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Mossoul : dans les quartiers libérés, la vie après l'État islamique

Fin janvier, la rive est de Mossoul est presque entièrement repassée aux mains des forces irakiennes. franceinfo s'est rendu dans les quartiers libérés de la présence des jihadistes.

Article rédigé par Oriane Verdier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un marché, le 21 janvier 2017 à Mossoul, sur la rive orientale du Tigre (AHMAD AL-RUBAYE / AFP)

La vie a rapidement repris son cours à Al-Karama. Les enfants se sont déjà réappropriés leurs terrains de jeu trop longtemps interdits. Voilà plusieurs semaines que ce quartier de l'est de Mossoul a été repris par les forces irakiennes dans la grande bataille qui les oppose aux jihadistes du groupe État islamique depuis le 17 octobre. Fin janvier, la rive est de la ville est presque entièrement libérée, à l'exception de quelques quartiers nord. 

Nettoyer la ville des engins explosifs

À Al-Karama, les forces spéciales irakiennes ont installé un centre médical d’urgence dans une mosquée. "N'allez pas vous asseoir là-bas, lance un soldat aux enfants à proximité. Il y a des roquettes qui sont tombées mais qui n'ont pas explosé. Quand les enfants les touchent, elles explosent". 

Dans un quartier est de Mossoul, le 21 janvier 2017, un enfant se tient près d'un véhicule détruit par les affrontements entre les forces irakiennes et Daesh (AHMAD AL-RUBAYE / AFP)

Quelques rues plus loin, le calme a cédé à la panique. Deux hommes courent vers une ambulance. Chacun d’eux porte un petit corps enroulé dans une couverture. Les deux enfants sont conduits d'urgence au centre médical. "Ils jouaient dans la rue avec une bombe. Et soudain elle a explosé", nous raconte le major Ahmad, le chef de l'équipe médicale, en sortant de la salle de soin. 

Rétablir l'eau courante et l'électricité

L'un des enfants n'a pas survécu. Blessé, l'autre est envoyé à l'hôpital américain de Bartella, à une vingtaine de kilomètres de Mossoul. Nettoyer la ville des engins explosifs prendra de nombreuses semaines. "Les jihadistes ont posé des mines. Lorsque nous libérons une zone, nous envoyons donc des démineurs pour qu'ils ouvrent des routes", poursuit le major Ahmad.

Un jour, un enfant a ramené chez lui une grosse bombe. Il jouait avec. Elle a explosé. Dix-neuf personnes ont été blessées.

major Ahmad

à franceinfo

Les équipes médicales militaires ne sont plus seules dans les quartiers est de Mossoul. De petits hôpitaux de fortune ont ouvert. Dans une maison abandonnée, le chirurgien Saadoun, un habitant de la ville, a rassemblé une équipe de bénévoles locaux. "Nous recevons dix à vingt patients par jour, voire plus, raconte-t-il. Nous avons suffisamment de connaissances pour les soigner. Mais nous avons besoin de soutien, de médicaments, d'équipement chirurgical... Et surtout de plus d'espace : ici, c'est très petit."

Dans ce centre médical de fortune, qui ne compte qu'un seul gynécologue, un bébé vient de naître. Sa mère est assise sur une chaise, fatiguée. "Nous avons eu beaucoup de patientes aujourd'hui. Deux d'entre elles ont fait des hémorragies, nous confie Meryem, la sage-femme. Heureusement, nous pourrons bientôt nous installer dans un préfabriqué."

Nous avons fait des accouchements sur cette chaise. Et aussi là, par terre.

Meryem, sage-femme

à franceinfo

Mosquée détruite dans un quartier est de Mossoul, le 21 janvier 2017 (AHMAD AL-RUBAYE / AFP)

Vers de nouveaux conflits ?

Meryem nous raconte que sa famille vit à Dohuk, au nord de Mossoul. "Ils ont encore peur de Daesh, dit-elle. La nuit ici, ce n'est pas stable." Dans les quartiers libérés, la première préoccupation est de trouver de l'eau courante et de l'électricité. Mais les jeunes se tournent déjà vers l'avenir. Plein d'espoir, Mohamad nous confie ainsi vouloir devenir juge et "construire le futur de Mossoul" : "Cette ville est à nous et nous ne la donnerons jamais à quelqu'un d'autre."

J'ai dû arrêter mes études de droit il y a trois ans. Sous Daech, c'était interdit

Mohamad

à franceinfo

À côté de Mohamad, Abu Brahim, de vingt ans son aîné, est plus inquiet. "Avant Daech, il y avait déjà des terroristes ici. Mais les policiers n'y ont pas accordé d'importance, raconte-t-il. Chacun se renvoyait le problème. Et Daech est arrivé."

Abu Brahim dénonce la corruption qui sévit à Bagdad, la capitale irakienne, et à Mossoul. Il nous confie également sa crainte d'affrontements "entre la région kurde et les milices chiites". Car durant cette guerre contre les jihadistes, les combattants kurdes ont pris le contrôle de terres auparavant reconnues comme irakiennes. Quant aux forces chiites, elles ont renforcé leur présence dans la région de Mossoul, majoritairement sunnite. À une victoire contre Daech pourraient succéder de nombreux conflits, qui marquent l'histoire du pays depuis des décennies.

Reportage franceinfo d'Oriane Verdier dans les quartiers est de Mossoul, libérés de la présidence des jihadistes

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