"Aujourd'hui, les gens désespèrent" : deux mois après les explosions au port de Beyrouth, les habitants déplorent "l'absence de l'Etat"
Deux mois après les explosions qui ont ravagé la ville, peu de choses ont changé dans les quartiers jouxtant le port de la capitale libanaise. Les habitants déplorent le manque d'aide de l'État alors que le pays n'a toujours pas de gouvernement.
À Beyrouth, deux mois après les explosions au port qui ont fait 200 morts et près de 6 500 blessés, c'est toujours le même paysage de destruction : un énorme cratère de 40 mètres de profondeur et les entrepôts rasés. Une partie du port a été déblayée, notamment par l’armée française, et l’activité commerciale du port a repris. Et si on s’éloigne du port et que l’on se promène dans les quartiers les plus touchés, les choses ont peu changé. Les façades des quelques gratte-ciel sont toujours défigurées, avec des appartements ouverts sur la rue. Ailleurs, c’est une alternance de bâtiments plus ou moins réparés. "La porte d’entrée a volé, raconte une habitante du quartier de la Quarantaine, qui jouxte le port. Le mur s’est effondré. Le plafond est tombé, les meubles sont cassés, l’armoire est tombée... Les WC sont cassés aussi et il n’y a plus de porte. J’utilise celle de l’armoire pour fermer les toilettes."
Il n'y a "que les fenêtres, qui ont été réparées hier, par une association", poursuit cette femme. En réalité, depuis deux mois, ce n’est pas l'État libanais qui est à l’œuvre, mais des dizaines d’associations et d’ONG internationales. Leurs bénévoles ont nettoyé les rues, déblayé les appartements et surtout ces associations financent l’intervention des différents corps de métiers. Par exemple, certains menuisiers ont carrément délocalisé leur atelier dans ces quartiers. "Il y a environ 40 immeubles où toutes les fenêtres et les portes ont été cassées ou arrachées, explique un menuisier. À chaque fois, on va prendre les mesures, et on répare ou reconstruit ici."
On s’est installés sur place, pour aller vite, fermer les appartements avant que la pluie n’arrive, pour éviter un désastre.
Un menuisier dans le quartier de la Quarantaine
La priorité en fait, ce n’est pas la reconstruction, ce sont les réparations. Il faut fermer les appartements avant l’arrivée de l’hiver. Pour permettre à ceux qui sont partis de revenir ou à ceux qui y sont encore de retrouver un semblant de vie normale.
Le Beyrouth bohème détruit
Les quartiers de Gemayzeh et de Mar Mikhael sont le cœur historique de la ville chrétienne, mais aussi des quartiers où se mélange habitants modestes, classe moyenne et plus riche. Des petits commerçants, une vie artistique, des restaurants, des galeries et des bars, il s'agit du Beyrouth bohème qui vivait de jour comme de nuit. Aujourd’hui, la plupart des magasins ont été détruits et sont fermés.
Quelques restaurants, bars ou épiceries ont rouvert mais ils se sentent bien seul. Pascal Abché a rouvert son bar, mais pas son hôtel, au-dessus, entièrement dévasté. "Il y a un travail énorme à faire pour qu’il y ait une reprise économique et une reprise de vie normale, explique-t-il. Malheureusement, aujourd’hui, tout effort est individuel, il n’y a pas un travail collectif de la part de l'État. On en vient au manque de planification et à l’absence de l'État. Et cette problématique aujourd’hui cause, au niveau social, un plus grand problème : les gens désespèrent."
Un pays toujours sans gouvernement
En deux mois, Emmanuel Macron est venu deux fois à Beyrouth pour plaider la mise en place rapide d'un gouvernement. Dimanche dernier, il a eu des mots très durs contre la classe politique libanaise qu'il accuse de "trahison collective". Lors de ces voyages à Beyrouth, le président français avait arraché une promesse des partis libanais : constituer un gouvernement de mission, indépendant des partis, pour réformer et lutter notamment contre la corruption. En échange, la communauté internationale débloquait des fonds.
>> L’article à lire pour comprendre pourquoi le système politique libanais est à bout de souffle
Mais les discussions ont échoué jusqu’à présent. Le point de blocage, c’est la représentation des partis chiites dans ce futur gouvernement. Au Liban, la Constitution impose que le Premier ministre soit sunnite. Du coup, les chiites exigent un ministère de poids comme celui des Finances, mais ça coince. D’où la charge d’Emmanuel Macron dimanche, qui a visé les deux partis chiites et surtout le Hezbollah, très proche de l’Iran. Mardi, son chef, Hassan Nasrallah, a répondu à Emmanuel Macron : "Nous n’acceptons pas que vous nous accusiez de trahison. Nous n’acceptons pas ce langage. Le plus important c’est le respect."
Nous avons salué le président Macron lors de sa visite au Liban. Mais nous n’acceptons pas qu’il se prenne pour le procureur, l’enquêteur, le juge, le dirigeant et le gouverneur du Liban.
Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah
Des mots durs à l'égard d'Emmanuel Macron et pour autant, le chef du Hezbollah ne ferme pas la porte à un accord. Il donne le sentiment de vouloir gagner du temps en attendant le résultat des élections américaines et une éventuelle défaite de Donald Trump.
Jeudi 1er octobre, France 2 et France Inter retransmettent à partir de 21 heures le grand concert de soutien au Liban, organisé à l'Olympia. Autour du trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf, des interprètes français et libanais se relaieront pour témoigner le soutien de la France au Liban.
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