Cet article date de plus de huit ans.
Les attaques de Daech : une stratégie bien orchestrée pour un chaos généralisé
Liquidation de journalistes lors de l’assaut contre Charlie, tueries de masse au Bataclan ou à Nice, élimination de policiers, fusillade contre des juifs à l’Hyper casher ou attaque contre des chrétiens avec l’égorgement d’un prêtre dans une petite commune normande, les actions revendiquées par Daech en France sont l’image même de la stratégie du chaos de l’organisation de l’Etat islamique.
Publié
Temps de lecture : 7min
«Tuez les imams des mécréants en Occident» est un des titres du numéro 14 de la revue Dabiq, l'organe officiel de l'organisation de l'Etat islamique. Dans sa dernière publication, mise en ligne le 13 avril 2016, l'EI insiste sur l’idée qu’«il n’existe que deux religions sur terre. La religion d’Allah qu’est l’Islam et la religion de n’importe quoi d’autre, qu’est la mécréance».
«Tout ce qui n’est pas l’Islam n’est pas une religion au regard d’Allah et ne sera jamais accepté», estime encore le texte affirmant que la mécréance sera la religion vaincue en fin de compte.
Combattre tout ce qui n'est pas la religion du prophète
Ainsi, la stratégie de l'organisation repose en théorie sur la nécessité de combattre partout tout ce qui n’est pas la religion du prophète Mahomet. En terre arabo-musulmane où l’EI tente d’établir son califat, mais également en Occident où se trouvent des religions, non musulmanes, condamnées à être combattues selon Daech.
Qu’elles soient directement commanditées ou revendiquées opportunément après réalisation, les opérations kamikazes menées par les «soldats de l’Etat islamique» en Europe s'inscrivent dans cette perspective. Au delà du geste, elles ont pour but, de fait, d’allumer les feux de la haine entre communautés, provoquer des affrontements civils et semer un chaos généralisé duquel l’islam «ne peut sortir que vainqueur», selon Dabiq.
Hormis l’objectif d’une victoire divine qui a tout de l’utopie, celui de semer la terreur et la discorde intercommunautaire pour en tirer les dividendes a déjà fait ses preuves dans l’histoire récente du Proche-Orient.
Le conflit libanais, champ expérimental des affrontements confessionnels
En avril 1975, le Liban a servi de laboratoire à la manipulation des affrontements entre communautés libanaise et palestinienne et entre confessions, chrétienne, musulmane et druze. Démarré par une fusillade contre un autobus transportant des Palestiniens suivies d'horreurs commises de part et d'autre contre la population sur la base d’appartenance religieuse, le conflit libanais a duré plus d’une quinzaine d’années.
Il a permis à la puissante Syrie voisine de Hafez al-Assad, de jouer le «pompier pyromane» et de faire main basse sur le Pays des cèdres de manière durable. Aujourd’hui encore, l’influence de Damas continue de peser lourdement sur la situation libanaise via la milice chiite du Hezbollah et grâce au soutien de la République islamique d’Iran.
En mars 2011, menacé par le soulèvement pacifiste de sa population dans le sillage des printemps arabes, le régime syrien fait le choix d’une répression féroce. Mis en cause par l’ONU et les chancelleries occidentales qui réclamaient son départ, le pouvoir de Bachar al-Assad, dominé par la communauté alaouite, avait prédit un déferlement de kamikazes un peu partout dans le monde si la Syrie était attaquée.
«Lorsque le baril de poudre explosera, le chaos et l'extrémisme se répandront»
«Le Moyen-Orient est un baril de poudre, et le feu s'en approche aujourd'hui. Il ne faut pas seulement parler de la riposte syrienne, mais bien de ce qui pourrait se produire après la première frappe. Or personne ne peut savoir ce qui se passera. Tout le monde perdra le contrôle de la situation lorsque le baril de poudre explosera. Le chaos et l'extrémisme se répandront. Le risque d'une guerre régionale existe», avait déclaré Bachar al-Assad, en mars 2013, dans un entretien au Figaro.
Menace ou prophétie auroréalisante ? En faisant tâche d’huile, le conflit syrien a fortement contribué au développement de l’organisation de l’Etat islamique. Né initialement en Irak pour la défense d’un Etat sunnite dans un pays à majorité chiite, la nébuleuse djihadiste a vu ses rangs gonflés par l’arrivée d’islamistes libérés des geôles syriennes.
Déterminé à établir son califat sur Bagdad et Damas à la fois, Daech, acronyme de l’Etat islamique en Irak et dans le pays de Châm (nom arabe de Damas), est parti à la conquête de villes-sanctuaires comme Raqqa en Syrie et Mossoul en Irak.
Les chrétiens, premières victimes de l'expansion de Daech
Les premiers à souffrir de cette nouvelle expansion musulmane, version Daech, furent les chrétiens. Obligés dans un premier temps de se convertir à l’Islam ou de partir, ils seront par la suite terrorisés par des attentats, des enlèvements et des crucifixions. Ils ont dû abandonner leurs habitations aussitôt transformées en biens musulmans.
Installé dans la durée, le combat de l’EI s’est régionalisé en prenant l’aspect du grand affrontement entre les deux pôles sunnites et chiites de l’islam. Avec l’extension de la lutte sous forme d’attentats un peu partout en Europe et aux Etats-Unis, il s’est internationalisé, entraînant la constitution de coalitions occidentale et arabe contre lui.
Revendiquée comme des attaques «contre des ressortissants des pays de la coalition des pays qui combattent l’EI», la multiplication des actions terroristes contre des individus ou des foules répond en principe aux appels lancés par les idéologues de la nébuleuse islamiste.
Une accélération de la stratégie de la terreur
Pour Abou Bakr Naji, auteur de Gestion de la barbarie, ouvrage incontournable pour tout djihadiste, «les sionistes et les croisés doivent être attaqués partout dans le monde musulman et si possible ailleurs (…) pour épuiser au maximum les ennemis». Ou pour Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de l’EI:«Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales français – ou un Australien, un Canadien ou tout incroyant (…), dont les citoyens de pays qui sont entrés dans une coalition contre l’EI, alors comptez sur Allah et tuez le de n’importe quelle manière», avait il recommandé dans un message audio diffusé en septembre 2014.
Les derniers attentats en France et en Allemagne attestent indéniablement d’une accélération de cette stratégie de la terreur et du chaos. Quant au choix des cibles, qu’il s’agisse du mode de vie occidental, salles de concerts et cafés en terrasse, ou de personnes emblématiques tels que journalistes, policiers, et désormais prêtre, il tendrait à accréditer l'hypothèse d’une campagne orchestrée plus que des initiatives de loups solitaires répondant follement à un appel.
«Tout ce qui n’est pas l’Islam n’est pas une religion au regard d’Allah et ne sera jamais accepté», estime encore le texte affirmant que la mécréance sera la religion vaincue en fin de compte.
Combattre tout ce qui n'est pas la religion du prophète
Ainsi, la stratégie de l'organisation repose en théorie sur la nécessité de combattre partout tout ce qui n’est pas la religion du prophète Mahomet. En terre arabo-musulmane où l’EI tente d’établir son califat, mais également en Occident où se trouvent des religions, non musulmanes, condamnées à être combattues selon Daech.
Qu’elles soient directement commanditées ou revendiquées opportunément après réalisation, les opérations kamikazes menées par les «soldats de l’Etat islamique» en Europe s'inscrivent dans cette perspective. Au delà du geste, elles ont pour but, de fait, d’allumer les feux de la haine entre communautés, provoquer des affrontements civils et semer un chaos généralisé duquel l’islam «ne peut sortir que vainqueur», selon Dabiq.
Hormis l’objectif d’une victoire divine qui a tout de l’utopie, celui de semer la terreur et la discorde intercommunautaire pour en tirer les dividendes a déjà fait ses preuves dans l’histoire récente du Proche-Orient.
Le conflit libanais, champ expérimental des affrontements confessionnels
En avril 1975, le Liban a servi de laboratoire à la manipulation des affrontements entre communautés libanaise et palestinienne et entre confessions, chrétienne, musulmane et druze. Démarré par une fusillade contre un autobus transportant des Palestiniens suivies d'horreurs commises de part et d'autre contre la population sur la base d’appartenance religieuse, le conflit libanais a duré plus d’une quinzaine d’années.
Il a permis à la puissante Syrie voisine de Hafez al-Assad, de jouer le «pompier pyromane» et de faire main basse sur le Pays des cèdres de manière durable. Aujourd’hui encore, l’influence de Damas continue de peser lourdement sur la situation libanaise via la milice chiite du Hezbollah et grâce au soutien de la République islamique d’Iran.
En mars 2011, menacé par le soulèvement pacifiste de sa population dans le sillage des printemps arabes, le régime syrien fait le choix d’une répression féroce. Mis en cause par l’ONU et les chancelleries occidentales qui réclamaient son départ, le pouvoir de Bachar al-Assad, dominé par la communauté alaouite, avait prédit un déferlement de kamikazes un peu partout dans le monde si la Syrie était attaquée.
«Lorsque le baril de poudre explosera, le chaos et l'extrémisme se répandront»
«Le Moyen-Orient est un baril de poudre, et le feu s'en approche aujourd'hui. Il ne faut pas seulement parler de la riposte syrienne, mais bien de ce qui pourrait se produire après la première frappe. Or personne ne peut savoir ce qui se passera. Tout le monde perdra le contrôle de la situation lorsque le baril de poudre explosera. Le chaos et l'extrémisme se répandront. Le risque d'une guerre régionale existe», avait déclaré Bachar al-Assad, en mars 2013, dans un entretien au Figaro.
Menace ou prophétie auroréalisante ? En faisant tâche d’huile, le conflit syrien a fortement contribué au développement de l’organisation de l’Etat islamique. Né initialement en Irak pour la défense d’un Etat sunnite dans un pays à majorité chiite, la nébuleuse djihadiste a vu ses rangs gonflés par l’arrivée d’islamistes libérés des geôles syriennes.
Déterminé à établir son califat sur Bagdad et Damas à la fois, Daech, acronyme de l’Etat islamique en Irak et dans le pays de Châm (nom arabe de Damas), est parti à la conquête de villes-sanctuaires comme Raqqa en Syrie et Mossoul en Irak.
Les chrétiens, premières victimes de l'expansion de Daech
Les premiers à souffrir de cette nouvelle expansion musulmane, version Daech, furent les chrétiens. Obligés dans un premier temps de se convertir à l’Islam ou de partir, ils seront par la suite terrorisés par des attentats, des enlèvements et des crucifixions. Ils ont dû abandonner leurs habitations aussitôt transformées en biens musulmans.
Installé dans la durée, le combat de l’EI s’est régionalisé en prenant l’aspect du grand affrontement entre les deux pôles sunnites et chiites de l’islam. Avec l’extension de la lutte sous forme d’attentats un peu partout en Europe et aux Etats-Unis, il s’est internationalisé, entraînant la constitution de coalitions occidentale et arabe contre lui.
Revendiquée comme des attaques «contre des ressortissants des pays de la coalition des pays qui combattent l’EI», la multiplication des actions terroristes contre des individus ou des foules répond en principe aux appels lancés par les idéologues de la nébuleuse islamiste.
Une accélération de la stratégie de la terreur
Pour Abou Bakr Naji, auteur de Gestion de la barbarie, ouvrage incontournable pour tout djihadiste, «les sionistes et les croisés doivent être attaqués partout dans le monde musulman et si possible ailleurs (…) pour épuiser au maximum les ennemis». Ou pour Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de l’EI:«Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales français – ou un Australien, un Canadien ou tout incroyant (…), dont les citoyens de pays qui sont entrés dans une coalition contre l’EI, alors comptez sur Allah et tuez le de n’importe quelle manière», avait il recommandé dans un message audio diffusé en septembre 2014.
Les derniers attentats en France et en Allemagne attestent indéniablement d’une accélération de cette stratégie de la terreur et du chaos. Quant au choix des cibles, qu’il s’agisse du mode de vie occidental, salles de concerts et cafés en terrasse, ou de personnes emblématiques tels que journalistes, policiers, et désormais prêtre, il tendrait à accréditer l'hypothèse d’une campagne orchestrée plus que des initiatives de loups solitaires répondant follement à un appel.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.