezbollah libanais, soutenu par l'Iran, n'entraîne le Proche-Orient dans une spirale incontrôlable de violences.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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De la fumée s'élève dans le ciel après que l'armée israélienne a lancé une attaque sur la région de Marjayoun, dans sud du Liban, le 24 septembre 2024. (RAMIZ DALLAH / AFP)

Ce sont les plus intenses frappes israéliennes en un an. L'Etat hébreu continue de cibler le Hezbollah au Liban, mardi 24 septembre, après des bombardements qui ont fait plus de 500 morts la veille. Des attaques qui font craindre un embrasement de la région, près d'un an après l'attaque du 7 octobre 2023 perpétrée par le Hamas. "Nous sommes au bord d'une guerre totale", s'est alarmé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, depuis New York, où se tient l'Assemblée générale de l'ONU. On vous résume comment, en une semaine, les tensions se sont exacerbées au Proche-Orient.

Les bipeurs et les talkies-walkies du Hezbollah explosent

Tout commence par une attaque majeure et sans précédent, le mardi 17 septembre. A 15h30, de façon quasiment simultanée, des bipeurs, portés par des membres du Hezbollah, explosent dans tout le Liban. Des régions où est implanté le mouvement islamiste libanais soutenu par l'Iran sont visées, la banlieue sud de Beyrouth notamment, le sud du pays et la plaine orientale de la Békaa. Mercredi 18 septembre, ce sont des talkies-walkies qui explosent, et ce alors que se déroulent les obsèques de quatre membres du Hezbollah tués la veille. Au total, le bilan des attaques des 17 et 18 septembre est très lourd, selon le ministère de la Santé libanais : au moins 37 morts, dont deux enfants et des civils, et environ 3 000 blessés.

Bien qu'il existe des victimes collatérales, les cibles des explosions sont en majorité des hommes membres du Hezbollah qui portaient les bipeurs ou les talkies-walkies. Des chefs militaires étaient plus particulièrement visés. En réaction à ces attaques, le chef du Hezbollah a pris la parole jeudi 19 septembre. Hassan Nasrallah a reconnu que "un coup sévère et sans précédent dans l'histoire du Liban". Il a aussi promis à Israël "un terrible châtiment". Interrogé sur franceinfo, le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale, émet toutefois des "doutes" sur la capacité du Hezbollah à lancer des opérations terrestres.

De fait, au moment où Hassan Nasrallah prononçait son discours, l'aviation israélienne franchissait le mur du son au-dessus de Beyrouth, la capitale libanaise. Car Israël a continué à montrer sa détermination à cibler le Hezbollah. Et le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, a assuré, à la suite de la déclaration d'Hassan Nasrallah, que les opérations militaires israéliennes contre le mouvement islamiste allaient "continuer".

Une frappe israélienne tue un leader du mouvement

La démonstration en est faite dès le lendemain, le vendredi 20 septembre. Un nouveau coup est porté au Hezbollah : un immeuble de la banlieue sud de Beyrouth, connu pour être un fief du mouvement, est bombardé. Une réunion en sous-sol de l'unité Radwan, force d'élite du Hezbollah, est visée. Selon un bilan officiel libanais, ces frappes font 31 morts, dont trois enfants et seize membres du Hezbollah. Parmi ces derniers figurent le chef de l'unité Radwan, Ibrahim Aqil, numéro trois du mouvement chiite, et Ahmed Mahmoud Wahbi, un autre haut commandant de l'unité d'élite.

Le Hezbollah répond par des tirs de roquettes

Dans le sud du Liban et en particulier à la frontière, les tirs ont gagné en intensité depuis une semaine, après les explosions de bipeurs et de talkies-walkies. Mais ces échanges entre l'armée israélienne et le Hezbollah, soutenu par l'Iran, ennemi numéro 1 d'Israël, ne sont pas nouveaux. Ils ont commencé après le 7 octobre 2023, quand le Hamas a mené ses attaques meurtrières sur le sol israélien, entraînant la guerre dans la bande de Gaza. En réaction, le Hezbollah a juré d'attaquer Israël "jusqu'à la fin de l'agression à Gaza". Dans la nuit du samedi 21 au dimanche 22 septembre, le mouvement libanais a ainsi tiré "environ 150 roquettes, missiles de croisière et drones" vers le nord d'Israël, "sans faire de dégâts significatifs", d'après l'armée israélienne. 

Benyamin Nétanyahou justifie ces actions

Dimanche, le Premier ministre israélien s'est finalement exprimé à travers un communiqué. "Ces derniers jours, nous avons infligé au Hezbollah une série de coups qu'il n'aurait jamais imaginés. Si le Hezbollah n'a pas compris le message, je vous le promets, il le comprendra", a déclaré Benyamin Nétanyahou. "Aucun pays ne peut tolérer qu'on tire sur ses habitants, sur ses villes, et nous, l'Etat d'Israël, ne le tolérerons pas non plus."

Le Premier ministre affirme en outre qu'il est en train d'inverser le "rapport de forces" dans le nord d'Israël, où il est déterminé à permettre le retour des dizaines de milliers d'habitants déplacés. Malgré les mises en garde de ses alliés appelant à éviter toute escalade au Proche-Orient et la pression d'une partie de l'opinion publique israélienne, Benyamin Nétanyahou ne semble pas avoir l'intention d'infléchir sa position : il a plutôt intérêt à ce que le conflit dure.

Israël bombarde massivement des bastions du Hezbollah

Lundi 23 septembre, les bombardements israéliens ont visé "environ 1 600 cibles terroristes" dans des bastions du Hezbollah, selon l'armée israélienne, qui a fait état d'un "grand nombre" de membres du mouvement islamiste tués. "C'est une catastrophe, un massacre", a déclaré à l'AFP Jamal Badrane, un médecin de l'hôpital du Secours populaire à Nabatiyé, une ville du sud du pays. "Les frappes n'arrêtent pas, ils nous ont bombardés alors qu'on retirait des blessés", a-t-il raconté. Le bilan est extrêmement lourd : ces frappes ont fait 558 morts, dont 50 enfants et 94 femmes, d'après le ministre de la Santé libanais.

De son côté, l'armée israélienne a annoncé avoir touché "environ 800 cibles" du Hezbollah au Liban. Lundi, en fin d'après-midi, Benyamin Nétanyahou a repris la parole, cette fois en anglais et face caméra. "Le Hezbollah vous a utilisés comme boucliers humains. Il a placé des roquettes dans vos salons et des missiles dans vos garages. Ne laissez pas le Hezbollah mettre en danger vos vies et celles de vos proches", a-t-il déclaré dans une vidéo, en s'adressant directement aux Libanais. Comme pour le Hamas, le Premier ministre israélien estime que le mouvement islamiste cache ses projectiles au milieu des civils.

En une journée, l'armée israélienne a "neutralisé des dizaines de milliers de roquettes et de munitions", a affirmé le ministre de la Défense israélien, lundi soir. Yoav Gallant s'est ainsi félicité que le Hezbollah ait vécu sa "semaine la plus difficile depuis sa création" en 1982. Les frappes israéliennes se poursuivent sans relâche mardi. "Au cours des dernières heures, l'armée a frappé des cibles terroristes du Hezbollah dans le sud du Liban, notamment des lance-roquettes, des sites d'infrastructures terroristes et des bâtiments dans lesquels des armes étaient stockées", selon l'armée israélienne.

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