Explosion de bipeurs au Liban : pourquoi le Hezbollah était-il équipé de ces appareils ?
C’est sans doute une des opérations les plus impressionnantes des dernières années. L'explosion simultanée, mardi 17 septembre, à travers le Liban de bipeurs utilisés par le Hezbollah a fait neuf morts et près de 2 800 blessés, dont des centaines de membres du mouvement islamiste libanais, soutenu par l'Iran, qui a accusé Israël d'en être responsable.
De son côté, l'Etat hébreu n'a pas commenté ces explosions, survenues dans plusieurs places fortes du Hezbollah quelques heures après l'annonce par ce pays qu'il étendait les objectifs de la guerre contre le Hamas palestinien dans la bande de Gaza à sa frontière nord avec le Liban. Mais l'ombre de ses services de renseignements extérieurs plane sur les explosions simultanées de ces appareils de communication.
"Jetez vos smartphones, enterrez-les !"
Concrètement, le bipeur (ou 'pager') est un boîtier, ancêtre du téléphone portable, qui s'est répandu à la fin des années 1970, qui permet de recevoir des messages par ondes radio sans utiliser le réseau GSM des téléphones portables beaucoup plus facile à pirater. Le signal est en effet envoyé via des ondes radio basse fréquence, évitant ainsi des interruptions, des problèmes de connexion ou du piratage. Autre avantage, l'autonomie. Les bipeurs semblable au modèle utilisé par le Hezbollah peuvent fonctionnner pendant des semaines, voire des mois, sans être rechargés.
C'est pour ces raisons que le Hezbollah équipait ses hommes de ces appareils, sans imaginer évidemment qu'ils puissent exploser simultanément. L'assassinat de Fouad Chokr, membre fondateur du parti, le 30 juillet à Beyrouth, qui faisait suite à une longue série de liquidation de cadres, était déjà un sérieux avertissement : il avait révélé des failles dans la sécurité du Hezbollah. Conscient de la menace, Hassan Nasrallah, le chef du mouvement chiite, avait alors redemandé à ses partisans de ne plus utiliser leurs téléphones portables, pour éviter d’être espionné et localisé.
Dès le mois de février dernier, Hassan Nasrallah avait déjà averti, notamment les habitants du Sud Liban: "Le smartphone est un appareil d’espionnage ! Il entend tout ce que vous faites, dites, envoyez et prenez en photo. Votre localisation, votre maison... Israël n’a pas besoin de plus que cela". Et Hassan Nasrallah de recommander : "Jetez vos smartphones, enterrez-les, mettez-les dans une boîte de métal et éloignez-les", comme le relatent nos confrères d'Orient-Le Jour. L'occasion, pour le mouvement, de rappeler l'usage déjà répandu, mais plus "low tech", de ces fameux bipeurs.
Un précédent "ciblé" en 1996
Il existe un précédent du même type : l'assassinat d'un responsable du Hamas en 1996, Yahya Ayyash, à la suite à l'explosion de son téléphone portable. Mais il s'agissait alors d'une cible unique et non d'une attaque massive simultanée sur des milliers de machines, censées être hermétiques.
Pour Yehoshua Kalisky, chercheur à l'Institut israélien de la sécurité, l'État hébreu est sans aucun doute derrière l'opération. "Ça a pu se passer de deux manières différentes. La première, ce serait que le système d'explosion ait été introduit dans l'usine où les machines ont été achetées. Peut être que, quelqu'un, quelque part, a installé ce système. C'est une possibilité. L'autre option est qu'une impulsion électronique à distance ait provoquée l'explosion de la batterie", selon le chercheur, qui assure que la région vient d'assister à "une des opérations les plus impressionnantes des dernières années".
De son côté, le groupe taïwanais Gold Apollo a affirmé que les bipeurs piégés du Hezbollah, du modèle AR924, portant sa marque, ont été produits et vendus par son partenaire hongrois, BAC. "Notre entreprise n'apporte que l'autorisation d'utiliser la marque et n'est pas impliquée dans la conception et la fabrication" de ce bipeur, a-t-il insisté.
La question de la responsabilité reste donc floue. Seule certitude au lendemain de cette opération : le bilan. Des milliers de miliciens du Hezbollah sont aujourd'hui blessés, ce qui peut représenter entre 5 à 10% des combattants potentiels de l'organisation, ainsi neutralisés. Or, dans la perspective d'un conflit ouvert avec Israël, c'est désormais un handicap sérieux pour la milice chiite.
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